Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 304
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E7350#1000/1104#2* | |
Dossier title | Deutschland (1914–1918) | |
File reference archive | 1 |
dodis.ch/44049 Le Directeur de la Banque Nationale, R. de Haller, au Chef du Département de l’Economique publique, E. Schulthess1
J’ai l’honneur de vous informer que j’ai eu hier matin la première entrevue avec M. de Lasteyrie. Je ne suis pas encore arrivé à lui faire promettre de donner l’autorisation de sortie d’or pour la couverture des 18 millions arrivés à échéance le 31 mars dernier. M. de Lasteyrie m’a opposé que c’était créer un précédent visà-vis des autres neutres qui ont des échéances importantes arrivées aussi à maturité. Je lui ai exposé qu’il me paraissait impossible de demander à la finance suisse des avantages financiers en faveur de la France tels que prolongations de crédits, achats de titres suisses et nouveaux crédits éventuels lorsque, en même temps, la finance suisse devait apprendre que les Alliés mettaient opposition à ce que les Allemands remboursent les échéances échues. Je n’ai pas voulu, dans cette première conférence, appuyer plus fortement sur ce point, désirant arriver à une solution à l’amiable sans brusquerie, car j’ai pu me rendre compte de l’état d’extrême nervosité qui régne à Paris au sujet des questions financières. J’ai demandé une nouvelle audience à M. de Lasteyrie pour demain matin, voulant chercher à solutionner cette question des 18 millions avant la Conférence avec les neutres qui doit commencer lundi à 4 heures.
Des visites que j’ai faites à la Banque de France, au Crédit Commercial et dans une banque privée, il ressort très nettement que les Français ne se rendent aucunement compte de la gravité de la situation intérieure de l’Allemagne. Ils vous disent ouvertement que le bolchevikisme en Allemagne n’est qu’une pure comédie pour attendrir les Alliés, que c’est un scandale que les Allemands demandent l’appui des Alliés sous forme d’envois de vivres, d’envois de matières premières pour assurer la tranquillité dans le pays et qu’ils cherchent à attendrir les cœurs par les «soi-disant» souffrances de leurs peuples alors qu’ils ont tout détruit dans le Nord de la France. Les Français sont aveuglés par les souffrances encourues et la haine qui en résulte. Un Américain très haut placé qui prendra part aux négociations financières me disait cet après-midi confidentiellement: on ne peut pas blâmer les Français de ne pas voir la réalité et de se considérer encore actuellement comme en guerre active avec l’Allemagne, ils ont trop souffert. Il a ajouté que eux, les Américains, auraient déjà voulu depuis plusieurs semaines lever le blocus dans tous ses domaines, car ils comprennent que c’est le seul moyen pour maintenir l’Allemagne et lui permettre de reprendre le travail et d’empêcher son bolchevikisme de prendre le dessus et le seul moyen de la mettre à même de travailler en vue du paiement des indemnités qui lui seront imposées. Mais jusqu’à présent, la France a fait opposition.
Pour reconstituer les provinces dévastées, il faut à la France de l’argent nouveau; on parle de 20 à 30 milliards qui seraient nécessaires à cause des prix actuels des matériaux. C’est pourquoi la France tiendrait tellement à l’idée d’une société financière des nations, à l’émission d’un grand emprunt qui serait surtout placé en Amérique qui, avec le produit, avancerait les fonds nécessaires à la France, mais l’Amérique ne paraît pas être disposée à entrer dans cette voie et cela explique la nervosité des Français dans ces questions financières.
Actuellement les Alliés n’ont pas de propositions à soumettre aux neutres dans la conférence projetée; ils veulent étudier avec eux la situation et apprendre quelles seront les facilités que les neutres seront prêts à accorder à l’Allemagne pour le remboursement de leurs créances sur elle, car ils déclarent ne pas pouvoir accepter que l’encaisse métallique de la Reichsbank passe à rembourser les neutres qui, par leurs crédits, ont soutenu en quelque sorte l’Allemagne dans sa lutte contre les Alliés, et la France cherche à faire valoir ses créances nées de la guerre au même titre que les créances commerciales que nous possédons. D’autre part, les Alliés se défendent de vouloir attenter quoi que ce soit au droit des neutres, mais ils présentent, dans les conversations privées que nous avons eues, l’Allemagne comme un débiteur au bord de la faillite pour le soutien duquel la coopération de tous les créanciers devient nécessaire.
J’ai l’impression que les négociations seront difficiles, qu’elles donneront lieu à plusieurs conférences qui seront espacées de façon à ce que les négociateurs puissent aller faire rapport à leur Gouvernement et prendre leurs instructions définitives.
Mon impression purement personnelle est que, si nous pouvons obtenir le remboursement successif de nos créances par les ventes de marchandises et matières premières de l’Allemagne, c’est-à-dire si nous pouvons obtenir que les Alliés n’obligent pas dans le traité de paix l’Allemagne à leur verser le produit de leurs ventes aux neutres avant que ceux-ci ne soient intégralement remboursés, ce sera un maximum.
Ce soir, je dois rencontrer les délégués des autres neutres ce qui est très utile avant la réunion de la conférence.
P.S. Je vous prie d’excuser le style de cette lettre dictée très rapidement avant le courrier.
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Economic and financial negotiations with the Allies (World War I)