Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALES ET LA VIE DES ETATS
II.13 ROUMANIE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 69
volume linkBern 1984
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| Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7350#1000/1104#9* | |
| Old classification | CH-BAR E 7350(-)1000/1104 15 | |
| Dossier title | Rumänien (1914–1918) | |
| File reference archive | 1 |
dodis.ch/44280 Le Ministre de Suisse à Bucarest, G. Boissier, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess 1
[...] 2 Je ne voudrais pas terminer ce rapport sans insister encore sur le côté politique de cette négociation et sur le grand intérêt qu’il me paraît y avoir pour la Suisse à ne pas laisser échapper l’occasion de conclure dès maintenant et le plus tôt possible un arrangement commercial et financier avec la Roumanie, même si vous ne pouviez obtenir toutes les conditions que vous aviez arrêtées le 11 août,3 et si vous deviez non pas courir des risques, mais faire quelques sacrifices. Dans toutes mes conversations soit avec les membres du Gouvernement, soit avec d’autres personnages plus ou moins officiels, je constate l’exaspération des hommes politiques et autres contre les grandes Puissances et le sentiment très net d’un désir de rapprochement avec les petits pays particulièrement avec la Suisse. Cette animosité contre les grandes Puissances est beaucoup plus marquée contre l’Amérique, car on est convaincu que c’est à son intervention directe et à son veto que l’on doit l’attitude de la Conférence, soit en ce qui concerne les clauses peu favorables à la Roumanie dans le traité de paix avec l’Autriche, soit en ce qui concerne sa dernière expédition contre la Hongrie. Sans parler du côté politique de l’opposition de l’Amérique à l’occupation de Budapest et qui serait motivée par l’intervention de la haute finance juive, l’attitude de l’Amérique à l’égard de la Roumanie serait due également à son profond dépit causé par son échec dans ses négociations relatives aux affaires de pétrole. Lors de la destruction, en octobre 1916, à l’approche des armées allemandes, des puits pétrolifères par les armées alliées, la France et l’Angleterre avaient pris l’engagement de payer les dommages causés par cette destruction; ceux-ci ont été évalués dès lors à 7 ou 8 cents millions; lorsqu’il s’est agi de les payer dernièrement, la France et l’Angleterre ont demandé en échange à avoir certains privilèges dans l’exploitation du pétrole; l’Amérique s’y est opposée formellement et a entamé à son tour des négociations par l’entremise de la Standard Oil pour obtenir les concessions de tous les terrains pétrolifères de l’Etat non encore exploités. Le Gouvernement roumain a fait traîner les choses en longueur et lorsqu’il s’est rendu compte que les récoltes de cette année assurant le ravitaillement de la population ne le rendaient plus aussi dépendant de l’Amérique, il a tenu bon et a refusé formellement de concéder ses terrains. Il s’est borné à autoriser la vente à la Standard Oil de 70.000 tonnes de pétrole, ce qui lui permettra de rembourser les ravitaillements qui lui ont été fournis par l’Amérique et d’y faire certains achats de marchandises pour la Roumanie.
L’Amérique furieuse de cet échec aurait refusé de continuer à ravitailler la Roumanie en d’autres marchandises et notamment en matériel de chemin de fer pour le transport de ses récoltes.
Voici ce qui m’a été raconté dans plusieurs milieux officiels et diplomatiques.
Quant aux rapports avec la France et l’Angleterre, ils sont beaucoup meilleurs; on sait fort bien que l’opinion publique en France est avec la Roumanie et que, si le Gouvernement a dû signer les notes menaçantes adressées à la Roumanie, c’est à cause de l’influence prépondérante de l’Amérique. Il n’est donc nullement question d’un refroidissement dans les rapports politiques ou économiques avec la France, mais il y a, je le répète, une tendance à un rapprochement avec les petits Etats.
