Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 6, doc. 278
volume linkBern 1981
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#756* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 339 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 70 (1917–1917) | |
File reference archive | 129 |
dodis.ch/43553
Ce matin, samedi, je n’ai pu voir M. Jules Cambon que pendant quelques instants; j’ai même été le seul chef de mission reçu et ai dû traiter en grande vitesse trois ou quatre affaires spéciales urgentes; le temps m’a donc manqué pour parler de politique générale.
Mardi dernier, M. Cambon m’avait répété qu’il croyait toujours à un recul quelconque de l’Allemagne sur la question de la guerre sous-marine et sous la forme détournée d’accords particuliers avec les divers neutres: Espagne, Pays-Bas, Etats Scandinaves et même Etats-Unis, mais qu’on venait de lui apporter un télégramme de presse publié par le journal L’Information relatif à l’entretien entre le Ministre de Suisse à Washington, M. Ritter et M. Lansing, qui avait l’air de couper les ponts. Je vous ai télégraphié ce renseignement en ajoutant que le Ministère français des Affaires étrangères n’avait aucune confirmation officielle de cet incident grave puisque la réponse américaine était fort raide.
Ce matin, M. Cambon est revenu sur l’incident en ajoutant qu’il semblait que M. Ritter, grand germanophile, devait avoir agi à la demande de Bernstorff et à l’insu tant du Conseil fédéral que du Gouvernement allemand, ce qui pouvait avoir fait beaucoup de mal. Je suppose que M. Jules Cambon a dit cela sur la foi de télégrammes de l’Ambassadeur de France à Washington, M. Jusserand, mais il ne me l’a pas dit.
Vous seriez bien aimable de me renseigner à l’occasion sur l’incident Ritter.
M. Cambon persiste néanmoins encore à croire que la guerre n’est pas nécessaire entre les Etats-Unis et l’Allemagne et j’ai l’impression qu’il travaille dans cette direction, car l’opinion française tend de plus en plus à préférer les Etats-Unis comme amis que comme alliés.
Je me suis permis de rappeler à mon interlocuteur qu’il y a dix jours (voir mon rapport du 6 février, page 4)2 je lui avais demandé s’il n’y avait pas derrière la politique américaine envers l’Europe des questions japonaises, c’est-à-dire le désir des Etats-Unis de ne pas se brouiller avec le Japon pour les questions chinoises et autres questions de l’influence dans le Pacifique. Vous vous rappelez que M. Cambon avait été sceptique et avait répondu que les Américains ne sont pas si compliqués que cela. Aujourd’hui, il a reconnu que ce côté de la question devait maintenant être envisagé puisque la Chine proteste contre la note allemande sous-marine, ce qui implique que la Chine, jusqu’ici plutôt germanophile, cherche par peur l’amitié du Japon pour éviter les négociations offertes par M. Motono aux Puissances intéressées au sujet des affaires de Chine.
M. Cambon s’est borné à dire: «Il ne paraît plus douteux que l’OcéanPacifique va jouer un rôle et devra entrer aussi dans nos préoccupations.»
Je reprendrai ces questions dans un nouvel entretien, lorsque M. Cambon et moi disposerons de plus de temps.
L’Ambassade des Etats-Unis insiste, avec une persistance toujours plus grande, pour n’avoir plus à collaborer en rien à la représentation des intérêts allemands en France, et me presse de la débarrasser entièrement de cette tâche. Elle insiste même pour que le personnel qu’elle me cède ne travaille plus dans ses locaux. On paraît très pressé et cela a mauvaise façon; cela sent nettement la guerre et on donne assez clairement à entendre qu’on nous passera prochainement aussi les affaires austro-hongroises.
Je n’ai pas encore trouvé de locaux pour installer le nombreux personnel indispensable à la correspondance allemande, en sorte que cette insistance américaine est fort embarrassante.
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