dodis.ch/42535 Le Consul général de Suisse à Bruxelles, A.
Rivier, au Chef du Département des Affaires étrangères, A. La chenal
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Bruxelles, 3 décembre 1893
J’apprends à l’instant que le gouvernement belge a adressé ces jours-ci aux gouvernements étrangers une note très détaillée, dans laquelle il affirme que plusieurs Etats ont accueilli très favorablement sa proposition concernant la réunion à Bruxelles des deux bureaux: de celui des tarifs douaniers déjà existant et de celui, à créer, de la publication des traités, et annonce son intention de faire un premier pas dans cette voie. A cet effet, il demande aux gouvernements de bien vouloir expédier au Bureau des tarifs douaniers des exemplaires officiels des traités et conventions, afin que la publication en ait lieu par les soins dudit Bureau.
Je suppose que vous aurez reçu la note dont il s’agit. Si vous ne l’avez pas reçue, c’est qu’on veut aller de l’avant en cachette de la Suisse, et nous prendre par surprise.
Il est essentiel, me semble-t-il, de ne pas laisser accaparer par la Belgique l’œuvre de la publication des traités, dont la Suisse a l’initiative, et cela non seulement au point de vue de l’intérêt matériel et surtout moral de la Confédération, mais aussi dans l’intérêt de l’œuvre même, que la réunion projetée des deux Bureaux mettrait dans une voie mauvaise, et dénaturerait.
Il me semble qu’il serait urgent de faire sans retard une démarche quelconque auprès des gouvernements étrangers pour leur montrer qu’on ne renonce pas au projet de convocation d’une conférence; le mieux serait de pouvoir procéder tout de suite à cette convocation; si trois ou quatre grandes puissances ont annoncé leur adhésion, il me semble qu’on pourrait s’avancer sans crainte; les autres suivraient.
Veuillez, Monsieur le Conseiller fédéral, excuser mon insistance; mais vous jugez sans doute comme moi qu’il serait extrêmement fâcheux de nous laisser couper l’herbe sous les pieds par la Belgique, laquelle, à la vérité, est récompensée dans cette affaire comme en d’autres du soin et des sacrifices qu’elle apporte à sa représentation à l’étranger. Je suis trop ami de la Belgique pour ne pas lui souhaiter d’avoir à Bruxelles plus d’un bureau international, mais celui des traités doit nous appartenir.
P.S. Le plus grand secret serait naturellement de rigueur, si le gouvernement jugeait bon de lancer les convocations, car la Belgique, si elle s’en doutait, se hâterait de prendre les devants.