Personnelle Rome, 26 octobre 1920
J’ai l’honneur de vous confirmer ma lettre personnelle du 18 octobre.2
M. Tittoni, dont on m’avait annoncé le retour pour le 25 octobre, n’est pas encore à Rome et l’on ne sait pas chez lui quand il rentrera. Je n’ai donc pas pu jusqu’ici l’entretenir de la question de la présidence de la prochaine Assemblée. Je ne manquerai pas, du reste, de le voir dès son retour.
La question de l’entrée de l’Allemagne dans la Société des Nations préoccupe vivement les milieux intéressés.
J’en ai parlé hier avec le Comm. Ricci-Busatti qui a été attaché à la Délégation italienne à Paris en qualité de conseiller juridique pendant toute la durée de la Conférence. Il paraissait croire que l’entrée de l’Allemagne, comme de tout nouvel Etat, ne pouvait avoir lieu que moyennant l’approbation unanime du Conseil. Mais en relisant l’article premier du Traité de Versailles, je vois que tout Etat qui se gouverne librement peut devenir membre de la Société, si son admission est prononcée par les 2/3 de l’Assemblée; le Conseil n’est donc pas à lui seul compétent.
Or, j’apprends de source certaine que la France est décidée à se retirer de la Société des Nations si l’Assemblée venait à voter l’admission de l’Allemagne. La sortie de la France pourrait entraîner la ruine de tout l’édifice. Il est donc à souhaiter que la question de l’accession de l’Allemagne ne soit pas posée en ce moment-ci. D’ici à un an il peut se passer beaucoup de choses. Les sentiments du peuple français peuvent se modifier ou s’atténuer et il sera plus facile de lui faire admettre une association qu’il réprouve maintenant avec indignation. J’ai recueilli également cette impression dans d’autres milieux italiens ou neutres.