Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 8, Dok. 31
volume linkBern 1988
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1508#273* | |
Dossiertitel | Passage à travers la Suisse des troupes à destination de Vilna (1920–1923) | |
Aktenzeichen Archiv | B.56.41.17.10 |
dodis.ch/44673
Permettez-moi tout d’abord de vous remercier très vivement du si bienveillant accueil que vous avez bien voulu me réserver hier. Quoique l’issue de notre entrevue n’ait guère été encourageante en ce qui concerne l’état actuel de l’esprit public chez nous, j’en ai retiré tout de même l’impression consolante et réconfortante que notre politique étrangère était dirigée par un homme qui souhaite de voir la Société des Nations se consolider et qui espère que la Suisse pourra prendre sa part à la tâche commune qui incombe à tous ses Membres.
D’après les dernières nouvelles de Paris, le Conseil de la Société aurait le désir de voir s’apaiser, pour le moment, les polémiques de presse au sujet de l’attitude de la Suisse dans l’affaire du passage des troupes de police pour la Lithuanie. Il aurait, d’autre part, l’intention de porter la question à l’ordre du jour de la prochaine session du Conseil qui doit s’ouvrir à Paris le 21 Février. Il paraît probable que le Gouvernement suisse sera invité à participer à la séance du Conseil où le passage des troupes à travers notre pays doit être discuté. Quoiqu’il soit évident que personne ne songe à imposer ce passage à la Suisse, il n’est pas moins évident que si son Représentant se voyait obligé de s’opposer inconditionnellement à ce passage, l’effet moral serait déplorable. Quel que soit le scepticisme que certains Gouvernements puissent manifester à l’égard de la Société des Nations, il est évident que le refus absolu de la Suisse de collaborer à la tâche commune dans l’affaire du plébiscite lithuanien serait exploité par tous les ennemis de notre pays et contribuerait à accroître les difficultés de ses représentants et de ses amis. Il me semble donc qu’une attitude radicalement négative pourrait nuire, non seulement au prestige de la Société des Nations et à la situation morale de la Suisse en tant que Membre de la Société mais aussi à l’ensemble de ses relations extérieures. De plus, on peut, sans grand effort d’imagination politique, se représenter les répercussions que pourrait avoir sur la politique intérieure de la Suisse une politique extérieure dont l’effet pourrait être d’indisposer le Conseil de la Société au point de lui faire envisager le transfert du siège. Il va sans dire qu’il serait aussi injuste qu’impolitique de se servir de cette considération pour exercer une pression sur les autorités et l’opinion publique suisses. Cependant, comme je me suis permis de vous le dire hier, il y a là une éventualité qui ne sort nullement de la sphère des possibilités et qui n’échappera certainement pas à votre clairvoyance politique.
Je conclus donc de ces quelques considérations que je prends la liberté de vous exposer à nouveau par écrit, qu’une attitude absolument négative dans la question du passage des troupes pourrait avoir, tant à l’intérieur de nos frontières qu’au dehors, des conséquences extrêmement regrettables et auxquelles ne sauraient être insensibles tous ceux qui se préoccupent de l’avenir de notre pays quels que soient, d’ailleurs, les sentiments qui les animent à l’égard de la Société des Nations.
Il me paraîtrait donc utile, ne fusse que pour renforcer l’autorité de celui qui représentera la Suisse au Conseil et pour assurer au Gouvernement suisse une plus grande liberté de mouvement que notre peuple fût mieux renseigné sur la question qui lui a été posée et que la décision récente du Conseil fédéral n’a pu écarter que momentanément. Cette éducation de l’esprit public, qui me paraîtrait utile au point de vue national comme au point de vue international, ne saurait, évidemment, depuis vos déclarations récentes, être l’oeuvre du seul Gouvernement fédéral lui- même. Elle est encore bien moins celle de la presse étrangère ou celle des journaux qui se sont toujours cantonnés dans une attitude d’opposition systématique au Conseil fédéral. D’autre part, elle devrait, me semble-t-il, être entreprise par toutes les plumes clairvoyantes et patriotes qui écrivent dans nos principaux journaux, ainsi que par l’Association nationale pour la Société des Nations dont le programme comporte précisément des campagnes comme celle-ci. Pour qu’elle ne soit pas entreprise dans un esprit acrimonieux et pour qu’elle ne tende pas à creuser à nouveau le fameux fossé entre la Suisse germanique et la Suisse latine, il me paraîtrait très nécessaire que le Conseil fédéral n’y fût point hostile et qu’elle fût conduite avec sagesse et pondération. C’est pourquoi il m’est venu à l’esprit de vous soumettre la question suivante: Ne conviendrait-il pas de mettre officieusement la presse au courant de l’affaire telle qu’elle se présente aujourd’hui et telle qu’elle peut se présenter à nouveau dans un avenir proche ou éloigné? Ne conviendrait-il pas en outre d’informer M. le Conseiller aux Etats Usteri en sa qualité de Président de l’Association suisse pour la Société des Nations, en le priant de bien vouloir examiner la possibilité d’une action immédiate mais réfléchie et modérée sur l’opinion?
J’ose espérer, M. le Conseiller fédéral, que vous voudrez bien excuser mon intervention réitérée auprès de vous, dans cette affaire. Vous savez qu’elle ne m’est dictée que par le désir de servir à la fois la cause de la Suisse et de la Société des Nations dans laquelle notre pays, s’il est bien éclairé sur ses véritables intérêts et sur sa mission dans le monde, peut encore jouer un rôle très heureux et très bienfaisant.
Dans l’espoir que vous ne jugerez pas importune cette trop longue lettre et qu’il vous sera possible de prendre en considération la proposition que je me suis permis d’y formuler.
- 1
- E 2001 (B) 8/27.↩
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Völkerbund
Vilnius-Affäre (1921)