dodis.ch/42010 Der schweizerische Legationsrat in Paris, Ch. Lardy, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departements, P. Cérésole
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Confidentiel Paris, 13 décembre 1873
A l’occasion de la réception de M. le Ministre des Affaires Etrangères, j’ai eu hier un assez long entretien avec le Chargé d’affaires d’Italie, M. Ressmann, et j’ai l’honneur de Vous en transmettre le résumé.
M. Ressmann, qui est à Paris depuis une dizaine d’années & dont les capacités sont généralement estimées très haut par ses collègues, connaît depuis longtemps M. de Chaudordy. Il a été surtout en relations avec lui sous M. Drouyn de Lhuys et à Tours. Dans son opinion, le choix de M. de Chaudordy pour le poste de Berne est «détestable». M. de Chaudordy est selon lui, la personnification de la duplicité. Il cherche, non pas à atténuer les conflits, mais à les aggraver. Ne négligeant pas les petits moyens, il est allé à Tours jusqu’à faire surveiller M. Nigra dans son salon, et à faire ensuite au Ministre d’Italie, à l’occasion d’une audience officielle, des reproches sur ce qui s’était dit dans ce salon. Il a dû faire des excuses pour cette conduite. Sans convictions politiques ni religieuses, il pourra être très clérical si son intérêt lui paraît l’exiger. En un mot, dit M. Ressmann: «C’est un chien qui mange à tous les tas d’ordures».
M. Nigra rentrera à Paris à la fin de la semaine. Il avait lui-même exprimé le désir de changer de poste. Attaqué continuellement par certains journaux italiens d’un caractère assez morose, il avait été vivement impressionné par la publication de certains documents par le général La Marmora. C’est donc à regret et «probablement pour peu de temps» qu’il revient à Paris.
En ce qui concerne l’encyclique, M. Ressmann m’a dit que très probablement son gouvernement fermerait les oreilles, comme il l’a déjà fait tant de fois à l’occasion de publications analogues du St. Siège. Pour nous, M. Ressmann reconnaît que la position est peut-être différente. Il ajoute toutefois qu’avec un caractère comme celui de M. de Chaudordy, on peut avoir des craintes sérieuses du côté de la France. Dans sa conviction, il ne s’écoulera pas longtemps avant que la Suisse ne fasse des observations au sujet de l’attitude personnelle de cet ambassadeur ou avant que M. Decazes lui-même ne soit obligé de l’engager à atténuer sa ligne de conduite. M. Ressmann a ajouté: «Cela ne pourra pas aller plus loin que cela. Ecoutez moi bien: si la France voulait aller plus loin, je Vous déclare qu’elle se trouverait, non pas en présence d’un adversaire, mais de trois».
J’ai tenu à Vous répéter textuellement ces paroles, dites sur un ton très significatif, & qui méritent d’être rapprochées des termes dont M. d’Arnim s’est servi envers M. le Ministre Kern le 1er mai dernier: «Je ne doute pas que si la France avait la velléité d’intervenir dans un pays étranger quelconque en faveur de l’ultramontanisme, l’Allemagne ne resterait pas indifférente».2
La différence de nuance entre les paroles de M. Ressmann et du Comte Arnim peut s’expliquer par le voyage du Roi Victor Emmanuel à Berlin et servir à établir les résultats de ce voyage.
Il va sans dire que je n’ai pas abordé avec M. Decazes la question de l’Encyclique et de la remise des passeports au Chargé d’affaires pontifical en Suisse, dont les journaux de Paris avaient déjà parlé hier matin. M. Decazes n’y a fait aucune allusion. Je l’ai entretenu de l’affaire des passeports, sur laquelle Vous recevrez un rapport spécial.
Quant à l’époque de l’arrivée de M. de Chaudordy à Berne, M. Decazes m’a dit que, malgré tout le désir du nouvel Ambassadeur d’entrer en relations personnelles avec Vous, il n’était pas encore certain de pouvoir être à Berne avant le 1er janvier.