Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 4, Dok. 160
volume linkBern 1994
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#734* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 335 | |
Dossiertitel | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 48 (1895–1895) |
dodis.ch/42570 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. Lachenal1
Par l’ambassade d’une grande puissance à Paris, j’ai appris que, malgré tous les démentis officiels ou autres, l’Allemagne aurait obtenu par la trahison du capitaine Dreyfus, des renseignements d’une valeur inestimable sur les plans de campagne de la France. Ces renseignements, vérifiés et contrôlés à Berlin, ont permis d’établir que, si le plan de campagne français avait été mis à exécution, il aurait déjoué toutes les suppositions de l’état-major allemand, et que celui-ci aurait pu se trouver dans un sérieux embarras, on a même ajouté «dans une situation très critique». La manière dont les deux adversaires pouvaient s’aborder est évidemment le problème des problèmes, et la solution trouvée en France était, paraît-il, une surprise complète pour les Allemands. Il m’a été affirmé que le territoire suisse et la région de Belfort n’étaient nullement en cause, mais l’insistance qu’on a mise à me donner ce renseignement et la nationalité de mon interlocuteur, dont le pays s’intéresse à la Belgique beaucoup plus qu’à nous, comme aussi certains mots échappés à mon interlocuteur plus ou moins intentionnellement afin de me mettre sur la trace sans être accusé d’indiscrétion m’ont permis de conclure que la Belgique était en cause.
J’ai vainement essayé d’obtenir des confidences plus explicites; on m’a toujours répondu: «Cela ne Vous concernait pas et ce n’était pas dans Votre voisinage que devaient se porter les grands coups; c’était ailleurs».
Comme des informations analogues, quant au fond, me sont parvenues d’autres sources, j’ai cru devoir Vous faire part de cet entretien avec un personnage que j’ai toujours trouvé très renseigné sur les affaires d’Allemagne. Nous pouvons en tirer une moralité et peut-être deux, l’une que les neutralités ne gênent guère nos grands voisins, ce qui est une vérité banale et le commencement de la sagesse2; l’autre, éventuelle, c’est que si, à la suite de la trahison de Dreyfus, des plans de campagne doivent être remaniés, on pourra peut-être essayer un autre chemin. Ce qui me donne un calme relatif, c’est que la route directe de Paris à Berlin passe au nord de Coblence aujourd’hui comme hier.
Quant aux détails sur la manière dont le traître a été découvert, tout ce qu’on peut apprendre confirme à peu près le récit donné il y a quelques jours par le journal socialiste la Petite République; c’est d’ailleurs un point tout à fait secondaire du moment où la trahison est vraie et a porté sur des informations de réelle valeur.