Classement thématique série 1848–1945:
V. ÉMIGRATION
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 409
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Old classification | CH-BAR FF, 1860 III, pp. 241–292 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#2103* | |
Dossier title | Mission von J.J. von Tschudi als ausserordentlicher Gesandter nach Brasilien zur Verbesserung des Loses der Schweizer Kolonisten (1860–1860) | |
File reference archive | D.423.02 |
Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Old classification | CH-BAR BBl, 1860 III, S. 259–308 |
dodis.ch/41408
I. Les causes pourquoi le système moitressier ne pouvait pas en général être couronné d’un heureux succès sont les suivantes:
1. Les avances obtenues par les colons, surtout l’argent avancé sous forme de prêts par les communes pour couvrir les frais de voyage.
Je ne sais pas au juste qui le premier a eu la malheureuse idée de faire de pareilles avances aux émigrants. Cette mesure a eu pour les colons les suites les plus funestes, surtout de la manière dont elle a été exécutée par plusieurs communes de la Suisse. Il est stipulé dans les contrats une garantie solidaire en partie en faveur des avances faites par les communes, en partie pour celles qu’a faites la maison Vergueiro et Comp. Ainsi donc des enfants mineurs sont rendus solidaires de dettes contractées par leurs parents, de dettes qui devront être acquittées au moyen du travail personnel. Quand p. ex. un enfant mineur a reçu de sa commune une avance ascendant à 194 francs, il n’est pas garant de cette somme seulement, mais pour autant de fois 194 francs qu’aura reçu chacun de ses frères et sœurs en bas-âge, et pour autant de fois 280 francs que chacun de ses frères et sœurs nubiles, que son père et sa mère ont reçus.
Lors même qu’il est admis en droit civil qu’un tuteur, soit le père, comme tuteur naturel de ses enfants, peut contracter des dettes pour son pupille, la loi n’a pu comprendre par là autre chose sinon que cette obligation ne s’étend qu’aux dettes faites dans l’intérêt du pupille, respectivement de ses enfants, mais non que ce pupille puisse, durant sa minorité, être rendu solidaire de dettes contractées pour d’autres. C’est en se fondant sur cette solidarité que plusieurs Fazendeiros ont rendu les orphelins responsables des dettes de leurs défunts parents, et ils les auraient ainsi plongés pour une longue suite d’années dans une position très pénible, si je n’avais pas eu soin que des tuteurs leur fussent donnés, par l’organe desquels ils puissent recourir au bénéfice de la loi qui les autorise à résigner la succession.
Mais les communes sont encore allées plus loin. Pour se débarrasser d’individus incapables, elles les ont adjoints on répartis à d’autres familles, et bien que les contrats de traversée stipulent expressément que les malades, les aveugles, les muets, les imbéciles, les personnes âgées de plus de 60 ans ne seront point admis, les communes n’en ont pas moins expédié des vieillards, des infirmes, des muets, des imbéciles, des aveugles et des estropiés. Elles ont également rendu solidaires des dettes contractées, des individus assistés du fonds des pauvres, d’autres dont on ne pouvait supposer aucune capacité d’action, qui, par conséquent, n’étaient pas citoyens actifs, étaient inhabiles à contracter, même elles les ont en plus d’un cas fait signer les contrats.
C’est de ce procédé condamnable qu’a surgi pour un grand nombre de familles une misère qui n’a pas de nom. Les personnes adjointes, qui pour la plupart étaient déjà dans leur patrie des êtres entièrement incapables, si elles étaient jeunes, prenaient d’ordinaire la fuite, ou ne travaillaient absolument point, d’autres sont mortes et d’autres encore traînent une vie languissante et se meurent lentement. Les dettes de tous ces gens-là pèsent pour la plupart sur des familles déjà écrasées du poids de leurs propres dettes.
Dans d’autres cas, c’est la famille toute entière qui est éteinte et sa dette considérable oppresse un malheureux qu’on lui avait adjoint. Ce n’est que quand on s’est convaincu par ses propres yeux, qu’on a approfondi ce système d’adjonction que l’on reconnaît la manière révoltante avec laquelle on y a procédé et comme il rend impossible pour une longue série d’années à un grand nombre de familles tout moyen de prospérer.
Plusieurs communes des Cantons d’Unterwalden, de Glaris, des Grisons et d’Argovie se sont distinguées dans cette voie d’une manière déplorable. L’histoire de la civilisation n’a certes que peu d’exemples à citer que des préposés de communes se soient conduits envers leurs concitoyens d’une manière aussi dénaturée, aussi indigne. En bien des cas les avances n’ont été faites aux émigrants qu’à la condition qu’ils emmèneraient avec eux des individus qu’on leur adjoindrait. Un Unterwaldois m’a protesté qu’on ne lui avait laissé d’autre alternative que d’emmener une adjointe ou d’aller à la maison de force. Un autre colon m’a dit qu’il n’avait appris qu’après son embarquement, quand on lui remit son contrat qu’il avait une adjointe; on promit à un autre que l’on donnerait à ses vieux parents, incapables de travail, des contrats particuliers, et néanmoins ils furent compris dans le sien. Pour ne pas entretenir à la maison du fonds des pauvres des vieillards qui n’avaient plus que quelques années à vivre, on les a exposés à un voyage lointain par mer, à un voyage par terre extrêmement pénible et aux influences d’un climat auquel ils n’étaient point accoutumés; on a expédié avec des avances des gens à moitié aveugles et dont on pouvait prévoir la cécité absolue, on a adjoint des individus complètement aveugles, on a expatrié une veuve âgée avec un fils muet et des petits-enfants mineurs; bref on a commis une multitude d’actions qui insultent à toute justice, à toute équité et qui peuvent à bon droit servir de pendant à la traite des noirs; aussi les plaintes des colons se répandent-elles bien plus amèrement contre leurs communes d’origine que contre l’état des choses brésilien.
