Sprache: Französisch
5.4.1859 (Dienstag)
Le Consul de Suisse à Para, L. Brélaz, au Conseil fédéral
Schreiben (L)
Dénonce les conditions faites aux émigrants suisses au Brésil.

Classement thématique série 1848–1945:
V. ÉMIGRATION
Zitierempfehlung: Kopieren

Abgedruckt in

Jean-Charles Biaudet et al. (Hg.)

Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 1, Dok. 329

volume link

Bern 1990

Mehr… |
Zitierempfehlung: Kopieren
Cover of DDS, 1

Aufbewahrungsort

dodis.ch/41328
Le Consul de Suisse à Para, L. Brélaz, au Conseil fédéral1

[...]

En juillet de la même année s’est présenté à ce consulat porteur d’un passeport No 4297, délivré à Berne le 25 avril 1858 par la direction de la police centrale, et revêtu du sceau de la Chancellerie fédérale No 1264, pour aller an France, en Angleterre et au Brésil, pour affaires de commerce, Joseph Aloys Alexandre Favrot, originaire de Porrentruy au canton de Berne, négociant demeurant en Angleterre.

Monsieur Favrot se trouve employé depuis son arrivée dans ce pays comme directeur d’une briquetterie appartenant à Monsieur Jean Auguste Corrève, riche propriétaire aux environs de cette ville, et qui a déjà fait deux voyages en Suisse, pour y contracter l’engagement de colons ou plutôt ouvriers pour cette province, aidé à cette fin du gouvernement provincial par des sommes assez considérables. A son retour ici, Monsieur Corrève me dit qu’il avait effectivement engagé une soixantaine de nos compatriotes, dont le départ avait été différé par suite des craintes que l’on avait encore sur la réapparition de la fièvre jaune au Para. J’ai éprouvé une vraie satisfaction, en apprenant que Monsieur Corrève n’avait pas réussi dans cette spéculation, et en pensant que c’est à votre sollicitude, Messieurs, que tant de malheureux sont redevables d’avoir échappé au triste sort qui les attendait, s’ils se fussent laissés séduire à quitter leur pays pour venir dans celui-ci. Je suis intimément convaincu que ceux qui échapperaient aux influences d’un climat, d’un genre d’alimentation et d’habitudes si différentes de celles de leur patrie, ne pourraient mener qu’une existence bien triste et misérable dans les terrains marécageux et malsains, comme le sont ceux où se trouvent situés les établissements de Monsieur Corrève; et que ne pouvant enfin, par trop de souffrances à supporter, rester fidèles à leurs engagements, ils se verraient traduits par devant les tribunaux du pays, dont la justice sait toujours arranger les choses en faveur des puissants et riches contre les étrangers et surtout lorsqu’ils sont pauvres. Je dois, Messieurs, vous signaler encore un autre spéculateur brésilien très entreprenant, Monsieur José do O d’Almeida, qui vient d’obtenir du gouvernement, ainsi que Monsieur Corrève, de fortes sommes à titre d’emprunt, et toutes sortes de facilités pour importer des colons, qu’il a l’intention, à ce que j’ai entendu dire, d’aller lui-même recruter en Suisse. A tout ce que je vous ai exposé au sujet de Monsieur Corrève, il faut ajouter que l’entreprise de Monsieur do O est encore plus à craindre, car il possède un talent extraordinaire pour convaincre et persuader au-dehors que sa propriété est un El-dorado, et, à en juger par les statuts et règlements qui doivent être observés dans son établissement, à voir le tableau merveilleux qu’il fait de la localité et de la production immense qu’elle peut rapporter, un grand nombre de personnes pourraient se laisser séduire, comme cela est déjà arrivé à plusieurs familles venues du Céara et d’autres endroits depuis quelques années, et dont il ne reste presque plus de traces aujourd’hui, quelques-unes ayant été détruites par maladies et d’autres ayant rescindé leur contrat.

Il y a quelques jours, je visitai moi-même l’emplacement où est située l’habitation de Monsieur do O; elle se trouvait presque entièrement submergée et les plantations aux environs inondées par les eaux des hautes marées. J’en suis revenu avec un si profond sentiment de tristesse et d’effroi à la pensée que ce pourrait être là le tombeau de plusieurs de mes pauvres compatriotes, que je me suis promis de faire tous mes efforts pour les en écarter. Je crois, Messieurs, qu’en entrant dans ces détails, je remplis un des rigoureux devoirs de la charge que vous m’avez confiée, car en portant à la connaissance du Conseil fédéral les dangers et préjudices auxquels peuvent être exposés des citoyens suisses qui viendraient dans ce pays, c’est sauvegarder leurs intérêts, puisque votre constante sollicitude veillera aux meilleures mesures à prendre pour les détourner du précipice où ils pourraient tomber. Pour entrer dans de plus minutieux détails, j’attendrai, Messieurs, d’y être invité par vous, et laissant de côté toute autre considération que celle d’être utile à mon pays et à mes concitoyens, je m’empresserai de vous les fournir, ne doutant pas que vous me tiendrez à l’abri de la rancune ou ressentiment de ce gouvernement et des individus dont les entreprises pourront être contrariées en conséquence de mes renseignements.

L’abolition du trafic des esclaves dans cet empire rend chaque fois plus sensible le manque de bras pour l’agriculture et autres branches d’industrie et la nécessité de s’en procurer en attrayant Immigration de l’étranger, rend selon moi le gouvernement provincial trop facile à aider, par des avances d’argent ou prêts considérables, des spéculateurs qui, dans leur intérêt particulier, se compromettent à présenter sur plan, dans un laps de temps déterminé, un certain nombre d’ouvriers, qui sous la dénomination de colons, ne sont au fait que des journaliers, employés par le spéculateur s’il a une entreprise à exploiter, ou distribués par lui à des propriétaires qui en ont besoin et qui paient les frais de voyage et autres dépenses.

Dans cette catégorie se trouve un armateur portugais établi sur cette place, dont les navires à chaque voyage de Lisbonne ou de Porto à ce port, transportent un certain nombre d’ouvriers ou manœuvres qui à leur arrivée sont distribués par lui, aux conditions sus-mentionnées à ceux qui en ont besoin. Cette spéculation lui a réussi, lui assurant par cette espèce de cargaison, un bon frêt à ses navires. Cependant le Gouvernement portugais, pour arrêter l’émigration met chaque fois plus de difficultés à la sortie de ces ouvriers du Portugal.

Il n’existe pas dans cette province, à ma connaissance, d’autres colons étrangers que ces ouvriers qui sont payés à la journée, à raison de 25’000 R. par mois, terme moyen, et qui, après avoir ramassé quelque petite somme, retournent dans leur pays. Quant à des familles ou individus étrangers, à qui le gouvernement ait accordé du terrain et qui le cultivent pour leur propre compte exclusivement, il n’y en a aucun; ceux que Monsieur do O et d’autres admettent dans leur propriété, sous diverses conditions plus ou moins onéreuses, ne pouvant être considérés comme tels, et la plupart de ces derniers ayant abandonné la concession qu’il leur avait donnée.

1
(Copie): E 2/2099. Concernant Immigration au Brésil, cf. lemessagedu Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale du 11 juillet 1859. Publié dans FF 1859 II, p. 198-214