Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 403
volume linkBern 1981
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2200.53-02#1000/1759#15* | |
Old classification | CH-BAR E 2200.53-02(-)1000/1759 1 | |
Dossier title | Anerkennung vom Königreich Polen durch die Schweiz (1918–1918) | |
File reference archive | C.8 |
dodis.ch/43678
Depuis quelques semaines, le Département politique a reçu plusieurs visites du comte Michel Rostworowski, qui se présente en qualité d'envoyé officieux du Conseil de Régence polonais, et de M. Edmond Privat, citoyen genevois qui se consacre depuis plusieurs années à la cause de la Pologne. Ces Messieurs demandent la reconnaissance plus ou moins explicite de l’indépendance de la Pologne par le Gouvernement suisse, en se basant sur la proclamation allemande et autrichienne du 5 novembre 1916 et sur la proclamation du Soviet russe du 4 /17 mars 1917. Ils ajoutent que les Polonais en Suisse se trouvent dans la situation la plus fausse: les uns ont d’anciens papiers russes, les autres de nouveaux passeports allemands; un grand nombre d’entre eux n’ont pas de papiers du tout.
Aujourd’hui M. Privat a informé le Département politique que le Conseil de Régence avait l’intention d’adresser de suite une lettre officielle au Conseil fédéral pour lui demander de reconnaître la Pologne; le Conseil de Régence, désireux de ne demander à la Suisse que ce qu’elle a l’intention d’accorder, a prié le comte Rostworowski de lui télégraphier dans quels termes il devait exprimer sa requête et jusqu’où il pouvait aller dans sa demande. M. Privat déclare que les Pays-Bas seraient sur le point de reconnaître l’indépendance de la Pologne (?).
La Pologne n’existe pour le moment que par la grâce des Empires Centraux. Son gouvernement a été institué par l’Allemagne et l’Autriche; c’est de ces Empires seuls qu’il tire son pouvoir, car il n’a pas été ratifié par une assemblée quelle qu'elle soit. Une diète, même truquée, n’a pas été appelée à se prononcer.
Dans ces circonstances, une reconnaissance de notre part paraît impossible: ni au point de vue neutre, ni au point de vue démocratique, nous ne pouvons reconnaître un Etat dont l’existence se base sur la volonté de deux Empires belligérants sans ratification populaire. Une reconnaissance formelle de notre part est d'autant plus impossible que les limites de la Pologne ne sont pas tracées.
L’indépendance de la Pologne figure en théorie dans le programme de toutes les puissances quelles qu’elles soient. Nous pouvons, par conséquent, nous risquer sans aucun danger à exprimer des voeux en sa faveur.
Nous nous trouvons dans un certain embarras. Nous serions assez disposés à faire savoir officieusement au Conseil de Régence que nous répondrions à une demande éventuelle de sa part dans les termes suivants:
1. Vifs remerciements pour la généreuse pensée du Gouvernement Polonais qui l’a poussé à s’adresser à la Suisse.
2. La Suisse salue avec sympathie le principe de l’indépendance de la Pologne en faveur duquel elle s’est si souvent élevée: exposé historique.
3. La Suisse souhaite très vivement que l’Etat polonais se constitue le plus vite possible sur une base juridique qui lui permette de le reconnaître officiellement.
4. Etant donné la situation embarrassante des Polonais en Suisse, le Gouvernement de la Confédération est disposé à entrer immédiatement en relations de fait avec le Conseil de Régence pour régler la question des papiers de légitimation des ressortissants des territoires effectivement gouvernés par le Conseil de Régence.
Mais nous ne nous dissimulons pas que les gouvernements austro-hongrois et allemand, qui sont aux yeux du monde les suzerains de la Pologne, pourraient voir d’un mauvais œil toute entrée en matière de notre part. Nous venons donc recourir à vous et vous demander si vous croyez pouvoir sonder délicatement tant le Gouvernement Austro-Hongrois que l’Ambassade d’Allemagne à ce sujet. Il s’agirait tout d’abord de savoir si les Empires Centraux verraient d’un mauvais œil tout rapport quelconque entre nous et le Conseil de Régence, auquel cas nous éviterions de nous compromettre aucunement. Au cas où les Empires Centraux ne verraient pas d’objection à une entrée en matière, il s’agirait pour nous de savoir si les points que nous nous proposons de toucher ne paraissent pas les froisser.
Si nous avons préféré nous adresser à vous, c’est que nous sommes sûrs que vous saurez éviter à la fois de paraître nous mettre sous la tutelle des Empires Centraux ou de sembler vouloir les braver. Nous nous en remettons entièrement à vous du soin d’agir dans cette affaire avec la plus grande discrétion et vous exprimons toute notre gratitude pour les renseignements que vous serez à même d'acquérir.
- 1
- Lettre: E 2200 Wien 9/1. Démarche de la Pologne en vue de sa reconnaissance.↩