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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 7-I, doc. 257
volume linkBern 1979
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2001B#1000/1501#3114* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR E 2001(B)1000/1501 84 | |
Titolo dossier | Ligue de Nations, Prof. Rappard, geheimer Rapport (1919–1919) | |
Riferimento archivio | B.56.41.7 |
dodis.ch/44002
Quoi que j’espère que vous serez à Paris lorsque cette lettre vous arrivera à Berne, je me permets de vous l’adresser là-bas en en gardant ici une copie que je vous soumettrai si vous deviez venir.
Je vous ai adressé ce matin, en la laissant à la Légation de Suisse à 10 heures 30, la dépêche que voici:
«Affaires Etrangères Berne. Rappard, d’après nouvelles puisées à source tout à fait autorisée lundi matin, avise que Conférence à bien lieu jeudi. De même source, il informe que les nouvelles dualisme, Paix et Ligue résultent de malentendus et dénuées de tout fondement».
Je veux tout d’abord vous exposer mes démarches dont la dépêche de samedi vous en a déjà dit un mot.
Comme M. le Ministre Dunant tenait du Quai d’Orsay une déclaration en vertu de laquelle il était dans l’intention des Puissances de convoquer les Neutres à une Conférence officielle avant la conclusion de la Paix2 et que cette nouvelle était en contradiction absolue avec tout ce que j’avais appris du côté anglais et américain, j’ai tenu à en avoir le cœur net. J’ai donc été tout d’abord voir le Colonel House. Il n’a pas pu me recevoir, mais son gendre, Auchincloss, m’a mis au courant de la situation. Il m’a déclaré que les nouvelles françaises étaient dénuées de tout fondement et m’a engagé à aller voir Lord RobertCecil à ce sujet. Comme je voulais être assuré de la vérité, de la bouche même du Colonel House, j’ai prié M. Auchincloss de bien vouloir consulter tout de suite son beau-père. Il est sorti un instant de la chambre et m’a dit à son retour que le Colonel House partageait absolument sa façon de voir. Lord Robert, chez qui je me suis rendu ensuite, à été encore plus énergique. Lorsque je lui eus exposé l’embarras dans lequel allait se trouver mon Gouvernement en face de renseignements nettement contradictoires, il m’a déclaré: «Il n’a jamais été question d’une Conférence des Neutres. C’est intolérable qu’on vous laisse dans l’erreur à ce sujet. J’en parlerai à Clemenceau dés aujourd’hui. Nos Alliés de France ont toujours été tièdes au sujet de notre projet de la Ligue des Nations. Si je puis vous donner un conseil amical, c’est de ne tenir aucun compte de leur déclaration à ce sujet car elle importe peu. Ce sont les Américains et les Anglais qui seront les véritables créateurs de la Ligue. Si vous désirez faire apporter des amendements au Projet du Pacte, il est nécessaire et il est suffisant que vous nous convainquiez, nous, les Anglo-Américains.»
Je demandai à Lord Robert l’autorisation de faire part de son sentiment à mon Gouvernement. «Oui», faites-le, dit-il, «You can’t put it to your governement too strongly», «la Conférence aura lieu jeudi et ce sera la seule occasion que vous aurez de faire entendre votre voix en temps utile. J’en aviserai immédiatement tous les Neutres par dépêche. Puisque, d’après ce que vous me dites, c’est votre Ministre des Affaires Etrangères qui a, dès l’origine, manifesté le plus d’intérêt pour la Société des Nations parmi les membres de votre Gouvernement, sa présence à Paris jeudi vous serait sans doute fort utile.»
M. Dunant, à qui j’ai rendu compte de cette conversation, en a été quelque peu inquiété. Il craint que M. Pichon puisse l’accuser d’avoir participé à une espèce de délation auprès des Anglo-Américains. J’ai cru pouvoir le rassurer entièrement à cet égard. Rien ne me paraît en effet plus naturel et plus légitime, que notre attitude en cette affaire. Il est dans l’intérêt de tout le monde, des Neutres comme des Alliés, qu’ils soient bien renseignés au sujet des intentions véritables des autres. Ce serait une sottise si un Ministre des Affaires Etrangères s’indigne de ce qu’un plénipotentiaire, accrédité auprès de lui, fasse part à son Gouvernement de ses déclarations sur une question qui touche directement ce dernier et, si, placé en présence d’informations contradictoires, ce Gouvernement [ne?] cherche à s’éclairer par tous les moyens légitimes à sa portée. Rien ne me fait penser d’ailleurs que M. Pichon ait appris le rôle joué par les représentants de la Suisse qui ont pu dissiper ce petit malentendu au grand avantage de tous les intéressés.
