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Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 7-I, Dok. 147
volume linkBern 1979
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Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001B#1000/1522#1* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(B)1000/1522 1 | |
Dossiertitel | Aussenpolitische und militärische Berichte von Bern an schweizerische Vertretungen im Ausland (Auszüge aus politischen Berichten) (1918–1920) | |
Aktenzeichen Archiv | D.1 |
dodis.ch/43892
La Division des Affaires étrangères du Département politique aux Légations de Suisse1
l.J
En ce qui concerne les nouvelles de la Suisse, nous désirerions avant tout corriger une fausse nouvelle répandue par la presse, à teneur de laquelle la Balabanoff serait rentrée en Suisse avec 10 millions de roubles. Tout cela est une invention pure et simple. La Balabanoff et ses 10 millions hypothétiques n’ont pas remis les pieds en Suisse depuis l’expulsion de la mission bolchevik.
Notre Département se préoccupe vivement de la situation de la Légation de Suisse à Petrograde. Le Gouvernement des Soviets nous a fait proposer de libérer notre Légation si nous consentions à recevoir en même temps un agent du Gouvernement bolchevik, qui serait chargé d’examiner la situation faite aux prisonniers politiques russes en Suisse - il n’y en a pas - et de liquider les affaires courantes de l’ancienne Légation. Sur notre proposition, le Conseil fédéral paraît décidé à refuser d’admettre cet agent. Par contre le Conseil fédéral n’a pas encore pris position au sujet d’un projet de note que nous lui suggérions d’adresser à toutes les puissances civilisées avec lesquelles nous nous trouvons en relations officielles. La nouvelle de l’emprisonnement de M. Odier, parue à Londres, ne s’est pas confirmée jusqu’ici.
La délégation des Affaires Etrangères n’a pas encore pris de décision définitive en ce qui concerne l’accueil en Suisse de M. Efremoff, qui avait été désigné comme ministre par M. Kérenski et que nous avions alors agréé. M. Efremoff s’agite énormément pour obtenir d’entrer en Suisse à un titre quelconque.2
Les expériences que nous avons faites ne nous encouragent guère à accueillir une nouvelle mission russe représentant un gouvernement hypothétique; d’autre part il serait désirable que quelqu’un payât pour les nombreux russes indigents qui tombent à notre charge. M. Efremoff aurait-il de l’argent pour cela?3
Mes renseignements confidentiels semblent indiquer qu’on continue en sourdine à entretenir l’agitation socialiste révolutionnaire dans notre pays.
Vous aurez vu par les journaux que le Conseil fédéral s’est rallié à l’idée de ne pas faire de difficultés dans l’octroi des passeports aux délégués à la Conférence socialiste et qu’Adler a été admis à entrer en Suisse ainsi que Haase. Vous trouverez sous ce pli une liste des délégués socialistes auxquels un visa pour la Suisse a été accordé jusqu’au 29.
[...]4
M. Ador a rapporté de Paris l’impression que son voyage était éminemment opportun.5 Au moment où l’avenir du monde se discute, la Suisse ne devait pas être oubliée. M. Ador a été reçu d’une manière touchante, tant comme Président de la Confédération que comme Président de la Croix-Rouge. A ces deux titres, la sympathie des masses allait à lui. M. Poincaré l’attendait à la gare et aux environs de la station la colonie suisse était nombreuse. Le long des rues, M. Ador a été agréablement surpris de se voir applaudir par une foule relativement considérable. Bien que le voyage ne fût pas officiel, le Président et sa suite ont été les hôtes du Gouvernement de la République. Un wagon spécial avait été mis à leur disposition à Genève. Un petit accroc étant survenu avant Dijon, le wagon de M. Ador fut transformé en train spécial et vola vers Paris sans arrêt à une allure à laquelle on n’est plus habitué de nos jours.