Les propriétaires qui, par le canal de la maison d’immigration Vergueiro et Cie ont reçu des colons, ont été trompés par les communes qui leur ont envoyé des individus tellement incapables. Ils ont dû débourser de fortes sommes pour des personnes dont ils ne sauraient jamais attendre le moindre travail personnel, ni par conséquent le remboursement de leurs avances. On a p. ex. envoyé outre mer des valétudinaires et des ivrognes pour lesquels le Fazendeiro a dû payer 4–5000 francs de frais. Dans les premières années ces individus ont considérablement augmenté leurs dettes par la délivrance des vivres qui leur a été faite, et ils n’ont même jamais travaillé de manière à couvrir les intérêts du capital. Les enfants capables de travail qu’ils ont emmenés avec eux s’en sont enfuis, et le propriétaire perdra par le décès de ces gens-là la totalité de ses avances. Il y a quelques Fazendeiros qui ont perdu de cette sorte passé 15 000 francs.
Plusieurs propriétaires m’ont dit franchement: «Le Gouvernement de la Suisse fait procéder à des enquêtes dans nos colonies pour savoir si nous remplissons ponctuellement les clauses de nos contrats, et nous allons au-devant de tout ce qui peut faciliter ces enquêtes, mais, de notre côté, nous avons aussi le droit de réclamer contre les communes suisses, parce que par l’envoi de la partie la plus infirme de leurs ressortissants, elles nous ont leurrés. D’autres disaient d’un air goguenard que certaines communes devaient avoir à présent bien belle apparence, attendu qu’elles s’étaient nettoyées par l’envoi de leurs rebuts.
Votre Excellence comprendra facilement que de telles observations, qui trop souvent, par malheur, sont fondées sur la vérité contribuaient à rendre ma mission qui déjà est bien assez difficile, encore plus amère.
Les communes intéressées peuvent encore à présent remédier en quelque sorte au tort qu’elles ont eu, en abandonnant aux colons une partie de la dette qu’ils ont contractée envers elles. Ce rabais à l’époque de la liquidation de la dette avec la maison Vergueiro et Cie qui a avancé comptant cet argent, serait restitué aux propriétaires et par eux, il en serait tenu comptes aux colons respectifs. Par là nos compatriotes reprendraient courage et en peu de temps il leur serait possible de se libérer du poids accablant de leurs dettes.
J’ai communiqué à cet effet aux gouvernements cantonaux intéressés les indications détaillées nécessaires et les ai priés, au nom des colons ressortissants des dits Cantons, d’intercéder auprès des communes aux fins d’en obtenir ce rabais. Au nom des colons j’adresse aussi au haut Conseil fédéral la prière de vouloir bien s’entremettre en leur faveur en appuyant vigoureusement leur demande. Les colons ont mis leur dernière espérance en mon voyage et en mon rapport; ils savent que si cette fois aucun secours ne leur arrive, ils n’auront plus jamais rien à espérer.
Puisse leur espérance ne pas être déçue!
La meilleure preuve que tant de colons ne sont si fort endettés que parce qu’ils ont reçu des avances de leur commune d’origine, c’est que presque tous ceux qui n’en ont point obtenu se sont déjà libérés depuis une couple d’années. Tous ceux qui travaillent aux routes, qui ont fait la traversée au moyen d’avances du gouvernement impérial et ceux-ci à qui, pour des circonstances particulières, on a relâché une partie de leurs dettes, possèdent à présent sans exception aucune un petit pécule; plusieurs d’entre eux se sont même déjà acquis une jolie fortune, car dans la province de Sao Paulo tout homme laborieux et rangé, qui n’y arrive pas trop chargé de dettes trouve à gagner de l’argent et à faire fortune.3
- 1
- Dans sa séance du 15 novembre 1859, le Conseil fédéral décide, sur proposition du Département de l’Intérieur du 6 octobre (E 2/2102), d’envoyer au Brésil une mission chargée d’étudier les conditions des émigrants suisses (PVCF E 1004 1/39, No 4786), et désigne pour l’accomplir Johann Jakob von Tschudi (PVCF séance du 18 novembre 1859, E 1004 1/39, no 4845).↩
- 2
- (Extrait): CH-BAR#E2#1000/44#2103*.↩
- 3
- Publié dans FF 1860 III, p. 253–256. L’original de ce rapport, en allemand, ainsi que les autres rapports de Tschudise trouvent À E 2/2103 et 2] 04. Ses rapports au Ministre des Affaires étrangères du Brésil, J. L. V. Casaçao de Sinimbu, du 9 novembre 1860 et au Conseil fédéral, du 20 décembre 1860 sont publiés dans FF 1860 III, p. 276–292 et¥¥ 1861 I, p. 137–161.↩