Classement thématique série 1848–1945:
IV. NEUTRALITÉ
Pubblicato in
Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 1, doc. 336
volume linkBern 1990
Dettagli… |▼▶Collocazione
Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#J1.46#1000/1405#8* | |
Vecchia segnatura | CH-BAR J 1.46(-)1000/140 2 | |
Titolo dossier | Missions au Tessin: occupation du Tessin en vue de protéger la frontière suisse et de surveiller l'entrée de réfugiés suite aux combats entre Franco-Piémontais et Autrichiens (1859–1859) | |
Riferimento archivio | 2 |
dodis.ch/41335 Le Lieutenant-colonel E. Burnand, à C. F orner od, Conseiller fédéral1
La bienveillance que vous m’avez témoignée à plusieurs reprises, notre communauté d’origine, mon désir de parler des affaires actuelles à un membre éclairé de la haute administration fédérale, ce que je vois ici, ce que je prévois surtout... tout m’enhardit à faire auprès de vous une démarche qui n’a rien d’officiel, qui est toute spontanée et franche. Les mesures ordonnées par le Conseil fédéral dans le canton du Tessin tuent non seulement l’armée chargée de les exécuter, mais le prestige naissant du pouvoir fédéral dans ce canton. Tout ce qui est fédéral est mal vu. En témoignant trop de méfiance aux Tessinois, on a détruit l’ouvrage de dix ans. Le colonel Bontems, nous tous, étions attendus ici avec impatience, on avait tout préparé pour nous recevoir bien, en militaires; aujourd’hui, nous ne sommes que des gendarmes, des agents de police. Nous blessons par l’exécution de mesures trop sévères les sentiments d’honneur et d’hospitalité du peuple tessinois; nous restons isolés; le vide se fait autour de nous, lorsque nous paraissons dans un lieu public quelconque; les conversations s’éteignent, nous sommes des mouchards! Est-ce là une position tenable pour des officiers? Aussi, je puis bien vous le dire, le dégoût, le découragement sont prêts à se faire jour. La discipline seule nous empêche de raisonner; nous nous contentons de maronner.
Quelle est la position qui sera faite à la Suisse? Jusqu’ici, toutes les mesures prises l’ont été uniquement en faveur de l’Autriche, et non point d’une neutralité qui sait tenir la balance égale entre les deux partis. Voulez-vous un exemple, Monsieur? On a séquestré les vapeurs sardes; c’est bien; on leur a enlevé leur combustible, leur pavillon...amen; on a même enlevé les pièces importantes de leurs machines; c’est trop. Ces pièces ont été déposées dans la chambre du commandant de place de Mogadino. Cela suffisait. Eh bien, le Conseil fédéral ordonne l’internement de ces pièces. On les envoie à Bellinzone!
Arrive un orage sur le lac, les bateaux ne peuvent tenir à l’ancrage; ils doivent prendre le large. Ils ne le pourront plus maintenant; ils seront peut-être perdus! Mais c’est ridicule ces mesures. Elles abaissent l’autorité qui les ordonne, celle qui les exécute.
Autre exemple: Varese est repris par les Autrichiens, canonné; des familles entières se réfugient sur notre libre sol, qui pour un jour, qui pour deux ou trois; on doit les interner ces pauvres gens timorés, privés de tout secours; on veut les éloigner de leurs soutiens, des moyens de rentrer chez eux.
Vous ne savez pas, Monsieur, combien la population est exaspérée de ces mesures, combien la troupe est honteuse de devoir les exécuter.
Nos troupes font la police, fouillent des auberges, tandis qu’on se bat à la frontière. Quel métier pour de braves soldats.
J’ai tort, peut-être, de parler ainsi à un membre du Conseil fédéral, mais je n’hésite pas à le faire, parce que je sens que c’est pour moi un devoir envers mon pays, parce que je vous connais, Monsieur.
Envoyez quelqu’un sur les lieux, faites sonder l’opinion, mais, de grâce, adoucissez vos mesures, de manière à ramener à vous et à nous une population maintenant ennemie. Je le sais, les Tessinois ont souvent donné des sujets de mécontentement, mais, au fond, il font tous leurs efforts pour être suisses. Ne les repoussons pas. Je puis vous le dire: les troupes tessinoises font parfaitement leur service; nous pouvons compter sur elles; lions-les à nous, en comprenant la position exceptionnelle de leur pays, si souvent froissé par l’Autriche et même la Suisse. Gardons pour nous ce pays si beau, ce peuple si intelligent, et ne lui donnons pas de motifs pour se détacher de nous et passer à l’Italie.
Vraiment, Monsieur, je ne sais comment j’ose vous dire tout cela; excusez l’expansion à laquelle je me laisse aller. Faites ce que vous pourrez pour modifier les mesures ordonnées, pour replacer dans une position honorable le vénérable chef qui nous commande, les officiers et l’armée.
Si je suis allé trop loin, dites-le moi franchement. Permettez-moi de croire que vous comprendrez le motif qui dicte cette lettre; permettez-moi d’espérer que vous voudrez bien me répondre un mot.
- 1
- Lettre: J. I. 46/1.↩
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