dodis.ch/42125 Der schweizerische Gesandte in Paris,
J. K. Kern, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departements,
K. Schenk1
Confidentiel Paris, 4 décembre 1878
Pour faire suite à mon rapport du 28 Novembre2, j’ai l’honneur de Vous annoncer que, dans une soirée donnée hier par le Ministre des Finances, le Directeur des Affaires Criminelles au Ministère français de la Justice, M. Picot, s’est exprimé comme suit dans un entretien avec M. Lardy:
«Vous avez lu les bruits de mesures collectives qui seraient projetées par diverses puissances contre la Suisse à raison de l’asile qu’on accorde dans Votre pays aux réfugiés socialistes. Nous nous préoccupons de ces bruits, dans une certaine mesure; nous craignons qu’on ne commence par la Suisse, pour venir ensuite s’en prendre à la France; nous avons, il est vrai, notre loi sur ou plutôt contre l’Internationale; mais cette loi n’augmente pas les compétences du pouvoir administratif et s’en remet à l’action des tribunaux. Nous craignons que, dans divers Pays, et notamment à Berlin, on ne vienne un beau jour nous dire que l’ordre matériel est, il est vrai, sauvegardé en France, mais que la forme républicaine du Gouvernement est un encouragement donné à la démocratie-socialiste, et qu’il conviendrait, de la part de la France, de donner aux Etats monarchistes /de/ certaines garanties législatives.»
M. Picot a lieu de croire qu’aucun Ambassadeur étranger n’a encore entretenu officiellement M. Waddington de la question, mais le Gouvernement français croit savoir que, dans deux ou trois Ambassades étrangères, le bruit de démarches futures conçues dans cet esprit est sérieusement accrédité, mais que ces Ambassades attendent les élections du 5 Janvier avant d’agir. Il a terminé en disant qu’il serait heureux de savoir, à l’occasion, la nature des démarches qui pourraient être tentées auprès de la Suisse par d’autres puissances, parce que, a-t-il répété, «nous craignons ici que notre tour ne vienne si on commence une fois cette campagne.»
M. Picot est un ancien Président de Chambre au Tribunal de la Seine; il est gendre du Cte de Montalivet, ancien Ministre de Louis Philippe, et il a montré, comme son beau père, une grande fermeté contre la tentative réactionnaire du 16 Mai. M. Dufaure a attiré à lui ce magistrat éclairé, déjà très connu par son «Histoire des Parlements avant 1789», pour le mettre à la tête de tout le service de la justice criminelle en France. Cette grande situation de M. Picot donne un certain poids à ses paroles, ce qui m’engage à Vous les transmettre à titre de renseignement et en raison de l’initiative qu’il a prise.