Language: French
27.11.1918 (Wednesday)
Le Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess, au Président de l’Association nationale française pour la Protection légale des Travailleurs, A. Millerand
Letter (L)
La Suisse souhaite conserver son rôle dans la concertation internationale concernant la protection ouvrière. Schulthess est convaincu que cette question dominera plus que jamais la vie des nations et demande si elle est à l’ordre du jour de la Conférence de la Paix.
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Printed in

Jacques Freymond, Oscar Gauye (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 32

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Bern 1979

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dodis.ch/43777
Le Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess, au Président de l’Association nationale française pour la Protection légale des Travailleurs, A. Millerand1

M’autorisant de nos relations qui remontent à la Conférence internationale pour la protection ouvrière, réunie à Berne, en 1913, je me permets de vous demander votre opinion sur les questions qui nous occupaient alors et sur les solutions qui pourraient leur être données.

Les circonstances ne me paraissent plus permettre aujourd’hui la procédure suivie antérieurement pour aboutir à la conclusion de conventions internationales réglant certaines conditions du travail industriel. D’autre part, vous ne m’en voudrez pas de vous dire que la Suisse tiendrait particulièrement à conserver, pour autant que cela est possible, le rôle que la confiance des Gouvernements étrangers lui avait assigné dans ce domaine. Je sais que mon pays pourra toujours compter sur votre amical appui et votre haute influence.

Il est pour moi hors de doute qu’une réglementation internationale du travail est aujourd’hui plus désirable et nécessaire que jamais; elle me paraît s’imposer en raison des exigences non seulement matérielles, mais aussi morales, que les ouvriers de tous les pays ont déjà émises et vont encore formuler. En 1913, la Conférence internationale s’est occupée uniquement de l’interdiction du travail de nuit des jeunes ouvriers et de la fixation de la journée de travail maxima pour les femmes et les jeunes ouvriers employés dans l’industrie. Aujourd’hui, la question de la journée de travail maxima pour tous les ouvriers, spécialement de la journée de huit heures, est nettement posée partout, entr’autres par les organisations ouvrières suisses. Il est évident que la solution pour notre petit pays dépend beaucoup de l’attitude des autres Etats et serait grandement facilitée par des accords internationaux. Pour le moment, j’essaie de régler la question par des conventions entre patrons et ouvriers. Les organisations patronales suisses sont prêtes à faire des concessions.

Il serait pour moi d’une extrême valeur de connaître vos idées sur ces questions, puisque votre manière de voir déterminera sans doute celle de l’Union française pour la protection ouvrière et dirigera les résolutions de votre Gouvernement. Croyez-vous que des décisions en cette matière seront prises à l’occasion de la conclusion de la paix? Estimez-vous qu’une démarche de la Suisse auprès des Gouvernements Alliés serait accueillie favorablement?

Je ne demande qu’à servir la cause qui, je le sais, est aussi la Vôtre et j’ai la conviction que ces questions ouvrières domineront plus que jamais la vie sociale et, partant, la vie politique des nations. Je tiens à vous déclarer expressément que, dans l’affaire dont je vous entretiens, la Suisse n’a été pressentie par aucun pays et que sa première démarche à l’étranger est celle qui fait l’objet de la présente lettre. Je vous serais reconnaissant de la considérer, pour le moment, comme étant tout à fait personnelle.

1
Lettre: E 2200 Paris 1/1561.