Thematische Zuordung Serie 1848–1945:
II. BILATERALE BEZIEHUNGEN
8. Frankreich
8.6. Zonenfrage
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 5, doc. 65
volume linkBern 1983
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1663* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 281 | |
Dossier title | Anträge im französischen Parlament für die Abschaffung der Freizonen von Hochsavoyen und Gex, 1903 und 1905 (1899–1905) | |
File reference archive | B.137.2 |
dodis.ch/42920
Voici une affaire grave qui s’amorce et que j’ai le devoir de vous signaler immédiatement:
Hier soir je dînais chez mon collègue d’Italie; le Directeur général des
Douanes de France, M. Brunet, s’y trouvait aussi. Je l’abordai en lui disant que je
regrettais de ne pas l’avoir trouvé il y a deux jours à son bureau. Il répliqua: «Je
l’ai vivement regretté aussi; je comprends votre visite; vous veniez me parler de
l’affaire Debussy?» Je n’étais nullement allé pour l’affaire Debussy, mais pour
une réclamation d’un Zuricois établi à Calais et auquel la douane française de ce
port refusait un acte de francisation pour un navire à vapeur chalutier dont il est
co-propriétaire. - J’avais découpé le 22 Février dans le journal le Temps une note
annonçant que la commission des Douanes de la Chambre des Députés avait
adopté les conclusions du rapport Debussy sur les zones franches du pays de Gex
et de la Savoie et autorisé M. Debussy à déposer son rapport définitif sur cette
question; j’avais constaté que le dépôt n’avait pas encore été effectué et je croyais
que ce rapport serait surtout relatif aux relations des zones avec la France
douanière.2 - Désireux de faire parler M. Brunet, j’ai laissé tomber dans l’eau la
marine suisse et les chalutiers zuricois et j’ai feint d’être au courant, en disant que
tout cela était bien sérieux, bien délicat, et qu’on devrait éviter de porter devant
les parlements des questions de nature internationale avant un échange de vues
entre les Gouvernements intéressés.
M. Brunet m’a alors exposé qu’«on» était venu lui demander de mettre sur
pieds, au point de vue administratif, la proposition Debussy; tout doucement j’ai
compris qu’il s’agissait de régler les rapports des zones avec la France douanière
en laissant librement entrer en France douanière les produits zoniers, et en
reportant la douane française à la frontière suisse. J’ai constaté que cette
proposition s’appliquerait non seulement à la zone franche de 1860, non seulement à la petite zone sarde de 1816 au sud du canton de Genève du côté
d’Annemasse et du Salève (Traité de Paris du 3 novembre 1815, art. 5 in fine,
R.O., I pp. 97s. et traité de Turin du 16 mars 1816, art. 3, R.O., I, pp. 164s.),
mais aussi du pays de Gex (Traité de Paris, 20 novembre 1815, art. 1er, chiffre 3, R.O, I, pp. 99s.).3 M. Brunet m’a avoué qu’il était fort embarrassé, puisqu’il se trouvait en présence de traités européens absolument explicites et puisque le Ministre des Affaires Etrangères avait combattu catégoriquement, au sein de la commission des douanes de la Chambre des Députés, cette proposition. Je lui ai demandé si les Savoyards étaient disposés à renoncer aux facilités douanières considérables accordées aux zoniers de leur région par notre convention de 1881; il a répondu qu’il n’en savait rien.
A ce même dîner assistait le Directeur politique au Ministère des Affaires Etrangères, M. Louis, qui était jusqu’au printemps dernier directeur des affaires commerciales. Après lui avoir parlé du Japon et de la Russie, je lui ai négligemment demandé ce qu’il y avait sous la proposition Debussy; il a répondu qu’il avait seulement vu passer il y a quelques jours dans un journal du soir un entrefilet de deux lignes à ce sujet et qu’il ne savait rien d’autre, sinon qu’à l’époque où il était à la tête de la division commerciale il avait été de nouveau nanti des réclamations des zoniers contre les difficultés opposées par la Suisse à l’importation de leur bétail en Suisse, et qu’il avait lu dans les journaux des derniers mois les mesures prises ou projetées contre les fraudes des zoniers en matière de blés étrangers et de farines étrangères réimportées en France comme savoyardes.
S’agit-il simplement d’une tentative de chantage ou de pression pour nous extorquer, sous menace de suppression des zones, de nouvelles facilités en faveur des éleveurs de bestiaux des zones? s’agit-il au contraire d’une tentative de centralisation française pour faire disparaître des privilèges que jalousent les 99 centièmes des Français et qu’un Parlement peut être disposé à voter parce que les relations extérieures lui sont terra incognita? s’agit-il de faire semblant de forcer la main à un Ministre des Affaires Etrangères qui résiste pour la galerie et qui, au fond, veut enserrer Genève d’une ligne de douanes, pour travailler à l’œuvre lente de détacher Genève de la Suisse en lui faisant entrevoir la situation de capitale politique du Département du Mont-Blanc et en l’affamant jusqu’à ce qu’elle soit mûre pour l’annexion? J’ai entendu de mes oreilles un ancien Ministre français dire, à quelques pas de moi, que dans cinquante ans, Genève serait française ou les zones seraient suisses. J’ai entendu de mes oreilles un autre ministre français dire récemment, à propos de la Faucille, que la France s’était trop désintéressée de Genève, qu’on avait eu trop longtemps à son égard le préjugé anti-protestant, qu’il fallait rattacher davantage Genève à la France et que les cent millions de la Faucille n’étaient pour cela pas trop chers. - D’autre part, j’ai entendu un ancien Conseiller d’Etat genevois me dire qu’il préférait les Français à la gare de Genève plutôt que d’y voir arriver un bataillon de Confédérés pourvus de leurs droits électoraux et venant troubler l’équilibre des partis genevois. - Il y a là une situation qui mérite au plus haut degré toute notre attention et je ne pouvais attendre le dépôt du rapport de M. Debussy pour vous signaler ce qui se prépare; avec les 40000 Français, Genève est un point dangereux et tout au moins préoccupant à un haut degré.
Je n’ai pas besoin de rappeler en terminant que, d’après l’art. 11 de notre
convention du 14 Juin 1881 avec la France sur le régime douanier de la zone de
Savoie de 1860, la France a le droit de supprimer ou de modifier les franchises
douanières de cette zone, à la condition de nous prévenir douze mois à l’avance,
et que nous sommes autorisés à supprimer, dans ce cas, les franchises douanières
consenties par nous en faveur de cette région.
- 1
- Schreiben (Kopie): E 2, Archiv-Nr. 1663.↩
- 2
- Es handelte sich lediglich um den provisorischen Bericht Debussy. Erst Mitte April nahm die Zollkommission den betreffenden Antrag an, worauf Debussy mit der Abfassung des endgültigen Berichtes an die Kammer beauftragt wurde. Anfang Juni hiess dann die Zollkommission den Bericht gut.↩
- 3
- R. O. = Recueil officiel des pièces concernant le droit public de la Suisse, etc., Neuchâtel 1832.↩
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Free zones of Haute-Savoie and Pays de Gex