J’ai reçu hier la visite de M. Loudon, ancien Ministre des Affaires étrangères de Hollande, et de M. Nansen dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre3. Une coïncidence fortuite, et dont j’ai lieu de me féliciter, amena ces deux Messieurs chez moi en même temps. Voici ce que j’ai appris d’eux: M. Loudon est venu ici, à Paris, en auto quelques jours après la conclusion de l’armistice avec sa femme. Il n’avait, me dit-il, aucun mandat officiel. Lorsque Wilson vint à Paris, la Reine des Pays-Bas le chargea de transmettre au Président des Etats-Unis une invitation à visiter la Hollande. Il lui fut répondu, comme à nous, que le manque de temps privait probablement le Président du plaisir d’accepter cette invitation. Depuis lors, me dit M. Loudon, sans instruction positive, je me suis tenu en contact avec quelques diplomates de ma connaissance et notamment les Anglais et les Américains. Quant à la Conférence officieuse des Neutres, je ne suis absolument pas informé des intentions de mon Gouvernement. J’ignore qui il compte envoyer à Paris, cela pourrait bien être le Ministre des Affaires Etrangères et j’ignore aussi les demandes que va présenter la Hollande. Il est d’ailleurs fort probable qu’elles se rapprocheront beaucoup des vôtres d’après ce que vous m’en dites.
Quant au siège de la capitale que la Hollande revendiquera naturellement, je sais bien que nos chances ne sont pas très fortes. Je n’ignore pas que nous avons une mauvaise presse à Paris en ce moment et que la concurrence avec les Belges, qui voudraient voir le siège établi à Bruxelles, profitera plus à la Suisse qu’à la Hollande. Croyez-vous, demandai-je à M. Loudon, que le peuple hollandais serait disposé à se consoler et à nous appuyer si les Alliés devaient songer à fixer le siège exécutif de la Ligue en Suisse, tout en laissant la Cour Internationale de Justice à La Haye? Je ne vous pose la question bien entendu, ajoutai-je, qu’à titre tout à fait privé car je n’ai jamais entendu parler d’une combinaison pareille. M. Loudon me répondit qu’il y aurait peut-être là une combinaison satisfaisante pour la Hollande. Je vous rends compte de cette partie de cette conversation à titre de simple indication.
M. Loudon est persuadé que la Hollande devra participer à la Ligue, même si l’Allemagne n’y était pas tout de suite admise. Il espère naturellement comme nous, que les conditions d’admission de l’Allemagne et de la Russie seront mieux définies dans le projet définitif.
Nansen revenait de Londres, il y avait pris la parole à un banquet organisé par la Société anglaise pour la Ligue des Nations. Il m’a raconté que ses hôtes anglais l’avaient vivement engagé, par avance, à insister fortement sur la nécessité d’admettre bientôt, dans ladite Ligue, toutes les grandes nations de l’Europe. Nous, Anglais, lui dit-on, nous le souhaitons presque tous, mais des égards pour la France nous empêchent de le proclamer. M. Nansen suivit ce conseil et m’affirma que ses déclarations à ce sujet furent applaudies plus qu’aucune autre partie de son discours.
Nansen, lui aussi, est dans l’ignorance la plus absolue au sujet des intentions du Gouvernement de Norvège qu’il ne représente d’ailleurs à aucun titre ici. Si je représente quelqu’un, m’a-t-il encore répété hier, c’est le peuple norvégien et non pas son Gouvernement actuel avec lequel je suis brouillé et que j’estime foncièrement incapable.
MM. Nansen et Loudon ont tous deux reconnu que, grâce à la prévoyance de notre Gouvernement, la Suisse avait pris une forte avance sur les autres Neutres à Paris; ils se sont montrés d’autant plus disposés à collaborer avec nous. Ils pensent, comme moi, qu’il est très important qu’à la séance de jeudi, les Neutres présentent des vœux semblables, mais qu’ils les présentent isolément. Quant au contenu de ce vœux, j’ai le sentiment que, sauf ce qui concerne notre neutralité, il se trouvera tout naturellement être presque identique. Nansen voudrait seulement que l’assemblée des Délégués représentât mieux l’opinion publique des divers pays et, moins exclusivement, leurs Gouvernements respectifs. Ces deux Messieurs ont déclaré fort bien comprendre notre situation spéciale et notre désir de voir se perpétuer notre neutralité.
J’ai eu hier aussi, une brève conversation avec M. Orlando. Il connaissait notre soif de neutralité, mais il ne pensait pas qu’elle pût être étanchée au sein de la Ligue des Nations. Je sais bien, me dit-il, que vous vous déclarez prêts à participer aux sanctions économiques et que vous ne demanderez à être dispensés que de la participation aux actions militaires qui vous porterait hors de vos frontières. Mais, ajouta-t-il, sans parler du droit de passage, je ne crois pas que cette attitude soit possible. Ainsi, poursuivit-il, au cours de cette guerre, nous vous avons demandé de nous laisser parvenir du charbon à travers votre pays! Vous avez refusé en invoquant votre neutralité. Et nous nous sommes inclinés en comprenant fort bien les conséquences que pouvait avoir pour vous une complaisance économique de ce genre. Je ne crois pas qu’il puisse en être autrement dans l’avenir.