M. Bourgeois a insisté sur le fait que l’on jouait en ce moment à Paris un premier acte: il s’agit, a-t-il dit, d’une réunion des Alliés pour discuter les conditions à imposer aux Empires Centraux. Ce prélude ne regarde pas la Suisse. Au deuxième acte, les Empires Centraux seront convoqués et l’on causera. Alors ce sera la paix. Le troisième acte enfin constituera une conférence universelle, où tout le monde sera admis à traiter sur un pied d’égalité. Ce programme, exposé le vendredi 24 janvier, convenait parfaitement à M. Ador. Mais le samedi 25, M. Wilson et le Gouvernement britannique ont réussi à provoquer la décision que l’on insérerait dans le Traité de Paix lui-même la Société des Nations, afin de pouvoir, avant la signature du Traité de Paix, mettre l’Allemagne dans l’obligation d’accepter à la fois le Traité de Paix et la Société des Nations. Cette décision représentait pour nous quelque chose d’inadmissible, car nous nous trouverions ainsi appelés à ratifier simplement après coup un arrangement pris en dehors de nous. La Société des Nations serait faite par les Alliés, et on nous demanderait seulement si nous voulions nous y joindre. M. Ador a exposé à Paris qu’une telle méthode était inadmissible.
Il est allé le lendemain soir 26, chez le Colonel House qui semble bien être l’âme de M. Wilson. M. House était malade: il a reçu M. Ador dans sa chambre et a parfaitement compris son point de vue. Se rendant compte de l’iniquité qui allait être commise vis-à-vis de la Suisse, il a promis de proposer aux Français, aux Anglais et aux Italiens d’agir lui, House, comme intermédiaire avec la Suisse et de rester en contact sur la question de la Ligue des Nations avec une personnalité suisse officieuse, qui resterait dans les coulisses. Ce ne serait pas là évidemment ce que nous désirons et ce que nous croyons être en droit d’exiger. Mais ce serait tout de même une petite porte ouverte, par laquelle nous pourrions faire sentir notre influence et écouter ce qui se passe. D’ailleurs il n’est pas probable que les Alliés acceptent cette entremise, car ils n’ont pas le désir de voir ainsi l’Amérique prendre la haute main. On envisage donc l’éventualité que cette défiance à l’égard de l’Amérique puisse nous procurer peut-être l’admission à la discussion préparatoire de la Société des Nations. Tout cela est encore vague et il ne faut pas trop se faire d’illusions. Les conclusions définitives de la Commission suisse ont été rédigées et on les met au net en toute hâte, de manière à ce qu’elles puissent être envoyées à Paris à M. Rappard, si le Conseil fédéral le juge à propos, sans retard. Ces conclusions ne seraient probablement pas transmises comme émanant du Conseil fédéral, mais comme représentant les résultats des études de la Commission suisse; une décision n’est pas encore prise à cet égard. Le projet Bourgeois admet la guerre économique comme premier moyen de coercition, avant l’intervention armée. Les Anglais voudraient éviter l’intervention armée; ils envisagent l’ouverture d’une enquête, suivie de longs délais de quatre à cinq mois, pour rendre aussi invraisemblable que possible le conflit armé. Les Américains voient dans la Société des Nations un organisme supérieur, qui aura le droit de corriger après coup les erreurs et les injustices éventuelles que consacrera le Traité de Paix. M. Ador a vivement insisté pour qu’un des organes au moins de la future Société des Nations ait son siège en Suisse. Les Etats-Unis sont tout à fait en faveur de Genève. M. Wilson aurait même à cet égard l’idée originale d’y constituer quelque part une espèce de petit territoire neutralisé, où les envoyés pourraient se rendre sans se trouver à l’étranger. Les Américains voient pour la Croix-Rouge un immense avenir. Ils songent à centraliser dans cette institution la lutte contre la tuberculose et la malaria, la rééducation des mutilés, les œuvres sociales, etc. Genève en serait le siège.
