Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
XI. NEUTRALITÄT UND GUTE DIENSTE
1. Verschiedenes
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 5, doc. 283
volume linkBern 1983
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2001A#1000/45#633* | |
Dossier title | Nr. 608. Schiedsrichteramt von Minister Lardy in Paris im russisch-türkischen Streit betr. Verzugszinse (1910–1912) | |
File reference archive | B.243 |
dodis.ch/43138
Rentré cette nuit de La Haye, où le tribunal arbitral chargé de statuer sur l’affaire des indemnitaires russes a réglé les questions de procédure non prévues par le compromis, j’ai l’honneur de Vous rendre compte de quelques incidents utiles à méditer pour le cas de nouveaux arbitrages auxquels la Suisse serait appelée à coopérer2.
Vous Vous rappelez que, dès le début, j’ai pris la liberté d’insister auprès de Vous pour qu’on cherchât à modifier la composition du tribunal. Le type prévu par la Convention de La Haye de 1907 est un Tribunal de 5 membres dont trois au moins sont ressortissants d’Etats étrangers aux Parties contestantes. - Dans l’arbitrage russo-turc, il y a deux Russes, deux Turcs, et le surarbitre suisse est en minorité. - J’avais signalé divers dangers pouvant résulter de cette composition du tribunal et dès le début, j’ai eu à subir à La Haye le contre-coup de l’absence d’une majorité de juges étrangers aux Parties contestantes.
Dans les réunions officieuses des arbitres, les Turcs ont, par exemple, demandé qu’il fût dressé un procès-verbal secret des délibérations du tribunal, puis ont restreint leur demande à un procès-verbal secret constatant les votes des arbitres, puis se seraient contentés de faire constater dans ce procès-verbal secret que les décisions étaient prises par tant de voix contre tant de voix. - Ils ont persisté jusqu’à la dernière heure.
J’ai exposé que le compromis renvoyait expressément (art. 4) «au texte et à l’esprit de la Convention de La Haye de 1907» pour tous les points de procédure «non réglés par le Compromis». La Convention de 1907, art. 78 et 79, diffère notablement de la Première Convention de 1899, art. 51 et 52; à la suite d’incidents survenus lors de l’arbitrage franco-japonais de 1905 sur l’affaire des Baux perpétuels (refus de l’arbitre japonais de signer la sentence etc.) on a supprimé en 1907 la faculté laissée aux membres de la minorité de constater leur dissentiment au moment de la signature; on a supprimé la signature de la sentence par tous les arbitres et on la fait signer par le président et le greffier, pour assurer l’anonymat de la sentence et le secret des délibérations. - J’ajoutais que, dans ces conditions, le texte et l’esprit de la Convention de 1907 seraient violés par un procès-verbal, même secret, relatant ce qui s’est passé au cours des délibérations du tribunal. - Enfin, il était évident que, par ce procédé, on aggravait encore la situation déjà fort délicate du surarbitre et on faisait en quelque sorte des arbitres russes et turcs des agents presque forcés de leurs Gouvernements puisque les Gouvernements pourraient contrôler comment avaient voté les arbitres désignés par eux. - Les Russes «pour montrer de la courtoisie» envers les Turcs, acceptaient ces propositions, alors que dans toutes les sentences rendues depuis 1907, on a absolument évité d’indiquer si la sentence a été rendue à la majorité, à telle ou telle majorité ou même à l’unanimité. - J’ai dû insister contre mes quatre collègues, et j’avais présenté un projet de sentence que j’ai finalement fait approuver officieusement cinq minutes avant l’ouverture de la séance solennelle; les Turcs ont alors retiré leur demande sur les conseils de leurs avocats. - Sur ces pauvres Turcs pèse la terreur séculaire d’un souverain absolu, et les arbitres turcs suppliaient que, par égard pour eux, on leur fournît un moyen de prouver à leur Gouvernement qu’ils avaient «bien voté», c’est-àdire qu’ils n’avaient pas été achetés sous main par les Russes au cours du procès!!! - Personnellement et si le compromis l’eût autorisé, j’aurais de beaucoup préféré la délibération publique comme au tribunal fédéral et comme en Angleterre dans certaines cours, mais pour cela il aurait fallu que tout le tribunal fût neutre.
Dans un autre domaine, les mentalités se sont aussi montrées fort différentes de la nôtre. J’avais reçu à Paris la visite des Agents (avocats) des Parties pour discuter la question des honoraires; je les avais priés de traiter ce point avec le Bureau international de La Haye, auquel je m’en rapportais puisque seul il connaît les précédents. - J’ai appris avec stupéfaction que les Russes avaient proposé que chaque Etat contestant garderait à sa charge les frais et honoraires de ses propres arbitres, et qu’il fût alloué au surarbitre cent mille francs payables par moitié par les Parties; en outre, remboursement de tous les frais sur la même échelle. - J’ai naturellement refusé; - ils sont revenus à la charge en proposant 50.000 frs; j’ai refusé. - Finalement, le bureau international ayant déclaré que jamais un arbitre n’avait reçu à La Haye, à aucune époque, des honoraires inférieurs à 25.000 frs, j’ai répondu que je considérais ce chiffe comme un maximum auquel je pouvais consentir seulement avec Votre assentiment. Quant aux frais, ils voulaient m’allouer 2000 frs en bloc pour cette session, alors que j’ai eu seulement 600 frs de frais; j’ai naturellement déclaré que je ne pouvais faire de bénéfice sur les frais. Les arbitres voulaient-ils essayer de me gagner par leurs offres fantastiques, ou bien voulaient-ils se faire donner, par analogie, des honoraires semblables?
Conclusion: avoir pitié des arbitres suisses et n’accepter à aucun prix de coopérer à des arbitrages où la majorité des juges n’appartiendrait pas à des Etats désintéressés dans le litige.