Classement thématique série 1848–1945:
II. RELATIONS BILATÉRALES
13. France
13.1. Commerce
13.1.1. Traité de commerce et guerre douanière
Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 4, Dok. 105
volume linkBern 1994
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E13#1000/38#152* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 13(-)1000/38 33 | |
Dossiertitel | Korrespondenz des Departements des Auswärtigen mit der Schweizer Gesandtschaft in Paris, T. 2 (1892–1892) |
dodis.ch/42515 Le Ministre de Suisse à Paris, Ch. Lardy, au Chef du Département des Affaires étrangères, N. Droz1
Mercredi, vers 4 heures, je me suis rendu, comme d’habitude, à la réception du Ministre des Affaires étrangères; comme d’habitude aussi, lorsqu’on croit à la chute définitive d’un ministre, j’ai trouvé désert le salon d’attente. Le matin, j’avais eu la visite de M. Ressmann, Ambassadeur d’Italie, qui m’avait dit avoir vu la veille au soir M. Ribot, lequel lui avait parlé de l’arrangement franco-suisse comme d’une des principales difficultés de la constitution du cabinet Brisson. Je me suis abstenu d’aborder la question vis-à-vis de M. Ribot, qui s’est d’ailleurs montré très réservé ou, pour être plus exact, qui paraissait gêné et embarrassé. Après m’avoir parlé de la Conférence monétaire de Bruxelles, de démarches pour accélérer la ratification par le Sénat de la convention de bornage entre le Valais et la Savoie et de l’Union pour la publication des traités, il a dit brusquement: «Quant à notre arrangement commercial, il est en l’air; je me représente que M. Brisson doit voir là une des grosses épines de sa tâche. J’ignore encore si je pourrai faire partie de la nouvelle combinaison. Cela dépendra des noms auxquels le mien devrait se trouver associé; la retraite de M. Jules Roche peut être un des éléments qui rendront difficile mon maintien dans le Cabinet.»
En rentrant chez moi après cette conversation, j’ai trouvé une carte de M. Jules Roche avec la mention «RRC.» et j’ai rendu hier soir cette visite au Ministre du commerce. Je l’ai trouvé achevant son déménagement. Dans le coin de son cabinet était un grand tas de documents qu’il m’a dit être toutes ses notes sur l’arrangement franco-suisse. M. Roche m’a déclaré qu’en aucun cas il ne consentirait à faire partie de la combinaison Brisson, non par antipathie, puisque M. Brisson est partisan déclaré des traités de commerce, mais parce que le côté politique domine la situation. [...]
«J’ai considéré comme mon devoir de rester à mon poste uniquement pour défendre l’intérêt supérieur, économique et politique de mon pays dans l’arrangement franco-suisse; sinon il y a longtemps que j’aurais abandonné ces gens sans boussole et sans caractère. Je prends chez moi tout mon dossier, et je me défendrai plus énergiquement peut-être et surtout plus librement que si j’étais encore au pouvoir; mais les conditions ne seront évidemment plus les mêmes.»[...]2
J’ai demandé à M. Jules Roche comment il se représentait que nous devrions agir en présence de la situation française actuelle. Il m’a répondu que, dans sa pensée, il serait utile que le Conseil fédéral présentât, malgré tout, l’arrangement à nos Chambres avec un exposé des motifs, insistant surtout sur les grands sacrifices consentis par nous, par gain de paix et pour conserver des relations tolérables avec la France; qu’il désirerait voir l’arrangement ratifié par nos Chambres, après y avoir été dûment critiqué et cela afin que la Suisse donne une dernière preuve de ses intentions conciliantes et afin de n’avoir aucun tort à se reprocher. M. Jules Roche a été reconnaissant du ton adouci et de la confiance manifestée dans les derniers temps dans notre presse et conseille de continuer malgré tout ce ton jusqu’au dernier moment. Il a la conviction qu’il aurait pu sauver presque tout, sauf le bétail, et il luttera jusqu’au bout, non pas pour les beaux yeux de la Suisse, il ne s’en cache pas, mais pour avoir fait personnellement tout ce qui dépendra de lui en vue de permettre un rapprochement lorsqu’une situation sensée aura succédé à la situation dans laquelle se trouvera le ministère de demain.
Je n’ai pas dit à M. Roche que son programme était aussi le nôtre, mais je suis heureux de cette coïncidence et je me réserve, si vous n’y voyez pas d’objection, de communiquer à M. Roche notre projet de message.3
J’ai l’impression que M. Roche attribue à M. Ribot l’intention de chercher à rester aux Affaires étrangères – à ce point de vue, comme aussi à d’autres points de vue, je vous serais reconnaissant de chercher à empêcher notre presse d’établir entre MM. Roche et Ribot des distinctions sans utilité pratique et peut-être dangereuses (voir «La Revue» de Lausanne, du 30 novembre, correspondance de Berne et la Gazette de Zurich, du 1er décembre, 2e feuille).
Je ne puis rien vous dire de précis sur la marche de la crise ministérielle. Les membres du Parlement ont autant d’opinions et de listes que les journaux, ce qui n’est pas peu dire. Dès que j’aurai quelque chose de positif ou de probable, vous serez avisé. Je constate seulement dans l’opinion parisienne un scepticisme de plus en plus accentué à l’égard du succès de M. Brisson et j’ajouterai même une résistance très remarquable aux procédés et aux empiètements de la Commission d’enquête dont M. Brisson est le président. M. Jules Roche doutait beaucoup hier soir que M. Brisson arrivât à constituer son ministère, et les quelques personnes que j’ai vues aujourd’hui pensaient qu’il échouerait dans la journée.
- 1
- Lettre: E 13 (B)/180.↩
- 2
- Suivent des précisions de Roche quant à sa décision de ne pas vouloir faire partie d’un nouveau cabinet.↩
- 3
- Cf. le Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale du 2 décembre 1892, concernant l’arrangement conclu entre la Suisse et la France le 23 juillet 1892 (FF 1892, V. pp. 559–595).↩
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