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Documents Diplomatiques Suisses, vol. 7-I, doc. 382
volume linkBern 1979
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Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2#1000/44#1646* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2(-)1000/44 273 | |
Titre du dossier | BB vom 24.6.1927 betreffend die Zustimmung der Schweiz zur Aufhebung der Neutralisierung Nordsavoyens (1918–1928) | |
Référence archives | B.137.1 |
dodis.ch/44127 Le Président de la Confédération, G. A dor, au Chef du Département politique, F. Calonder1
Au reçu de votre télégramme No 192 m’invitant à attendre de nouvelles instructions avant de quitter Paris, je ne me suis décidé à ne partir que demain soir afin d’avoir pu recevoir le résultat des délibérations du Conseil Fédéral sur le vu des pièces que je vous ai envoyées par M. de Haller, mercredi dernier.3 J’espère, comme vous, qu’une solution satisfaisante pourra intervenir, le Gouvernement français attachant une grande importance à pouvoir insérer l’article relatif aux zones dans les clauses additionnelles du traité. Le traité étant conclu au nom des hautes parties contractantes, il n’y aurait, en somme, que la Suède qui, ayant signé le traité de 1815, ne serait pas comprise et dont l’assentiment devrait être réservé. D’après les renseignements que je reçois, il me paraît peu probable que les choses aillent rapidement. J’ai même l’impression que plusieurs articles du Traité de paix à soumettre à l’Allemagne ne sont pas encore définitivement rédigés. C’est comme un gros volume auquel on ajoute chaque jour une page nouvelle. On m’a parlé, ce matin, de la possibilité de le présenter aux Allemands lundi après-midi; d’autres personnes parlent d’un ajournement encore plus lointain.
J’ai eu l’occasion, ce matin, dans une conversation avec M. Crespi, de toucher un mot de cette question qui intéresse l’Italie; il n’était pas très au courant et ne m’a pas paru y attacher grande importance. J’ai oublié, dans ma lettre de mercredi, de vous dire que j’avais insisté pour que la conférence relative aux zones eût lieu à Berne et non à Paris. On m’a fait observer la présence à Paris de deux des principaux fonctionnaires des douanes et des Affaires étrangères qui ne pouvaient absolument pas s’absenter faisant partie d’autres commissions importantes qui se réunissent journellement à Paris. Je crois donc que nous n’obtiendrons pas facilement que les négociations aient lieu à Berne plutôt qu’à Paris. Mon impression est que notre Délégation devrait être composée d’un conseiller d’Etat genevois, d’un conseiller d’Etat vaudois, d’un délégué du Département politique (M. Cramer), d’un représentant de l’agriculture (Dr. Laur) et d’un représentant de nos grandes industries (M. le conseiller national Syz). Mais rien ne presse de faire connaître la composition de notre Délégation au Gouvernement français avant que notre Commission spéciale interne ait pu étudier les propositions françaises et présenter au Conseil fédéral son rapport qui servira de base pour les instructions à donner à nos délégués.
Votre télégramme No 154 ayant été rédigé avant que le Conseil fédéral connaisse les propositions françaises, formule de très justes objections qui me paraissent, pour la plupart, pouvoir être abandonnées du moment qu’il est bien entendu que rien ne sera modifié dans les traités tant que nous ne nous sommes pas préalablement mis d’accord avec la France sur le nouveau régime des zones franches.
Votre No 175 me rapportant la conversation de M. Allizé suggérant l’idée que je pourrais faire des démarches auprès de M. Wilson pour que le Tyrol allemand du Sud reste autrichien, m’obligerait à soutenir une thèse absolument contraire à la thèse italienne, cette partie du Tyrol ayant été concédée à l’Italie par le pacte de Londres. J’hésite beaucoup à faire cette démarche et je crois même que j’y renoncerai définitivement car elle apparaîtrait certainement à l’Italie comme un acte inamical de notre part; et cela d’autant plus que ma conversation de ce matin avec M. Crespi m’a laissé l’impression très nette que le Gouvernement et le peuple italiens sont extrêmement froissés des procédés dont on use à leur égard. Rien n’est arrêté en ce qui concerne les frontières entre l’Autriche et l’Italie et si, réellement, on convoque actuellement l’Autriche et la Hongrie à venir signer les préliminaires de paix en l’absence de l’Italie, ce fait créera un tel mécontentement que M. Crespi avait l’air de considérer la rupture comme définitive. Il estime, en tout cas, que les délégués italiens ne reviendront pas à Paris si on ne fait pas une démarche auprès d’eux sur la base de propositions nouvelles entrant davantage dans leurs vues.
Je vous résume cette conversation à titre confidentiel. Je ne voudrais pas qu’il en fût fait état dans les rapports communiqués à nos Légations parce que M. Crespi m’a parlé comme un ami auquel on peut ouvrir son cœur et auquel on ne cache pas la gravité de la situation.
Nous avons eu à déjeuner ce matin Lord Robert Cecil et M. Drummond, le Secrétaire général de la Société des Nations. MM. Dunant, Rappard et le professeur Huber assistaient à ce déjeuner. M. Huber a fait un exposé très complet de ce que nous demandions pour pouvoir entrer dans la Société des Nations. Nos prétentions ont paru à M. Drummond plutôt difficilement conciliables avec les devoirs d’un membre de la Ligue. Il a fait plusieurs objections confondant la neutralité économique avec la neutralité militaire que nous avons réfutées sans être bien certains de l’avoir convaincu. Il a promis, en tout cas, d’examiner très attentivement la question et a paru frappé de maintenir l’intégrité du territoire, siège de la Société des Nations.
Si nous nous décidons à présenter un message aux Chambres pour le mois de juin, nous pourrions, me semble-t-il, procéder de la manière suivante: Exposer les bases de la Société des Nations; témoigner notre désir d’en faire partie; indiquer les arguments qu’on peut tirer de l’article 21 en faveur du maintien de l’intégrité de notre territoire et demander à être autorisés à déclarer notre volonté de faire partie de la Société des Nations sous réserve des droits du peuple suisse et des cantons appelés à se prononcer en dernier ressort. L’Assemblée fédérale nous donnerait acte de notre message. Nous pourrions alors faire la déclaration au Comité de la Ligue et connaîtrions, d’après sa réponse, si elle acceptait oui ou non notre adhésion au bénéfice de l’article 21. On saurait alors très nettement comment la question devrait être posée au peuple. C’est une solution qui me paraît, tout en réservant les droits du Parlement et du peuple suisses, nous permettre de connaître l’interprétation officielle du Comité de la Ligue avant le vote définitif du peuple suisse qui, s’il était négatif, en raison de l’incertitude régnant sur la question de l’intégrité de notre territoire, pourrait avoir des conséquences à jamais regrettables pour notre pays. Suivant le télégramme que je recevrai de vous demain, je ferai immédiatement des démarches au Ministère des Affaires étrangères afin de chercher à obtenir la solution désirée par le Conseil fédéral.
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Zones franches de Haute-Savoie et du Pays de Gex