Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 6, Dok. 44
volume linkBern 1981
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2001A#1000/45#741* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2001(A)1000/45 93 | |
Dossiertitel | Nr. 719. Depeschen und Berichte der schweizerischen Gesandtschaft in Paris (bzw. in Bordeaux) (1914–1914) | |
Aktenzeichen Archiv | B.272.14 |
dodis.ch/43319
[...]2
Aux Affaires Etrangères on m’a dit ce matin (Direction politique) qu’il n’y avait rien de changé en ce qui concerne l’attitude de l’Italie: neutralité et encore neutralité.
Tittoni, auquel j’ai fait une visite, m’a parlé dans le même sens, mais avec des nuances dans la voix et une certaine tristesse dans le regard; il m’a paru quelque peu découragé et trouver que la responsabilité était lourde dans tous les sens. Il a ensuite abordé de lui-même la question des rapports italo-suisses. Il m’a demandé (pas autorisé) de vous dire, de sa part et en le nommant, qu’il connaissait suffisamment l’opinion publique italienne, la manière de voir de tout ce qui pense et de tout ce qui compte en Italie, pour pouvoir affirmer comme une certitude absolue que jamais l’Italie ne songera à porter atteinte à la neutralité de la Suisse. Au point de vue commercial, la Suisse est plus importante pour l’Italie que la France; au point de vue politique l’Italiea besoin de l’amitié de la Suisse qui donne du travail à des milliers et des milliers d’italiens et qui a des aspirations à la fois d’ordre et de liberté qui lui sont communes avec l’Italie moderne; au point de vue militaire la Suisse défend à ses frais à elle deux ou trois cents kilomètres de la frontière italienne; mettre contre soi l’armée suisse serait un acte de folie et de suicide de la part de l’Italie, que cette dernière lutte au nord-est ou au nord-ouest. M. Tittoni a rappelé que pendant son passage au Ministère des Affaires Etrangères à Rome il avait tenu à se rendre par deux fois personnellement à Berne pour faire la connaissance du Conseil fédéral, la première fois en revenant d’Allemagne et la seconde fois en s’y rendant de Milan; une troisième fois il s’est rencontré avec le Conseil fédéral à l’inauguration du Simplon. Le gouvernement actuel, le Ministre des Affaires Etrangères et encore une fois tout ce qui compte et qui pense en Italie, ont la volonté absolue d’entretenir avec la Suisse des relations d’amitié et de confiance; la Suisse peut être certaine que l’Italie ne désire que le maintien intégral de la neutralité Suisse et de l’amitié italo-suisse.
Puisque M. Tittoni m’a demandé expressément de vous répéter ces paroles en le nommant, je vous les transmets aussi textuelles que possible.
Le comte Granville m’a aussi parlé de la situation internationale de la Suisse et s’est laissé aller à me dire que l’Angleterre avait toujours dans le cours de l’histoire en 1815, en 1848, en 1856, en 1860, non seulement montré son désintéressement mais son amitié pour la Suisse et que nous pouvions compter sur la continuation de cette amitié. Il m’a donné à entendre qu’il écrirait à Londres pour qu’on saisisse les occasions qui se présenteraient d’agir auprès des alliés de l’Angleterre pour rappeler que l’Angleterre entend qu’on ne touche pas à la Suisse ni maintenant ni plus tard.
Il y a là un champ d’activité qu’il importe de cultiver; l’Angleterre n’a rien à nous prendre, mais l’Angleterre peut exiger que dans certaines combinaisons (par exemple une alliance de l’Italie avec les Franco-Anglais contre l’Autriche) il soit précisé que la Suisse doit être respectée jusqu’au dernier centimètre carré. Je pense qu’il pourra être utile de s’exprimer dans ce sens envers le Ministre d’Angleterre à Berne en rappelant les souvenirs de Lord Castlereagh en 1815, de Peel lors du Sonderbund ou de Palmerston en 1860. Nos légations à Pétersbourg, Londres et Washington ont été créées comme primes d’assurance destinées à convaincre ces trois Etats, qui n’ont rien à prendre à la Suisse, de l’importance de l’intégrité de notre pays dans les cas de cataclysme comme celui qui se présente. Ont-elles préparé le terrain auprès des principaux hommes d’Etat de ces trois pays? En tous cas on peut agir à Berne sur leurs représentants chez nous.
Je ne puis assez vous dire en terminant combien le métier de «franc-fileur» me répugne et combien j’espère que les circonstances ne m’obligeront pas à quitter mon poste.