Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 4, doc. 285
volume linkBern 1994
more… |▼▶Repository
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E21#1000/131#14027* | |
Old classification | CH-BAR E 21(-)1000/131 491 | |
Dossier title | Internationale Konferenz in Rom betr. Anarchistenbekämpfung, 1898 (1898–1912) | |
File reference archive | 06.2.4.1 |
dodis.ch/42695 Le Ministre de Suisse à Rome, G. Carlin, au Président de la Confédération et Chef du Département politique, E. Ruffy1
En me référant à mon office d’hier2, j’ai l’honneur de Vous informer que j’ai eu hier après-midi un entretien de près d’une heure avec M. Canevaro, Ministre des Affaires étrangères. La conversation a roulé presque exclusivement sur la conférence internationale anti-anarchique.
M. Canevaro m’a exposé que le Gouvernement italien, justement alarmé du fait que tous les derniers attentats anarchiques avaient été commis par des Italiens, avait été obligé de prendre l’initiative de la dite conférence pour mettre sa responsabilité à couvert. Que lui personnellement et le Président du conseil s’intéressaient vivement à la réussite des pourparlers qui vont commencer. Qu’il comprenait fort bien que les Etats ne pouvaient pas laisser toucher aux principes déposés dans leurs constitutions ou leurs lois, mais qu’il espérait que, dans ces limites, il resterait un terrain assez vaste pour une entente solide et efficace. Que d’ailleurs si certains Etats, liés par leurs constitutions, leurs opinions publiques ou leurs traditions, ne pouvaient pas souscrire au résultat que lui, Canevaro, attendait de la conférence, celà n’empêcherait pas les autres de conclure un accord, afin que la responsabilité de chacun soit clairement établie.
J’ai répondu en m’inspirant des conversations que j’ai eu l’honneur d’avoir à ce sujet avec Vous, Monsieur le Président et avec Monsieur le Conseiller fédéral Brenner. J’ai cependant pu me persuader que l’Italie, en présence surtout des réserves considérables formulées par la Grande-Bretagne3 laquelle n’a adhéré que par déférence pour le Gouvernement italien et afin de se le conserver bien disposé dans ses démêlés actuels avec la France, a beaucoup mitigé son attitude et diminué ses prétentions. Il y a une grande différence entre la manière dont elle présente actuellement les choses et les démarches qu’elle fit immédiatement après l’attentat contre l’Impératrice d’Autriche, dans le but d’ameuter l’Europe contre nous.
M. Canevaro a paru entrer dans mes vues quand je lui ai dit qu’un des points les plus importants à atteindre serait d’obtenir que chaque Etat gardât chez lui et pour lui ses propres anarchistes. Mais comme complément de cette première mesure, le Ministre des Affaires étrangères désirerait voir stipuler par la conférence:
1° que les expulsions d’anarchistes se fissent sur le pays auquel ceux-ci appartiennent;
2° que le pays d’origine eût le droit de réclamer l’extradition des anarchistes lesquels auraient commis des actes de propagande ou des délits de droit commun sous le prétexte et le drapeau de l’anarchie.
La difficulté serait de trouver une définition établissant les limites entre la seule recommandation de la théorie anarchique comme telle et la propagande délictueuse. Aussi M. Canevaro s’est-il empressé d’ajouter que selon lui, l’extradition dont il s’agit ne saurait être requise que moyennant production de pièces prouvant des crimes ou délits commis par la personne dont l’extradition est demandée.
Quant à la conférence même, M. Canevaro estime qu’elle doit être sérieuse et ne donner lieu à aucune grande fête ou réception. Il y a là une question de tact. Il faut que l’opinion publique comprenne qu’il s’agit d’une réunion qui n’a nullement pour but de combattre le libéralisme, le droit d’association et la liberté de la presse, mais vise seulement à un examen de la maladie sociale qu’est l’anarchie et aux remèdes à y apporter.
Peut-être serait-il possible de faire entendre celà à certains organes de la presse suisse: tout le monde n’aurait qu’à y gagner.
En ce qui concerne enfin le nombre des délégués à envoyer à Rome par chaque Etat, voici ce qui est décidé jusqu’ici: l’Autriche-Hongrie, l’Allemagne et la Russie se feront représenter par leurs Ambassadeurs près le Quirinal, assistés chacun de deux délégués, l’un plutôt pour les questions de législation, l’autre pour les questions de police. M. Barrère me dit que la France suivra probablement cet exemple et aura, en tout, également trois délégués. Les Etats moins importants n’enverront probablement qu'un délégué outre le représentant diplomatique: ainsi les Pays-Bas et le Danemark. La Belgique hésite encore, elle attend pour se décider entre deux et trois représentants.
Dans ces circonstances, Vous apprécierez s’il convient que la Suisse soit représentée par trois ou par deux délégués seulement; il semble que rien ne presse et qu’on peut rester encore quelques jours dans l’expectative. Il serait toutefois utile que l’un au moins des délégués envoyés de Suisse possédât suffisamment la langue française pour pouvoir prendre part aux délibérations de la souscommission qui sera certainement constituée pour l’examen des côtés techniques de la question.
Je serais heureux de recevoir communication des observations que la lecture de la présente pourrait Vous suggérer et, en tout cas, je Vous serais fort obligé de me faire avoir le plus tôt possible une copie de la deuxième circulaire du Gouvernement italien4, portant l’invitation à la conférence et, à ce qu’on dit, une espèce de programme.
Tags
Anti-Anarchist Conference of Rome (1898)