M. Orlando qui se souvint fort bien d’une conversation qu’il avait eue avec M. Wagniére à Rome, ne sera évidemment pas parmi les défenseurs de notre neutralité au congrès. J’espère toujours que les Anglais et les Américains, dont l’influence dépasse beaucoup celle des Italiens, comprendront mieux notre position. Vous savez les sentiments encore indécis, mais somme toute assez favorables, que les principaux d’entre eux ont jusqu’ici manifesté à l’endroit de notre neutralité.
Vers la fin de la conversation avec M. Orlando, je me suis permis de lui demander s’il avait des préférences en ce qui concerne le siège de la Société des Nations. Il me dit: «Oui Monsieur j’ai des préférences» et me congédia en riant.
Je ne vous dis que deux mots du Rhin puisque notre Délégation aura été entendue lorsque cette lettre vous parviendra. Je ne puis que vous répéter que, de l’avis de tous ceux que j’ai pu approcher, nous avons trouvé dans les Anglais et dans les Américains, des défenseurs aussi actifs qu’influents. Le Projet en son état actuel nous est beaucoup moins défavorable que celui que vous avez eu sous les yeux. Je doute que l’intervention de notre Délégation puisse encore l’améliorer sensiblement. Il sera bon de ne pas oublier, à l’occasion, la dette de reconnaissance dans cette circonstance que nous avons contractée à l’égard des Anglo-Américains, auxquels il convient d’ajouter les Belges.
D’après mon interlocuteur américain, le Ministre Crespi nous aurait aussi manifesté de la sympathie dans sa façon de présider les séances.
J’ai appris hier soir, par M. Hudson, le plus jeune des membres de la Délégation américaine, que la même Commission des Voies Internationales devait incessamment s’occuper aussi de la question du Gothard. La France aurait proposé un texte d’après lequel l’Allemagne serait obligée d’accepter le remboursement de la subvention de la Suisse si la Suisse exprimait la volonté de la rembourser. Les Américains eussent été heureux d’avoir de notre part un bref mémorandum à ce sujet. Je n’ai pas voulu confier ce désir au télégraphe par crainte de la censure. Si la Délégation que nous attendons pour la Société des Nations ne devait pas être en mesure de faire rédiger ici ce petit mémorandum, il serait, à mon sens, urgent de nous l’expédier dans le plus bref délai. Je crains bien d’ailleurs que ce soit déjà trop tard. N’ayant aucune instruction à ce sujet, je me suis borné à mettre les Américains en garde contre toute rédaction qui pourrait nous créer des difficultés avec l’Allemagne à ce sujet.
6 heures 15 soir.
J’ajoute quelques mots avant le départ du courrier.
Tout d’abord, vous trouverez ci-joint une copie du Projet de la Commission du Rhin4. Ce texte qui m’a été confié à titre secret par un délégué américain est celui qui sera fort vraisemblablement soumis aux Conseil des Dix et ratifié par lui. Notre délégation qui a dû être entendue cet après-midi, n’avait, je le crains, pas ce texte sous les yeux. J’ai pu cependant le montrer un instant à M. Collet avant la séance. Je me permets de le recommander très instamment à votre discrétion absolue.
J’ai revu MM. Loudon et Nansen aujourd’hui. La Norvège qui ne sera [pas représentée par Nansen à la Conférence de jeudi, mais par son Ministre à Paris, n’a donné à ce dernier qu’une seule instruction: Demander une conférence officielle des Neutres. Nansen, qui en prend très à son aise avec le Gouvernement actuel de son pays, étant persuadé qu’il représente mieux que ce dernier l’opinion publique, m’a déclaré qu’il allait dicter des instructions à son Ministre ici. Elles seraient très semblables aux nôtres.
J’ai eu cet après-midi une bonne demi-heure de conversation avec M. Hymans, Ministre des Affaires étrangères de Belgique. M. Hymans m’a exposé comme suit les raisons qui avaient décidé son Gouvernement à abandonner sa neutralité:
1) Raisons de politique intérieure:
a) Danger d’une fausse sécurité,
b) rétrécissement de l’horizon politique de la Nation,
c) avilissement du caractère national par suite de la prudence excessive que la neutralité impose en matière de politique internationale.
2) Raison de politique extérieure:
Impossibilité de conclure les ententes et les alliances économiques et militaires nécessaires à la prospérité et à la sécurité du pays.
J’ai cherché à faire dire à M. Hymans que notre situation nous imposait malgré ses inconvénients le maintien de notre neutralité ou au moins l’établissement d’un principe analogue. Je n’ai réussi qu’à moitié. M. Hymans m’a demandé quels succès mon plaidoyer à ce sujet avait rencontré auprès des grandes Puissances à Paris. Je lui ai répondu que tous les esprits impartiaux et généreux s’y étaient montrés assez sensibles. Je ne voulais pas en dire davantage, car les Belges sont certainement en rivalité avec nous au sujet du siège de la Société des Nations. Nous n’avons pas abordé ce dernier sujet.
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Conferenza di pace di Parigi (1919)