Classement thématique série 1848–1945:
XII. MOUVEMENTS SOCIALISTES, RÉVOLUTIONNAIRES ET CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 7-II, Dok. 66
volume linkBern 1984
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#758* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 340 | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 72 (1919–1919) |
dodis.ch/44277
A plusieurs reprises la Légation a eu l’honneur de vous faire savoir que les menées bolchevistes dont notre pays avait parfois été le théâtre servaient à certaines coteries pour faire campagne contre le choix de Genève comme siège de la Ligue des Nations et pour demander que cet honneur nous soit enlevé pour être donné à Bruxelles.
Vous m’avez demandé2 (et je n’ai pas manqué de suivre vos instructions) de m’employer par tous les moyens à dissiper les doutes qui pouvaient exister à ce sujet dans certains esprits et à proclamer que dans aucun pays d’Europe l’ordre n’a jamais été moins troublé qu’en Suisse et la situation intérieure générale plus satisfaisante.
Je suis persuadé que tous les hommes politiques loyaux et bien informés ne songent pas à contester le bien-fondé de cette affirmation. On n’ignore pas ici que le Conseil fédéral a pris et prendra toujours s’il en est besoin toutes les mesures nécessaires pour assurer le libre jeu de nos institutions démocratiques pour maintenir l’ordre constitutionnel et pour préserver le pays de toute agitation désordonnée.
Par contre, on nous reproche, je crois, une certaine longanimité à l’égard de propagandistes étrangers qui s’abstiennent soigneusement d’entrer en conflit direct avec nos lois et nos Autorités mais qui se livreraient chez nous à des manœuvres politiques tendant à des buts divers et visant surtout les pays de l’Entente.
Il ne m’est pas facile ici de contrôler la valeur des insinuations que je puis entendre à ce sujet. Aussi ne vous en parlerais-je pas si la Légation n’avait reçu récemment la visite d’un fonctionnaire de la police vaudoise qui nous a fourni d’intéressantes précisions.
Il s’agit de M. Robert Jaquillard, Chef du Service de police au Département de Justice et Police du canton de Vaud. Ce fonctionnaire, qui a donné à mes collaborateurs l’impression d’un agent extrêmement zélé, intelligent et débrouillard, avait été recommandé à la Légation par M. le Conseiller d’Etat Cossy. Il a passé une quinzaine de jours à Paris pour y étudier le fonctionnement de divers services de police. M. Jaquillard estime, en effet, qu’une collaboration plus étroite entre la police suisse et la police française pourrait être d’une grande utilité surtout dans la lutte contre le bolchevisme et dans la répression du commerce des stupéfiants.
M. Jaquillard doit d’ailleurs être en rapports assez suivis à ce sujet avec l’Office central de police des étrangers. Il y aurait avantage, me semble-t-il, à ce que votre Département, lui aussi, le consulte sur des questions qu’il paraît connaître très à fond.
Le collaborateur de M. Cossy nous a entretenus surtout de l’activité déployée en Suisse par les agents de l’Allemagne.3 Il les divise en deux groupes. Le premier de ces groupes, dirigé par MM. Scheidemann et Soif, s’appliquerait surtout à favoriser en France la propagande socialiste dans l’espoir que si la prochaine Chambre française comptait un plus fort contingent d’élus socialistes, le Traité de Paix serait appliqué avec plus de ménagement et de douceur. M. Jaquillard paraît croire que le Député français Longuet a dû recevoir du groupe Scheidemann et Soif des fonds destinés à la propagande électorale de son parti.
Il existerait, aux dires de notre informateur, une autre espèce d’agents allemands préconisant des moyens plus violents et nettement révolutionnaires.
Ce deuxième groupe serait dirigé d’Allemagne par Ludendorff lui-même qui aurait pour principal agent en Suisse un nommé Robert von Treck.4 Celui-ci, ancien lieutenant de l’armée allemande, assurait durant la guerre, malgré son grade modeste, la Direction d’un très important service de renseignements au Grand Quartier Général. Robert von Treck aurait pour acolyte le comte de Frankenberg, lequel serait un bâtard de la Maison de Hohenlohe.
Avec un assez grand nombre de comparses, ces messieurs s’efforceraient de déchaîner dans toute l’Europe une révolution bolcheviste estimant que si l’insurrection éclatait partout, le peuple allemand serait le premier à se ressaisir et à pouvoir alors mettre à profit le désarroi dans lequel seraient tombés ses ennemis d’hier.
Je vous donne ces indications sous toutes réserves ne pouvant pas vous garantir que ma mémoire ait conservé sans aucune défaillance toutes les confidences de M. Jaquillard.
Je tiens cependant à vous dire que le policier vaudois ne paraît pas croire à une très grande efficacité de nos règlements actuels sur la police des étrangers. Il estime qu’il y aurait lieu de simplifier la procédure en usage et de s’attacher davantage à la surveillance des éléments dangereux de l’intérieur qu’à une excessive complication des formalités d’entrée en Suisse.
Notre informateur a également attiré l’attention de la Légation sur le trafic des stupéfiants et, en particulier, de la cocaïne qui se ferait en d’assez vastes proportions d’Allemagne en France, soit directement soit par l’entremise d’agents résidant en Suisse et qui aurait pour notre pays lui-même des conséquences déjà inquiétantes.