dodis.ch/43716 Le Ministre de Suisse à
Paris,
A. Dunant, à l’Adjoint à la Division des Affaires étrangères du Département politique, Ch.
E. Lardy1
Dans une des dernières lettres politiques reçues du Département2, j'ai lu avec beaucoup d’intérêt les appréciations relatives au peu de chances qu'aurait actuellement une initiative quelconque tendant à une action pacifiste ou pacificatrice. Laissez-moi vous dire en toute franchise qu’en ce qui concerne le Gouvernement français et l’opinion publique française, il n’y a rien à faire pour le moment. Toute idée de paix serait considérée comme provenant de Berlin, c’est-à-dire d’inspiration suspecte (voir l’article ci-inclus du Temps de ce jour).
Malgré tout ce que la prolongation de la guerre a de dur pour notre cher pays, il nous faut nous habituer à la triste réalité et nous dire que les hostilités ne cesseront certainement pas avant l’automne 1919. Les Alliés sentent et savent que l’efficacité du concours américain commence seulement et ne déploiera pas son plein effet cette année; ils sont persuadés d’avoir en mains assez d’atouts pour risquer la forte partie dans quelques mois. Et, après leurs récents succès incontestables, ils considéreraient la moindre démarche neutre - fût-elle timide et prudente - comme absolument déplacée; cela risquerait de tout gâter pour celui qui désirerait intervenir de façon opportune, c’est-à-dire plus tard.
Recevez, mon cher Collègue, une amicale poignée de main.