M. Poincaré, avec lequel le Président s’est entretenu surtout de questions d’ordre juridique, lui a exprimé l’opinion personnelle que la Suisse pouvait entrer dans la Société des Nations en maintenant sa neutralité. En dehors du Président de la République Française, personne n’admet de prime abord la possibilité pour la Suisse de conserver sa neutralité au sein de la Société des Nations, car on y voit un désir d’accepter les avantages de la Ligue sans ses inconvénients. On reconnaît toutefois la loyauté avec laquelle nous avons maintenu notre neutralité et l’utilité qu’a présentée pour l’Europe la garde par la Suisse de ses frontières. M. Ador a exposé aux Américains et aux Français combien la neutralité était nécessaire à notre politique intérieure et combien, même à l’extérieur, nous rendrions à la Société des Nations de plus grands services en restant neutres qu’en fournissant un petit contingent. Il a été compris, mais n’a pas partout persuadé. Le Conseil fédéral n’a pas encore pris sur ce point aucune décision.
Le Colonel House a confirmé au Président de la Confédération que les grandes Puissances s’étaient mises d’accord pour que la Conférence de la Paix eût lieu en Suisse et que c’est uniquement notre Grève générale du mois de novembre qui a empêché ce projet de se réaliser.
Avec M. Clémentel, M. Ador a parlé des importations et des exportations. Le Ministre a promis d’aider la Suisse dans la crise du chômage et s’est rendu compte qu’il était utile pour tout le monde que l’on continuât à travailler en Suisse. Mais la France répète qu’elle doit viser d’abord à la reconstruction des régions dévastées de France et de Belgique et que la Suisse ne peut venir qu’après. M. Clémentel a promis des facilités pour l’importation en France de rubans, de soieries et de pièces d’horlogerie et pour l’exportation vers l’Allemagne et les pays du Nord des confections dites articles de saison. Le Président de la Confédération a eu avec le Ministre ainsi qu’avec M. de Lasteyrie de longues discussions dans lesquelles il a cherché à les persuader de renoncer à exiger les crédits à terme sur lesquels la France insiste. M. Clémentel envisage la suppression de la clause de la nation la plus favorisée dans les traités de commerce.
M. Claveille, Ministre des Travaux publics, a offert de remédier aux risques de chômage en Suisse en nous envoyant autant de wagons et de machines que nous voudrions pour que nous procédions à leur réparation. Il fournira les matières premières et paiera comptant.
M. Loucheur, qui a fait au Président l’impression d’un homme remarquablement intelligent et actif, lui a confirmé qu’il ne pouvait pas nous fournir plus de 65000 tonnes de charbon de la Sarre, et 15000 tonnes de charbon de Cologne. Le prix de 110 francs, qui représente le minimum que l’on exigera de nous, est trop élevé, et M. Ador a rappelé à M. Loucheur combien la France nous avait reproché autrefois de nous être laissé étrangler par l’Allemagne dans ce domaine. Un rabais paraît malheureusement impossible, mais M. Loucheur essayera de nous faire donner du charbon par les Allemands. Il n’aurait pas d’objection à ce que nous fassions exploiter nous-mêmes une mine en Allemagne: le rendement serait meilleur parce que notre main d’œuvre serait mieux nourrie. M. Loucheur a ajouté que les prix du charbon ne baisseraient certainement pas pendant de longues années encore, car la quantité de charbon produite resterait inférieure aux besoins du monde, de sorte que la crise durerait plus longtemps qu’on ne le croit généralement. M. Loucheur, qui est un adversaire du système de la navigation fluviale, voit la solution de la question dans l’électrification des chemins de fer.
La question de l’internationalisation du Rhin a fait l’objet de quelques conversations, dans lesquelles M. Ador n’a guère rencontré d’opposition. Le Président de la Confédération a parlé au Maréchal Foch de notre désir d’utiliser pour nos charbons ou pour d’autres transports les voies de la rive gauche du Rhin. Le Maréchal lui a répondu qu’il n’y voyait aucune objection au point de vue militaire. M. Ador n’a pas manqué de faire part de cette communication aux divers Ministères français, qui lui avaient toujours objecté l’opposition des militaires.
Le Président a parlé à M. Pichon des listes noires. Il s’est efforcé de lui faire comprendre combien ce système odieux aliène à la France les sympathies de ses partisans les plus chauds en Suisse. M. Pichon a assuré que tout le mal venait du Ministère du Travail, d’avec lequel il est décidé à se désolidariser entièrement à cet égard. Il compte aussi rendre la main peu à peu pour les différents articles de la SSS. M. Ador a rapporté de Paris l’impression que toutes les tracasseries vont diminuer peu à peu.
