Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 453
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#465* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 223 | |
Dossier title | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 13 (1919–1919) |
dodis.ch/44198
J’ai l’honneur de Vous remercier de Vos dépêches politiques des 11 et 12 juin 11 l.T/M et 11 l.My,2 qui m’ont apporté de très intéressantes informations.
Aux courses d’Ascot hier, le Roi et la Reine ont eu la gracieuseté de m’inviter à déjeuner dans leur pavillon. J’ai ainsi eu l’occasion de parler à certaines personnes appartenant à la Cour et au Gouvernement de ce qui préoccupe actuellement tout le monde, à savoir si les Allemands signeront le traité de paix, oui ou non. Les opinions sont fort différentes, mais la majorité incline à croire que les Allemands signeront, si pas dans le délai qui leur est fixé et qui expire lundi prochain, du moins aussitôt que les Gouvernements alliés et associés auront commencé à prendre contre eux des mesures cœrcitives: ceci pour prouver au peuple allemand et au monde que si l’Allemagne signe, elle ne le fait qu’en cédant à la force. D’ailleurs, il paraît futile de spéculer sur ce qui va arriver, puisque les facteurs indispensables pour se former un jugement font défaut et puisque, dans peu de jours, on sera fixé, même avant que le présent rapport arrive à Berne.
En attendant, les Gouvernements alliés et associés ont fait tous les préparatifs pour agir immédiatement après l’expiration du délai accordé à l’Allemagne, si celle-ci ne devait pas se soumettre. Les armées massées sur le Rhin sont prêtes à marcher et la flotte britannique est complètement mobilisée, soit dans les ports du Royaume-Uni, soit même dans la Mer Baltique.
Je Vous ai parlé dans un précédent rapport des trois citoyens américains, d’origine irlandaise, qui avaient obtenu l’autorisation d’aller visiter l’Irlande pour faire rapport à leurs concitoyens sur les conditions politiques et économiques de l’Ile. Ce rapport vient de paraître et contient des accusations si graves à la charge du Gouvernement britannique que celui-ci a cru devoir, par l’organe du Secrétaire principal pour l’Irlande, démentir officiellement 47 des allégations mises en avant par les délégués irlandais-américains. Je crois devoir Vous envoyer cette réfutation, dont la lecture ne manque pas d’intérêt.3
Grâce à la politique tantôt trop sévère, tantôt trop indulgente, mais toujours inconséquente, suivie par l’Angleterre vis-à-vis de l’Irlande, il paraît actuellement presque impossible de trouver une solution à cette question, la plus épineuse qui se pose à la Grande-Bretagne. Tandis que dans le temps la grande majorité des Irlandais aurait été satisfaite par l’octroi d’une autonomie dans le cadre de l’Empire britannique, il est évident aujourd’hui que rien ne saurait lui suffire, sinon la reconnaissance d’une République Irlandaise indépendante.
Les plus clairvoyants parmi les hommes d’Etat anglais préconisent un règlement sur la base d’une Fédération. L’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galles et l’Irlande auraient leurs constitutions et leurs parlements à eux, à l’instar des cantons suisses et le parlement commun tel qu’il existe aujourd’hui n’aurait plus à s’occuper que des affaires concernant l’ensemble du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande.
Les difficultés qui s’élèvent contre un règlement de la question d’Irlande sont d’autant plus dangereuses pour la Grande-Bretagne qu’elles menacent de semer la discorde entre ce Pays et les Etats-Unis d’Amérique. Il y a déjà sans cela de très sérieux motifs de frottement, qui peuvent gravement compromettre les relations entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Ces divergences d’intérêts deviennent de jour en jour plus manifestes depuis l’écrasement de l’Allemagne. Les Etats-Unis sont et deviendront pour l’Angleterre des compétiteurs commerciaux beaucoup plus formidables que ne l’a été et ne le serait jamais devenue l’Allemagne. Forts de tous les bateaux allemands saisis, les Etats-Unis développeront une marine marchande, qui fera la plus forte concurrence à l’anglaise et la Grande-Bretagne n’aura ni la force ni les moyens de traiter les Etats-Unis comme elle a traité l’Allemagne, ce que, du reste, le peuple anglais ne permettrait pas, car il ne veut pas de conflits sérieux avec les Etats-Unis.
Enfin et malgré tout ce qu’on dit, le Canada reste également un point délicat. Peut-on admettre que, si des droits de préférence sérieux étaient accordés par la Grande-Bretagne aux produits canadiens, les Etats-Unis se laisseraient faire? Comme représailles, ils n’hésiteraient certainement pas à appliquer au Canada un tarif douanier différentiel, ce qui pourrait bien, peu à peu, pousser le Canada à demander son admission dans l’Union. Il y a là, dans l’hypothèse de l’introduction d’un tarif de préférence en faveur des colonies britanniques, un côté que le Cabinet de Londres fera certainement bien de méditer. C’est sur une question de droit d’entrée que les Etats-Unis d’Amérique se sont séparés de la Grande-Bretagne; si celle-ci n’y prend pas garde, il pourrait bien en arriver de même du Canada.
L’histoire qui se forme actuellement est pleine d’inconséquence et d’ironie. Tandis que l’on prêche l’indépendance des petits peuples et leur droit à déterminer leur sort eux-mêmes, la Grande-Bretagne réprime tout mouvement d’indépendance en Irlande, en Egypte et aux Indes; la France s’annexe temporairement et d’une manière déguisée le territoire foncièrement allemand du bassin de la Saar; des régions essentiellement allemandes sont arrachées à l’Allemagne pour être jointes à un Etat comme la Pologne, qui, pendant des siècles, a donné la preuve qu’il ne savait pas se gouverner; près de trois millions d’Autrichiens de langue allemande sont forcés à subir le joug des Tchécoslovaques; enfin et tandis qu’on ignore la votation du Vorarlberg en faveur de la Suisse, on impose à certaines parties du Schleswig un plébicite en faveur du Danemark, dont celui-ci ne veut rien savoir.
En présence de toutes ces incohérences, ce n’est qu’avec la plus grande inquiétude qu’on peut envisager l’avenir de l’Europe et du monde.
A propos des désordres d’Egypte, M. Reinhart d’Alexandrie, qui est venu me voir ce matin, m’a raconté des détails qui font paraître comme excessivement bienveillant le traitement infligé à la Belgique par l’Allemagne.[...]4
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Ireland (Politics) The Vorarlberg question (1919)