Confidentielle Rome, 9 mars 1920
Un catholique suisse, de passage à Rome, me dit que l’opposition à la Société des Nations est extrêmement forte dans le clergé de la Suisse centrale. Les masses rurales, me dit-il, déjà hostiles par tempérament à cet accord international, sont persuadées, en outre, que le St-Siège est hostile à la Ligue et que le devoir de tout bon catholique est de voter non le 16 mai prochain. Cette opposition, me dit-il, est également forte dans un canton comme St-Gall dont les députés au Conseil national se sont prononcés en grande majorité en faveur de l’adhésion de la Suisse.
Il serait hautement désirable que les masses catholiques fussent exactement renseignées sur la pensée du St-Siège qui n’a témoigné jusqu’ici que des sentiments bienveillants à l’égard de la Société des Nations. Il suffirait d’un mot du St-Siège pour dissiper le malentendu et les préventions qui peuvent compromettre le résultat de la prochaine votation. Je ne puis, malheureusement, rien faire ici dans ce sens, car nos amis de la Garde Suisse ne sont pas, je le crains, suffisamment convaincus de la justesse de notre cause pour que nous puissions leur demander une démarche quelconque. D’autre part, je ne puis moi-même, vous le comprendrez, entreprendre aucune démarche directe auprès de qui que ce soit. Je suis convaincu, en revanche, que votre action, M. le Président, serait seule efficace: il suffirait de provoquer un article, par exemple dans «L’Osservatore Romano», rappelant que le St-Siège n’a jamais combattu le projet en question, mais qu’il lui a donné au contraire, et récemment encore, sa haute et entière approbation.
Ma suggestion est peut-être inutile. J’ai toutefois jugé de mon devoir de vous écrire.