J’ai reçu votre dépêche du 23 Mars2, ainsi que les deux exemplaires du mémoire du Comité du Splügen avec projet et devis pour la construction d’un chemin de fer entre Coire et Riva di Chiavenna, avec l’invitation de faire parvenir ces deux exemplaires au Gouvernement italien.
Vous avez dû recevoir, en attendant, ma dépêche du 223 vous relatant que le Ministre des travaux publics m’avait montré les six exemplaires que lui avait envoyé le Comité du Splügen siégeant à Coire, ainsi que la demande de prendre le projet en sérieuse considération. Vous avez aussi dû recevoir l’exemplaire que j’ai demandé au Ministre dans le but explicite de vous l’envoyer.
Dans cet état de choses, je n’ai pas cru devoir communiquer au Gouvt. Italien ce que lui-même vous faisait connaître indirectement par mon intermédiaire.
Mais il y a une raison plus grave. Il ne s’agit plus de choisir un passage: à l’heure qu’il est, le choix est fait. S’il est regrettable que la Suisse n’en ait pas pris l’initiative, elle l’a sanctionné après coup par la convention du 15 Octobre et par l’intérêt qu’y a pris un si grand nombre de cantons.
Le Conseil fédéral m’a, par ses missives, montré le plus grand intérêt à la réussite. J’ai en conséquence agi dans le sens de la ratification du traité et j’ai appuyé les démarches de M. le Dr Gonzenbach4, Délégué du Comité du St-Gothard. Présenter à ce moment le projet du Splügen, c’est évincer le projet du St-Gothard, c’est aider à faire rejeter la convention du 15 Octobre.
Ceci est si vrai que le Ministre des Affaires étrangères m’a lui-même raconté une communication du Chancelier de la Confédération du Nord à sa Légation en Italie, dans laquelle il se plaignait de voir le nom de M. Visconti-Venosta, qu’il croyait celui du Ministre, figurer dans le Comité pour le Splügen.
Que dirait le Ministre, après cette conversation, s’il me voyait arriver avec un projet qui, il n’y a pas à se faire illusion, ne peut être agréé qu’en supplantant le St-Gothard?
Il est certain que ce serait, sinon supprimer la convention du 15 Octobre, y aider puissamment.
Un temps viendra peut-être, soit que le St-Gothard fût assuré, soit qu’il fût définitivement rejeté, où l’on pourra recommander un autre passage sans se contredire, mais pour le moment je ne vois nullement comment la Suisse pourrait le faire sans nuire à ses intérêts et à sa dignité.
La situation est tellement dessinée, qu’il m’est impossible de m’abstenir de vous la signaler sans manquer à mes devoirs envers Vous et envers mon Pays.
Veuillez, je vous prie, prendre en considération ces remarques et me donner connaissance de vos délibérations ultérieures.
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DDS
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