Imprimé dans
Documents Diplomatiques Suisses, vol. 7-I, doc. 41
volume linkBern 1979
Plus… |▼▶Emplacement
Archives | Archives fédérales suisses, Berne | |
▼ ▶ Cote d'archives | CH-BAR#E2300#1000/716#757* | |
Ancienne cote | CH-BAR E 2300(-)1000/716 340 | |
Titre du dossier | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 71 (1918–1918) | |
Référence archives | 129 |
dodis.ch/43786
M. Clemenceau et le maréchal Foch sont actuellement ainsi que MM. Orlando et Sonnino, à Londres, où s’engagent des conversations préparatoires à la Conférence d’où sortiront les préliminaires de paix.
On pense que cette conférence pourra s’ouvrir ici le 15 courant et les renseignements que j’ai recueillis à ce sujet concordent de tous points avec ceux de M. Carlin, consignés dans votre lettre du 29 novembre, pages 5 et 6.2f.J
La procédure des préliminaires de paix sera probablement identique à celle de l’armistice: quand les Alliés se seront mis d’accord sur les conditions qu’ils veulent offrir à leurs ennemis, ceux-ci seront invités à venir en prendre connaissance et à les accepter en bloc.
Il y aura naturellement une seconde Conférence, qui constituera le véritable Congrès de la Paix, mais on ne croit pas qu’elle puisse s’ouvrir avant le printemps.
Que sera-t-elle? Dans l’état actuel des choses, il faut se borner à enregistrer les tentatives faites dans toutes sortes de milieux pour obtenir l’incorporation au programme du congrès des questions les plus diverses et les plus compliquées.
Vous verrez, par exemple, dans le Temps et les Débats d’hier, 1er décembre, que le Parlement français voudrait inscrire au traité de paix des «clauses ouvrières». La dernière conférence internationale sur la législation ouvrière ayant eu lieu à Berne, il vous intéressera peut-être de posséder le rapport présenté à la Commission du Travail de la Chambre par M. Justin Godart. Si vous le désirez, je suis prêt à en demander le texte et à vous le faire parvenir.3
Le traité de paix donnera lieu également, je présume, à une révision de toutes les conventions internationales sur les postes, les télégraphes, les chemins de fer, etc.
Avant-hier, en insistant auprès de M. Pichon sur la note que, conformément à vos instructions, j’avais remise pour demander que des représentants de la Suisse puissent prendre part aux travaux du Congrès4, du moins quand ils porteront sur des sujets qui nous intéressent directement, je me suis efforcé d’obtenir du Ministre des Affaires Etrangères quelques précisions sur la façon dont il envisage la coopération des neutres.
M. Pichon m’a répété qu’aucune décision n’avait encore été prise. «Nous avons, m’a-t-il dit, soumis à nos alliés un projet indiquant notre intention, à nous Français, d’inviter les neutres à discuter avec nous les questions qui les touchent. Mais nous n’avons pas précisé les conditions dans lesquelles se feraient ces discussions.» La France entend-elle que les neutres participent au Congrès ou bien veut-elle qu’ils se contentent de rôder autour de Versailles, c’est ce que je n’ai pas pu établir nettement.
J’ai insisté sur le fait que la Suisse estimait indispensable de pouvoir présenter ses revendications nationales et ses vues sur l’organisation future du monde dans le temps même où s’élaborerait la reconstruction générale et non dans un vague avenir.
Personnellement, je crois que les neutres peuvent obtenir beaucoup en s’adressant aux Etats-Unis. C’est de Washington, me dit l’Ambassadeur d’Espagne, que le Cabinet de Madrid a toujours reçu les réponses les moins évasives.
Au dîner donné jeudi dernier par M. Poincaré en l’honneur de S.M. Georges V, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec diverses personnalités éminentes, entre autres avec M. Léon Bourgeois, ancien Président du Conseil, qui m’a aimablement offert de me documenter sur ses travaux relatifs à la Société des Nations.5M. Bourgeois est très enthousiaste de son sujet et déclare fermement que la seconde Conférence de la Paix ne saurait se terminer sans que la ligue en sorte définitivement constituée.