M. Albert Thomas qui représentera la France à la Conférence socialiste de Berne a dit au Président qu’il avait mis comme condition à son acceptation la présence des Belges et des Américains et l’assurance que la question de la responsabilité des socialistes allemands serait posée. Il tient les Bolcheviks pour des bandits et déplore la décision de la Conférence, qui prévoit une entrée en discussion avec eux. A son avis il règne à la Conférence de la Paix la plus grande confusion en ce qui concerne la Société des Nations.
M. Clemenceau a parlé de la question de la Haute Savoie: «qu’est-ce que c’est que ça? a-t-il dit, arrangez-moi ça!» Il a fait une allusion à la révision possible de la Convention du Gothard et de la question de la gare de Bâle. Il est intéressant de noter qu’il a déclaré positivement: «Jamais je n’admetterai qu’il y ait dans un Parlement français un député protestataire». Cela indique que, s’il est disposé à garder longtemps des gages et à se préoccuper de ses frontières, il ne préconise pas d’annexions.
M. Wilson a paru à M. Ador quelque peu distant. Malgré l’anglais admirablement châtié qu’il parle, on a quelquefois peine à le suivre et à comprendre exactement ses intentions, toujours très hautes et nobles. Il a exprimé son vif regret de n’avoir pu faire davantage pour la Suisse, à cause des difficultés matérielles qui venaient freiner sa bonne volonté.
Le Président de la Confédération a rappelé à M. Lloyd George les traditions amicales qui unissent nos deux pays; il lui a dit toute notre reconnaissance pour le passé et toute notre confiance dans l’appui efficace que l’Angleterre continuera à nous accorder.
M. Orlando s’est exprimé en faveur du développement de la navigation fluviale de la Suisse à la Mer par le Pô: «L’Italie, a-t-il dit au cours de la conversation, est le pays le moins impérialiste du monde et nous n’avons aucune envie de nous immiscer dans des régions où les Italiens seraient en minorité». Il s’est excusé du traitement dont les Suisses ont été victimes en Italie et a promis que cela ne se reproduirait plus.
M. Venizelos s’est montré très mécontent de la situation faite aux petits Etats.
Avant son départ, M. Ador a adressé à M. Clemenceau la note suivante: «Au moment de quitter Paris, je prends la respectueuse liberté de vous prier de donner au Conseil fédéral l’occasion d’exposer ses vues sur quelques uns des importants problèmes à l’ordre du jour de la Conférence: la constitution de la future Société des Nations, l’internationalisation du Rhin et des grandes voies ferrées continentales, le libre accès à la Méditerranée par le Rhône et à l’Adriatique par le Pô sont, entre autres, des questions intéressant à un très haut degré la Confédération».6
- 1
- (Copie): E 2001 (D) c 1/1919.↩
- 2
- Dans une lettre du 10 janvier 1919, adressée à la Légation de Suisse à Paris, Jean Efremoff écrivait: J’ai reçu la visite de M. le Secrétaire de Légation qui tout contrit de sa mission me dit que la Légation de Suisse venait de recevoir un ordre télégraphique de me refuser le visa, et qu’il était obligé de rayer le visa de mon passeport diplomatique. Je n’ai pas voulu discuter la question avec M. le Secrétaire de Légation et je l’ai laissé me donner une preuve matérielle de ce que le Gouvernement Fédéral refusait l’accès de la Suisse même à titre privé au représentant de la Russie nommé par le dernier gouvernement régulier. Mais je proteste avec la dernière énergie contre la demande même de rayer le visa de mon passeport. On me connaît assez en Russie et en France pour savoir que ma simple parole est une garantie suffisante. (E 2200 Paris 1/1514).↩
- 3
- Voir le conseil donné par Jules Cambon à G. Ador, de ne pas recevoir Efremoff, no 129, chiffre 2.↩
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Pariser Friedenskonferenz (1919)