Le nœud de toutes les difficultés, avec lesquelles se débat la Roumanie, est avant tout et en premier lieu la crise des moyens de transport et spécialement des locomotives, car il ne sert à rien à la Roumanie d’avoir cette année-ci de magnifiques récoltes, si elle ne peut pas les transporter et par conséquent pas les exporter ou s’il lui faut attendre encore au printemps prochain. Le jour où cette question serait résolue, où les récoltes pourraient être transportées ou exportées, et où les autres marchandises pourraient circuler dans le pays, où le trafic des voyageurs pourrait être repris dans d’autres conditions que les membres de la délégation suisse pourront vous décrire de vive voix, ce jour-là, je le répète, la Roumanie aura franchi le plus gros obstacle qui s’oppose à son développement et à son relèvement.
Si la Suisse pouvait en partie lui venir en aide à cette occasion, j’estime qu’elle lui rendrait un service tel que sa reconnaissance pourrait certainement se témoigner par un vigoureux appui à donner à notre commerce d’exportation. Il s’agit donc d’examiner si nous pouvons livrer à la Roumanie un nombre appréciable de locomotives dont nous avons de trop dans un délai rapproché, et si nous pouvons lui faire, en vue de l’intérêt que nous en retirions, des facilités de paiement; j’entends par là qu’il faudrait pouvoir consentir à porter ce crédit éventuel de 30 millions à un chiffre supérieur, tout en exigeant en échange des marchandises roumaines pour un chiffre analogue.
En ce qui concerne l’envoi de notre matériel pour effectuer le transport des céréales que nous achèterons à la Roumanie, j’estime qu’en l’état actuel des moyens de transports dans ce pays-ci, c’est une condition sine qua non de la réussite de cette opération, si vous voulez obtenir la livraison de blé dans un délai donné. Vous pourrez peut-être demander au Gouvernement roumain qu’il prenne l’engagement de vous acheter les 10 ou 12 locomotives que vous enverriez dans ce but, lorsqu’elles auraient terminé le transport de nos céréales. Vous ne courriez pas ainsi le risque qu’elles vous soient renvoyées dans un état trop détérioré et vous auriez ainsi, outre l’assurance de pouvoir faire transporter nos céréales, la vente assurée de votre matériel.
J’insiste tout particulièrement, si la chose est réalisable, sur l’importance du service que vous rendriez à la Roumanie en lui vendant actuellement du matériel de chemin de fer. Il y a, je le répète, un intérêt capital pour nous en vue de l’avenir, à prendre pied ici dès maintenant, à ne pas nous laisser distancer et à ce que l’on puisse dire plus tard que la Suisse est venue en aide à la Roumanie dans la mesure de ses moyens au plus fort de sa crise de transport.
- 1
- (Copie): EVD Zentrale 1914-1918/14-15RCno 11.IV.A.. Paraphe: KW.↩
- 2
- Précèdent des informations sur la délégation suisse à Bucarest et sur des maisons suisses en Roumanie.↩
- 3
- Pour le procès-verbal de cette conférence interdépartementale cf. EVD KW Zentrale 1914–1918/14–15. On y arrêta les conditions suivantes: [...] 1. Die Schweiz erklärt sich bereit, dem rumänischen Staat einen kurzfristigen Vorschuss im Betrage von ca. 30 Millionen Franken zu gewähren. 2. Die rumänische Regierung verpflichtet sich: a. diesen Vorschuss durch sukzessive Lieferungen von Brotgetreide, Mais, Ölkuchen und Petroleum zu tilgen. Die Preise und Lieferungsbedingungen für diese Warenbezüge wären im Abkommen festzulegen. b. die rumänische Regierung verpflichtet sich, die ihr auf Grund des Abkommens zur Verfügung gestellten Schweizerfranken grundsätzlich zur Begleichung der Verbindlichkeiten zu verwenden, welche der rumänische Staat oder rumänische Staatsangehörige, bezw. in Rumänien domizilierte Firmen, in der Schweiz kontrahiert haben, sei es auf Grund von schweizerischen Warenlieferungen nach Rumänien, sei es durch Kuraufenthalte rumänischer Staatsangehöriger oder auf andere Weise. Dabei herrscht Einverständnis darüber, dass mindestens der dritte Teil (oder die Hälfte) der Vorschüsse zum Ankauf und zur Bezahlung schweizerischer Exportwaren verwendet werden soll. [...] ↩


