Classement thématique série 1848–1945:
III. LA SITUATION GÉNÉRALE
Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 7-I, doc. 431
volume linkBern 1979
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#465* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 223 | |
Titre du dossier | London, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 13 (1919–1919) |
dodis.ch/44176
J’ai l’honneur de Vous remercier de Vos dépêches politiques des 17 et 23 mai2,
11 l.My., dont j’ai pris connaissance avec un vif intérêt.
Le courrier arrivé ici le 27 courant m’a apporté le texte de la note rédigée à
Berne en date du 24 de ce mois3, par laquelle le Conseil Fédéral demande aux
Gouvernements associés l’abolition de la Société Suisse de Surveillance Economique. Selon mes instructions, je remis cette note à Lord Curzon le lendemain, en en résumant de vive voix les points principaux. Lord Curzon répondit qu’il allait examiner lui-même, pour ce qui concernait le Gouvernement britannique, la requête du Conseil Fédéral.
A cette occasion, je m’enquis auprès de Lord Curzon de l’impression qu’il avait actuellement sur les dispositions de l’Allemagne quant à la signature du
Traité de Paix. Il continue à penser que la délégation actuelle ne signera pas et que le Gouvernement Allemand attendra qu’une nouvelle avance des troupes alliées en Allemagne et le renforcement du blocus aient persuadé le peuple allemand qu’il fallait se résigner à l’inévitable. Il ajouta que les Gouvernements associés étaient décidés à ne pas faire à l’Allemagne des concessions importantes, ne serait-ce que pour ne pas compromettre l’accord qui avait été si difficile à établir entre eux-mêmes. Dans ces circonstances, il ne voit pas comment, dans le meilleur des cas, la paix pourrait être signée avant la mi-juin prochain.
Quant à Fiume, Lord Curzon me dit que la question n’était pas encore réglée, mais il paraît que, depuis, un arrangement serait en train de se faire sur les bases suivantes:
La ville de Fiume proprement dite formerait un Etat indépendant placé sous le contrôle de la Ligue des Nations. L’Italie recevrait en pleine souveraineté les villes de Zara et de Sebenico, ainsi que les îles de Cherso, Lussin et Lissa. De plus la Ligue des Nations lui confierait la gestion de l’Albanie.
Votre télégramme No. 764 reçu mercredi matin me mit en mesure de parler à Lord Curzon de Y avenir de l’Autriche. Mon interlocuteur fit remarquer que les rapports reçus par l’Office des Affaires étrangères confirmaient vos renseignements, à savoir que la réunion à l’Allemagne avait perdu beaucoup de terrain en Autriche et que les Gouvernements britannique et français verraient d’un bon œil, plus tard, la création d’un espèce de «Zollverein», qui réunirait de nouveau, économiquement du moins, une bonne partie des pays qui formaient ci-devant la Monarchie austro-hongroise. Fort des renseignements contenus dans Votre télégramme, je n’ai pas manqué de suggérer à Lord Curzon certains moyens à adopter pour rendre possible une solution de ce genre.
Lord Curzon ne me cacha pas que le sort de Constantinople préoccupait beaucoup son Gouvernement, surtout à cause de la répercussion que le règlement qui y serait apporté aurait sur tous les sujets mahométans dans l’Empire Britannique. Le Sultan de Turquie est le Calife; mais, pour pouvoir exercer le Califat, il faut qu’il soit indépendant et, d’après la tradition, qu’il réside à Constantinople. Changer cet état de choses implique un grand danger et Lord Curzon attribue, en partie du moins, les derniers troubles d’Egypte, de l’Inde britannique, la récente attaque des Afghans et l’insurrection qui vient d’éclater parmi les Courdes, à l’appréhension de voir le Calife perdre son indépendance et être expulsé de Constantinople. M. Paul Cambon, l’Ambassadeur de France, qui connaît beaucoup l’Empire Ottoman pour y avoir été Ambassadeur avant de venir à Londres, il y a une vingtaine d’années, partage cette manière de voir, de sorte que les Gouvernements associés sont dans le plus grand embarras quant à Constantinople, dont on ne sait que faire. Les Etats-Unis d’Amérique déclinent un mandat de la Ligue des Nations et aucune des grandes Puissances européennes n’est disposée à s’en charger, de peur de susciter les jalousies des autres et d’être entraînée dans des difficultés sans nombre. Quant à une petite Puissance comme la Grèce, dont toutes les aspirations vont vers Constantinople, elle ne serait pas assez forte pour maintenir l’ordre dans la ville. Selon M. Cambon, la meilleure solution serait donc de laisser le Sultan à Constantinople, mais de le priver de toute autre possession territoriale en Europe.
D’après les journaux anglais, il aurait été question de remplacer le Comte Brockdorff-Rantzau, s’il refusait de signer ou ne serait pas autorisé à signer, par le Comte Bernstorff, ancien Ambassadeur d’Allemagne à Washington. Le correspondant de Paris du «Times» s’élève avec beaucoup d’indignation contre cette éventualité, en insistant sur le fait que le Comte Bernstorff ne serait pas acceptable comme Chef de la Délégation allemande aux Gouvernements associés et notamment pas aux Etats-Unis d’Amérique.
Lors de l’entrée en vigueur de la Convention Franco-Canadienne du 19 septembre 1907, nous fûmes, malgré les objections et les intrigues de la France, mis au bénéfice de toutes les concessions tarifaires accordées dans cette Convention par le Canada à la France. Très loyalement, le Gouvernement britannique reconnut qu’aux termes des stipulations du Traité d’Etablissement suisso-britannique du 6 septembre 1855, nous avions droit à la clause de la nation la plus favorisée dans toutes les parties de l’Empire britannique. A la suite de sa dénonciation par la France, la Convention dont il s’agit va échoir le 10 septembre prochain. A partir de cette date, nous ne pourrons plus nous prévaloir de ses dispositions.
Le Canada ayant été avant la guerre un marché assez important pour des produits suisses, il importe que nous soyons renseignés le plus tôt possible sur les intentions du Gouvernement du Dominion quant à ses futures relations commerciales avec la Suisse. Je m’emploie de mon mieux pour obtenir ces informations, sans trop insister sur le Traité de 1855, afin de ne pas engager indirectement le Canada à faire usage, à l’instar de l’Australie, du droit de dénonciation que lui confère la Convention Additionnelle du 30 mars 1914.
- 1
- Rapport politique: E 2300 London, Archiv-Nr. 13.↩
- 2
- Il s’agit de dépêches circulaires sur la situation internationale en général envoyées par le Département politique aux Ministres de Suisse pour leur information et n’appelant pas de réponses, cf. E 2001 (D) c 1/1919.↩
- 3
- Cf. no 424.↩
- 4
- Cf. no 427.↩
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