Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 442
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#252* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 126 | |
Dossier title | Den Haag, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 2 (1919–1920) |
dodis.ch/44187
J’ai l’honneur de Vous accuser réception de Votre lettre du 16 mai écoulé, reçue le 27, par laquelle Vous voulez bien me demander de Vous renseigner sur les intentions du Gouvernement hollandais au sujet de son adhésion à la Ligue des Nations, ainsi que sur l’opinion des cercles compétents et du public en général à l’égard de l’entrée des Pays-Bas dans la Ligue.
En l’absence de M. le Jonkheer van Karnebeek, j’ai eu l’occasion de m’entretenir dernièrement de cette question avec M. le Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères. M. Patijn me déclara que le Gouvernement de la Reine n’avait jusqu’à maintenant pas encore établi sa ligne de conduite à l’égard de la Ligue des Nations. Il n’en discutera qu’après le retour à La Haye du Ministre des Affaires étrangères, lequel se trouve momentanément à Paris. M. Patijn, luimême, est d’avis que la Hollande ne refusera certainement pas son adhésion à la Ligue, «quoique le projet de Paris présentât de sérieuses lacunes». Et malgré le peu d’intérêt manifesté actuellement par les populations hollandaises envers ce projet, la volonté du peuple consiste cependant à faire partie de la Ligue. C’est sans grande sympathie que ce dernier désire cette participation, mais il espère déjà maintenant que de grandes et promptes modifications seront apportées au projet, et ne comprendrait pas que la Hollande refusât son concours à une œuvre d’un si grand idéal, laquelle est d’ailleurs susceptible d’amélioration.
J’ai cherché à connaître également l’opinion de M. Patijn sur la question de la compatibilité de la neutralité de l’Etat à l’égard de la participation de ce dernier aux mesures d’exécution non-militaires de la Société des Nations. Il n’a cependant pas cru pouvoir satisfaire à mon désir.
Le point de vue du Secrétaire général des Affaires étrangères confirme d’ailleurs celui adopté le 29 mars par le «Groupe néerlandais de l’Association de droit international». L’assemblée très fréquentée, après une discussion des plus animée, vota la résolution suivante à l’unanimité des membres présents: «Il est désirable pour les Pays-Bas d’adhérer à la Société des Nations sur la base du projet de Paris, nonobstant plusieurs objections présentées». Le Dr. Struycken, professeur à l’Université d’Amsterdam, détaché actuellement à la Légation royale des Pays-Bas à Paris, M. Dresselhuys, député à la seconde Chambre des Etats généraux, président de l’association hollandaise pour une Paix durable, et le professeur Loder, de l’Université de Leiden, lequel fit en son temps partie de la délégation néerlandaise envoyée à Paris à la suite de l’invitation de la Commission pour la Ligue des Nations, critiquèrent plus ou moins vivement le Pacte de Paris. On prononça des phrases telles que celles-ci: «La Ligue des Nations est un régulateur de la politique guerrière des Alliés; l’esprit du projet est par trop partial; le «Völkerbund» est en premier lieu «eine Machtorganisation»; le plan de la Ligue n’a pas été conçu dans une atmosphère de pacifisme, ni dans une atmosphère de justice et de droit; c’est une extension de la force sur le droit». Malgré ces attaques, et d’autres toutes aussi vives, tous les orateurs se mirent d’accord pour voir la Hollande adhérer à la Société des Nations, et c’est avec l’espoir de voir s’améliorer l’œuvre de Wilson le plus tôt possible que fut adoptée la résolution dont il s’agit. La question de la neutralité même n’a pas fait l’objet d’un grand débat. La plupart de ceux qui prirent part à la discussion ne manqua pas de relever les inconvénients et même le grave danger que pourrait susciter au pays la participation de la Hollande aux mesures d’exécution militaires et économiques décidées par la Ligue, mais aucun d’eux ne proposa un amendement quelconque tendant à parer à pareille participation.
J’ai eu d’autre part l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec le Secrétaire du groupe néerlandais de l’association de droit international, M. le Dr. W.Jellinghaus, à Amsterdam. Ce dernier a d’ailleurs eu l’amabilité de me confirmer ses impressions par lettre. Ci-après j’en transcris quelques-unes (en les reproduisant aussi fidèlement que possible): «A l’assemblée de l’association, nul enthousiasme ne fut montré pour le Pacte de Paris. Moi-même, j’ai regretté surtout les dangers de l’art. 10 du projet, mais j’ai pourtant conseillé l’adhésion parce que je crois cette Ligue de Paris comme étant la seule ayant quelque chance d’entrer en vie. J’admire beaucoup le projet suisse comme idéal, mais accepte pour le moment celui de Paris comme seul réalisable. Néanmoins, il faut remarquer que la sympathie pour ledit projet a encore baissé chez nous après la publication des différents traités de paix (même avec les quelques changements effectués au projet original de la Ligue des Nations). Il y a même certaines personnalités qui, en vue de divers faits politiques, sont heureuses que la Hollande n’ait pas été désignée comme siège de la Ligue, craignant le mot connu de l’abbé de Polignac, entendu jadis avec honte par notre pays, ressusciter [!]: «Nous traiterons chez Vous, de Vous, sans Vous!» (paix de Nimègue). Dans une réunion privée de personnes compétentes, la question de la neutralité de la Hollande a été longuement discutée. Moi-même, j’ai fait mienne l’idée suisse de la neutralité perpétuelle. Il me déplait en effet de constater que les petits Etats, dont les contingents militaires seront au surplus réduits, continueront à rester exposés aux maux de la guerre, et ce sans utilité importante pour les autres Etats. Les mesures projetées d’interventions cœrcitives (militaires) sont d’un grand danger pour les petites Puissances. Elles devraient, à mon avis, être exemptées sinon de toutes les mesures de coercition, tout au moins des mesures militaires dirigées contre les grandes Nations; leurs territoires devraient être déclarés neutres et sacro-saints, placés sous l’autorité de la Cour de Justice internationale et d’arbitrage. Je crois donc qu’il serait de la plus haute utilité si les petites Nations (surtout celles d’Europe) s’associaient pour demander l’exemption de leur participation aux mesures militaires édictées par la Ligue des Nations et pour exiger que leur neutralité soit reconnue d’une manière permanente. Il me semble à ce propos qu’il serait ridicule d’obliger les petits Pays à fournir un contingent ou même de l’argent pour l’entretien d’une armée mondiale... Serait-il étrange d’esoérer que la Suisse, r«enfant chéri des Puissances», prît l’initiative de grouper les petits Etats dans le but préconisé ci-haut?»
La presse hollandaise a, au début surtout, salué l’idée wilsonnienne avec un grand enthousiasme. La publication du Pacte a déçu même les plus pessimistes. Dans son ensemble, la presse recommande l’entrée des Pays-Bas dans la Société des Nations. Elle trouve en général que la présence de la Hollande à Genève sera néfaste au pays, mais que l’absence sera encore plus dangereuse. De deux maux, elle croit choisir le moindre. Elle s’occupe d’ailleurs de cette question avec très peu d’intérêt.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Den Haag, Archiv-Nr. 2. Ligue des Nations.↩
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