Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.13 ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 148
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7350#1000/1104#17* | |
Old classification | CH-BAR E 7350(-)1000/1104 22 | |
Dossier title | Bukarest (1914–1918) | |
File reference archive | 2.1 |
dodis.ch/44359 Le Ministre de Suisse à Bucarest, G. Boissier, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess1
Pour faire suite à mon rapport No. 15 du 30 Oct./3 Novembre2 dernier, j’ai l’honneur de vous faire savoir que je me suis rendu à nouveau le 6 novembre chez le Ministre des Affaires étrangères, M. Mi§u. Conformément à vos instructions je lui ai fait part de votre surprise des interviews accordés par M. Cusin à la presse suisse.3 M. Mi§u, qui est un diplomate de carrière des plus distingués, a été consterné de l’attitude de M. Cusin qu’il a qualifiée de parfaitement insolite et il m’a promis d’en saisir immédiatement son collègue du Commerce pour que l’attaché commercial à Berne soit à l’avenir rappelé à l’observation des usages et de la discrétion.
J’ai profité de l’occasion pour insister auprès de M. Mi§u sur le désir que nous avions de savoir si oui ou non le Gouvernement actuel était dans les mêmes intentions que son prédécesseur et si nous pouvions toujours compter sur les engagements verbaux, pris par ce dernier. M. Mi§u m’avait promis de soumettre à nouveau la question à ses collègues et de me donner une réponse positive le plus tôt possible.
J’ai le très grand regret de vous faire savoir que celle-ci est négative. Le Ministre des Affaires étrangères est venu me voir hier à la Légation et m’a déclaré que le Conseil des Ministres l’avait chargé de faire savoir par mon entremise au Conseil fédéral qu’il était dans l’impossibilité de prendre actuellement des engagements en ce qui concerne les exportations de céréales et notamment du blé; que jusqu’à présent par suite des conditions climatériques il avait été impossible de labourer et d’ensemencer les terres, qu’on avait encore l’espoir de pouvoir procéder cet automne à une partie de ces travaux si la saison s’y prêtait, mais qu’avant 6 semaines au moins le Gouvernement n’aurait aucune statistique en mains lui permettant de se faire une idée des ensemencements et par conséquent de la quantité éventuellement disponible pour l’exportation; que les bruits qui avaient couru dans le public de l’intention du Gouvernement d’autoriser certaines exportations de céréales avaient provoqué de toutes parts des protestations et que dans ces conditions le Gouvernement ne pouvait pas passer outre et devait refuser pour le moment de prendre aucun engagement de ce genre.
Le Ministre a ajouté qu’il avait dû faire la même réponse à la France, ce qui m’a été confirmé par le Chargé d’Affaires de France, mais qu’il espérait vivement que si un arrangement du genre de celui que nous avions projeté ne pouvait pas se conclure actuellement entre nos deux pays, par suite de raisons majeures, il espérait vivement que la conversation à ce sujet pourrait être reprise plus tard, étant donné l’intérêt capital qu’il présentait pour nos deux pays; qu’enfin sachant que nous étions pressés d’avoir une réponse en raison des besoins de nos approvisionnements, il n’avait pas voulu me laisser plus longtemps dans l’incertitude et préférait faire savoir au Conseil fédéral qu’il ne devait pas compter pour le moment sur une fourniture de blé de la part de la Roumanie.
J’ai remercié M. Mi§u de m’avoir enfin donné une réponse définitive, non sans lui dissimuler mon étonnement de ce que le cabinet précédent se fût montré si affirmatif, lors de nos pourparlers du mois d’avril; j’ai ajouté que je prenais acte de son désir de rentrer en pourparlers avec nous, lorsque les circonstances le permettraient et ai insisté pour que si dans un nombre x de semaines le Gouvernement une fois en possession des statistiques sur les ensemencements, voyait la possibilité de consentir à une exportation quelconque, je lui serais reconnaissant de ne pas oublier que la Suisse était inscrite au 1er rang sur la liste des pays ayant sollicité du blé.
Je n’ai pas besoin de vous dire que j’ai éprouvé une très grande déception de cet échec dans une négociation à laquelle je m’étais intéressé dès mon retour en Roumanie au mois de février4; j’y avais voué tous mes efforts, dès avant même qu’il pût être question d’exportations de céréales, voyant dans un arrangement de ce genre les meilleures garanties pour un développement de nos relations commerciales; j’avais même rencontré au début peu d’écho auprès de votre Département et des milieux financiers qui se montraient réfractaires à une avance de fonds à la Roumanie et ce n’est que lorsque put être envisagée la question d’une avance basée sur l’exportation de céréales ou autres produits que vous consentites à entrer en discussions. Si je n’avais pas comme témoins MM.les Membres de la délégation que vous avez envoyés ici cet été et qui ont assisté à nos entrevues avec les Membres intéressés du précédent Gouvernement, je pourrais craindre de passer pour vous avoir mal renseigné sur les intentions de ces derniers, mais je crois que ces Messieurs seront d’accord pour reconnaître que les engagements verbaux, pris par le précédent cabinet, paraissaient tout à fait sérieux. Je crois avoir fait tous mes efforts pour aboutir et ne puis – je le répète – que déplorer d’avoir échoué presque au port.
Mais il ne faut jamais se décourager; admettant même qu’il ait pu y avoir une manœuvre du précédent Gouvernement qui aurait espéré obtenir à la fin notre signature pour l’arrangement financier, sans prendre d’engagement ferme au sujet de la date et de la quantité d’exportations (nos deux principales conditions), j’ai l’impression qu’il n’y a aucune mauvaise disposition à notre égard dans les milieux dirigeants, bien au contraire; je suis certain que le prochain Gouvernement, quel qu’il soit, aura réellement un intérêt primordial à entretenir des relations étroites et suivies avec nous; j’en ai reçu trop souvent et dans des milieux trop différents l’assurance formelle pour avoir le moindre doute à cet égard, tout en faisant la part des phrases de circonstances. J’ai l’impression que l’échec actuel est dû réellement aux différentes causes que je vous ai énumérées et notamment aux conditions climatériques anormales de cette année, aux difficultés de transport, à la situation politique intérieure, mais nullement à un mauvais vouloir à l’égard de la Suisse et je suis d’avis qu’il ne faudra pas perdre l’occasion de reprendre les pourparlers, dès que les circonstances le permettront, à la fin de cette année ou au début de l’autre. Il est plus que probable en effet que même, s’il n’était pas possible d’obtenir une exportation de blé, celle du maïs sera possible dès le printemps; quant à celle du pétrole et de benzine elle n’entre pas en ligne de compte dans le refus actuel et si cette question vous intéressait toujours, la conversation pourrait même être reprise maintenant en ce qui concerne ces produits.5
- 1
- EVD Zentrale 1914-1918/21-22RC no 16. Paraphe: KW.↩
- 2
- Cf. no 130.↩
- 3
- L’Attaché commercial de la Légation de Roumanie, à Berne, M. Cusin, avait accordé une interview à la presse suisse sur les négociations économiques en cours entre la Suisse et la Roumanie.↩
- 4
- Cf. DDS 7/1, nos 238, 247, 345, 357, 371, 398, 421, 455.↩
- 5
- Dans sa lettre du 25 novembre, le Conseiller fédéral Schulthess communique au Ministre Boissier qu’il est d’accord que les pourparlers soient repris, dès qu’il y aura espoir d’arriver à un résultat positif. (E 2200 Bukarest 2/12).↩
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