Classement thématique série 1848–1945:
I. LA SUISSE ET LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 123
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#156* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 84 | |
Dossier title | Brüssel, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 4 (1918–1919) |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1508#212* | |
Dossier title | Généralités (1919–1923) | |
File reference archive | B.56.41.15.06 |
dodis.ch/44334 Le Chargé d’Affair es de Suisse à Bruxelles, F. Barbey, au Chef du Département politique, F. Calonder1
Je m’excuse de n’avoir pu répondre sur l’heure aux demandes d’information contenues dans votre télégramme chiffré qui m’est parvenu le 20 octobre2. Mais il était indispensable que je m’entourasse auparavant de tous les éléments qui étaient à ma disposition et je n’y suis parvenu qu’aujourd’hui.
La correspondance parue dans le Temps du 10 octobre fait allusion à un bref incident qui s’est passé à la séance du 8 octobre de la Chambre des Représentants, incident si bref qu’il n’avait pas été relaté dans les journaux quotidiens, qu’il m’avait échappé et qu’ainsi j’ai négligé de vous en entretenir dans mon dernier rapport. A l’occasion d’un débat sur la revision de la Constitution, le député socialiste Destrée, auquel ses missions en Italie et en Russie durant la guerre ont conféré une certaine autorité dans les questions de politique extérieure, a demandé au Gouvernement de ne pas renoncer à ses prétentions au siège de la Société des Nations. Le ministre de l’Intérieur M. de Broqueville lui a répondu qu’il n’en avait pas l’intention. Il n’y a pas eu d’autre suite à cette affaire. Vous trouverez ci-inclus le compte-rendu sténographique du débat3.
En faut-il conclure qu’il y a au Parlement belge un courant actif en faveur du transfert de Genève à Bruxelles du siège. Après m’être enquis de la chose dans divers milieux, je crois pouvoir affirmer que non. Toutes les préoccupations sont aux élections. Dans les couloirs, on ne s’entretient que de cela, on ne parle ni de la Société des Nations ni de Genève. Toutefois, l’ajournement de la décision d’adhésion de la Suisse prise par le Conseil national il y a un mois, a réveillé, il ne faut pas se le dissimuler, certains espoirs ici. Les Chambres dans leur session de novembre offriraient-elles une forte résistance à l’entrée de la Suisse que ces espoirs s’affirmeraient ici et se traduiraient sans aucun doute par une énergique offensive auprès des grands alliés pour faire changer la décision première. Mais pour le moment, aucun symptôme de démarches nouvelles n’est parvenu à ma connaissance. Les Ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne que j’ai discrètement sondés m’ont dit ne rien savoir d’un retour offensif du Gouvernement belge sur ce sujet. Celui de Grande-Bretagne s’est exprimé en termes très rassurants, me disant qu’il n’avait aucune raison de croire à une modification des dispositions de son gouvernemenn en faveur de Genève, du moment que la Suisse adhérerait à la Société des Nations. D’autre part, l’éventualité d’une prochaine réunion du Conseil de la Société, à Paris ou ailleurs, est complètement ignorée jusqu’à aujourd’hui dans les milieux officiels. Au Ministère des Affaires étrangères, on m’a déclaré n’avoir reçu aucune communication à ce sujet. Comme délégué belge au Conseil, aucun nom n’a été prononcé, aucun choix n’a été fait, m’at-on dit au même endroit.
Mais sur ce sujet, je viens de recueillir d’un journaliste qui touche de près au Gouvernement – il est en rapports d’amitié journaliers avec M. Vandervelde – une information, la seule de nature à mon avis, à nous mettre en garde pour ces prochaines semaines. Il se pourrait que ce fût M. de Broqueville qui se retire du Ministère le mois prochain, qui fût le délégué belge au Conseil de la Société, au même titre que MM. Léon Bourgeois et Tittoni pour la France et l’Italie. Vous n’ignorez pas quel rôle considérable M. de Broqueville a joué dans la politique belge au cours de ces dix dernières années, quelle est son autorité. Son départ est très regretté. Il serait fort plausible qu’on fît encore appel à sa grande expérience et au prestige dont il jouit, pour occuper ce poste très honorable. Et alors... songeant à son attitude l’autre jour à la Chambre, si vraiment il est appelé à siéger au Conseil de la Société des Nations je ne puis m’empêcher de supposer que la Suisse et Genève trouveront en lui un adversaire non négligeable, qui s’efforcera de provoquer un transfert du siège. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Faut-il encore mentionner l’activité déployée par un pacifiste belge, M. Paul Otlet, secrétaire général de l’Union des Associations internationales et directeur de l’Institut de Bibliographie. M. Otlet, qui a passé une partie de la guerre à Lausanne, a repris ici dès son retour un projet de construction d’une Cité Internationale qu'il avait conçu avant la guerre et pour les plans de laquelle il avait obtenu le concours de deux architectes français MM. Andersen et Hébrard. Tout naturellement la possibilité du transfert du siège à Bruxelles lui est apparue comme une reprise inespérée de son projet de Bruxelles « World Center». Il vient de donner une conférence à ce sujet. «Pour agir en toute impartialité, la Société des Nations doit disposer d’une cité où elle sera chez elle et non pas l’hôte d’un Etat particulier. Il lui faut l’exterritorialité complète et réelle, sans aucune fiction.» D’ailleurs, il est même des précédents chez les fondateurs d’Etats qui ont su créer leur capitale tout d’une pièce: Alexandre fondant Alexandrie, Philippe II édifiant Madrid, Washington donnant son nom au siège politique des Etats-Unis alors qu’existaient déjà New-York et Boston. Mais M. Otlet passe surtout pour un théoricien et un abstracteur.
Quoi qu’il en soit vous pouvez compter que je prêterai la plus grande attention à tous les échos qui pourraient parvenir à Bruxelles d’une décision sur ce sujet au sein du Conseil de la Société. Peut-être le retour prochain de l’Ambassadeur des Etats-Unis, M. Brand Whitlock qui vient de passer deux mois en congé, nous apportera-t-il quelques précisions de Washington.
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