En résumé, j’ai l’impression que la France, déconcertée comme ses alliés par la rapidité des événements de ces derniers mois, n’est pas encore prête à aborder d’emblée tous les problèmes soulevés par le passage de l’état de guerre à l’état de paix.
Elle est d’ailleurs fort excusable de n’avoir pas arrêté tous les détails de son programme. Celui-ci, en effet, peut être modifié d’heure en heure par les développements de la situation intérieure des pays ennemis.
Je ne crois pas inutile de continuer à vous tenir au courant des réactions de l’opinion française au contact des événements d’Allemagne.
On continue à croire que la plupart des révolutions allemandes sont une vaste opération de camouflage. On en voit une preuve dans le fait que l’abdication de Guillaume II, annoncée à tous les échos le 9 novembre, n’a eu lieu que trois semaines plus tard, en Hollande!
Dans tous les cercles politiques qui tiennent de près ou de loin au Gouvernement, on est convaincu qu’il faudra être très dur dans l’exécution des conditions d’armistice et dans les préliminaires de paix. Les Allemands, dit-on, parce que leur territoire a été épargné, n’ont pas encore conscience de leur défaite. Voyez les proclamations de Hindenburg et du duc de Wurtemberg à leurs troupes: que diraient-ils à leurs soldats s’ils avaient gagné la guerre?
Pour la plupart des Français, Kurt Eisner est jusqu’ici le seul Allemand qui comprenne la situation et ne se montre pas «imperméable aux faits».
M. Pichon me racontait l’autre jour que la Commission de Spa, qui réunit actuellement les officiers alliés et allemands chargés de veiller à l’observation des clauses de la capitulation du 11 novembre, était souvent troublée par des manifestations tumultueuses. Les Allemands crient, tempêtent, frappent la table du poing. Quand ils ont fini, le général français Nudant, qui préside la Commission, observe simplement: «L’incident est clos».
Il faut bien qu’on se rende compte à Berlin qu’aucun ergotage ne sera toléré au sujet de l’armistice. Je continue, cependant, à transmettre au Quai d’Orsay toutes les notes que l’Allemagne vous prie de communiquer au Cabinet de Paris.
Il m’est revenu que, devant cette avalanche de messages, vous aviez éprouvé quelques scrupules à en assurer la transmission et que vous en aviez touché un mot à M. Dutasta. Celui-ci en a télégraphié à son Gouvernement. Mais M. Pichon m’assure qu’il comprend très bien que nous continuions à lui remettre les notes de Berlin. Seulement, ajoute-t-il, c’est aux Allemands à voir s’il est dans leur intérêt de nous accabler, au sujet de l’armistice, de récriminations auxquelles nous ne répondrons pas.
Il en va autrement, c’est entendu, des communications dont l’intérêt humanitaire est manifeste, en tant du moins qu’elles ne touchent pas aux clauses du 11 novembre.
Cela n’empêche pas que la note tendant à la désignation d’une commission neutre pour enquêter sur les origines de la guerre6 n’ait été accueillie par le Temps et d’autres journaux comme le signe d’«une inconscience vraiment phénoménale».
A propos de ces notes allemandes, je crois devoir faire observer encore que, dans la plupart des cas, l’emploi du chiffre ne se justifie pas, car très souvent le texte est publié par les journaux de Paris avant d’avoir été remis par nous au Quai d’Orsay.
- 1
- Rapport politique: E 2300 Paris, Archiv-Nr. 71.Vers la paix. La France et l’Allemagne nouvelle. Choses d’Espagne.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Note marginale manuscrite de F. Calonder: Sofort verlangen.↩
- 4
- Cf. no 24.↩
- 5
- Note marginale manuscrite de F. Calonder: Verlangen.↩
- 6
- Cf. no 37.↩
Tags
Conférences de paix de Paris (1919)