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Le Ministre de Suisse à Bucarest, G. Boissier, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess1

Dans mon rapport du 29 avril2 relatif à l’ouverture de crédits à la Roumanie qui a dès lors fait l’objet de Votre réponse du 7 mai nro. 29033 et de mon rapport du 22 mai,4 j’ai l’honneur de Vous informer que le Président de notre Société suisse de Bienfaisance M. E. Wolff s’est adressé ces jours-ci à M. Baicoiano, Directeur de la Banque Nationale, à l’effet d’obtenir environ 45.000 francs sur la Suisse au cours du change officiel de 186%. Cette somme est destinée à payer en Suisse le prochain envoi de vivres adressé à la Colonie Suisse de Roumanie et le but de la démarche de M. Wolff était d’obtenir que grâce à ce taux officiel plus bas que le cours libre qui varie entre 250 et 275% nos compatriotes n’aient pas à payer un prix trop élevé pour les dits paquets de vivres. M. Baicoiano a fait remarquer qu’il ne disposait pas dans ce moment d’argent sur la Suisse et qu’il était obligé de réserver pour des achats de marchandises les faibles sommes dont il pouvait disposer; qu’en revanche si la Suisse faisait un arrangement avec la Roumanie dans le sens où il m’en avait parlé cette question serait tout de suite résolue et M. Wolff pourrait à chacun des envois futurs de vivres obtenir des crédits pour régler ces marchandises en Suisse.

M. Wolff est venu me rendre compte de cet entretien et comme j’avais à voir le Ministre des Finances pour différentes autres questions en cours, j’ai également abordé ce sujet avec lui aujourd’hui.

Le Ministre des Finances actuel, H. Kiriacesco, qui entre parenthèses a beaucoup de sympathies pour la Suisse, a confirmé en tous points les indications fournies par M. Baicoiano et m’a demandé d’intervenir à nouveau auprès de Vous pour Vous prier d’examiner, en dehors de la question d’ouverture de crédits pour l’achat de marchandises basés sur les exportations de la Roumanie - question actuellement à l’étude - s’il ne serait pas possible de consentir une ouverture de crédit spéciale de deux ou trois millions dont le montant serait exclusivement réservé pour procurer aux Roumains en villégiature en Suisse les moyens de subvenir à leur entretien. - Vous n’ignorez pas, et le Bureau du Contentieux de la Division des Affaires étrangères du Département politique pourrait Vous fournir des renseignements utiles à ce sujet, que beaucoup de Roumains ont contracté soit dans des hôtels soit dans des sanatorias des dettes qu’ils ne peuvent payer soit à cause du cours du change soit à cause de l’impossibilité de se procurer même à un cours élevé de l’argent sur la Suisse. - En dehors du service que nous rendrions ainsi aux Roumains dont il s’agit, il y aurait un réel intérêt pour nous à ce que les dettes en question puissent être réglées. Outre les réclamations dont j’ai été saisi par le Bureau précité du Département politique il n’y a pas de jour où je n’en reçoive d’autres directement de Suisse. Chaque jour également je reçois des visites de Roumains qui sollicitent mon intervention pour obtenir la possibilité d’envoyer des fonds à ceux des membres de leurs familles qui se trouvent en Suisse.

Le crédit dont il s’agit ne permettrait sans doute pas de satisfaire à tous les besoins, mais il suffirait à verser tout au moins des acomptes et il permettrait d’attendre la solution de l’autre question. Le sacrifice ne me paraît pas devoir être bien grand pour nous et il témoignerait cependant de notre désir de rendre un petit service au Gouvernement roumain tout en permettant à nos compatriotes qui ont des créances roumaines d’en recouvrer tout ou partie. A cette occasion le Ministre des Finances m’a dit que si Vous acceptiez cette proposition Vous pourriez m’envoyer une liste de ces créances et que les débiteurs pourraient être mis en mesure ici d’acquitter leurs dettes.

N’ayant pas encore reçu de réponse à mon dernier rapport du 22 mai nro. 5., je Vous serais obligé de ne pas perdre de vue cette question et de m’envoyer la liste des marchandises exportables que je Vous avais demandée dans ce rapport. Avant de l’avoir reçue, il ne m’est pas possible de retourner chez M. Baicoiano et de reprendre notre conversation.

Au cours de notre entretien de ce jour avec M. Kiriacesco, il m’a dit qu’il venait de faire une tournée en automobile en Moldavie et en Bessarabie, qu’il avait été émerveillé de l’aspect des récoltes et qu’il était sûr que la Roumanie pourrait exporter du blé cet automne. Je Vous donne cette information pour ce qu’elle vaut; ce n’est qu’une conversation et non un engagement pris par le Gouvernement.