Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.5. Question de Savoie
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 319
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2#1000/44#1629* | |
Old classification | CH-BAR E 2(-)1000/44 262 | |
Dossier title | Frage der Besetzung der Provinzen Chablais und Faucigny durch eidg. Truppen beim Übergang Savoyens an Frankreich [Turinervertrag vom 24.3.1860] (1859–1860) | |
File reference archive | B.137.1 |
dodis.ch/41318
On ne sait pas ce que l’avenir prépare et, d’un moment à l’autre, une guerre peut éclater entre nos voisins. Je prends donc la liberté de reporter votre attention sur la question du territoire de la Savoie neutralisée par les traités de 1815, question qui agite déjà les populations et qui se dresserait toute grande dans le cas possible et prévu par tout le monde. Veuillez relire le mémoire que j’ai eu l’honneur d’adresser sur ce sujet au Conseil fédéral le 1er mai 18542; il contient l’essentiel.
Plus j’y réfléchis et plus je vois que cette question est excessivement délicate et exige des explications préalables entre les parties intéressées, peut-être même entre tous les membres du corps diplomatique, pour bien savoir à quoi nous en tenir, le cas échéant, et quelles sont réellement les obligations auxquelles nous aurions à satisfaire.
Ce n’est pas une question de guerre entre la France et le Piémont qu’il y aurait aujourd’hui à examiner puisque ces deux puissances marcheraient probablement d’accord, mais celle d’un simple passage de troupes. Or, la ligne de neutralité, telle qu’elle a été définie par l’acte du 20 novembre 18153, coupe vers le lac du Bourget le chemin de fer nouvellement établi le long de ce lac entre Culoz et Chambéry, par Aix.
Nous serions donc exposés à engager une lutte avec notre puissant voisin chaque fois qu’une troupe se présenterait sur cette communication, car notre devoir serait toujours de nous opposer à tout passage d’hommes armés si notre neutralité s’étendait jusque là. Danger imminent et d’autant plus à redouter que Le Bourget est le point le plus éloigné de Genève, où serait probablement le quartier général de la Division chargée de faire respecter la neutralité de la Savoie. Et quel serait l’avantage pour la Suisse de mettre obstacle à un simple passage de troupes, qui s’effectuerait loin de nous et dans des vues qui ne nous seraient naturellement hostiles? Ne serait-ce pas, au contraire, attirer l’orage sur nos paisibles contrées? Ne verrait-on pas une agression dans ce qui ne serait de notre part, que l’accomplissement d’un devoir?
Il est donc de toute nécessité de restreindre l’étendue du territoire neutralisé, et de faire reconnaître par qui de droit, que nous ne sommes tenus à défendre que la partie qui convient à nos intérêts, s’il est vrai que les traités aient été faits pour nous et non pas contre nous.
En conséquence, je crois qu’il faudrait remplacer la ligne de neutralité assez mal définie et nullement naturelle que l’acte du 20 novembre 1815 fait passer par Ugine, Faverges, Lescheraines et le lac du Bourget, par une ligne beaucoup plus rapprochée de nous et tracée par le cours des Usses depuis le Rhône, le Viaison au pied du Salève, l’Arve et le Giffre jusqu’à notre frontière. Ce serait une ligne facile à reconnaître, qui ne donnerait lieu à aucune incertitude, à aucune fâcheuse méprise.4
Le territoire neutralisé ainsi restreint serait véritablement dans nos intérêts et serait pour sa défense mieux en proportion avec nos moyens. Il nous couvrirait d’ailleurs suffisamment et atteindrait aussi bien le but de nous assurer la rive gauche du lac que pourrait le faire un territoire plus étendu. On respectera autant et mieux le premier que le second car nous pourrions mieux le défendre quand il serait menacé; et que ne se trouvant pas sur le passage obligé des armées, il ne les gênera pas dans leurs mouvements.
Voilà, Monsieur le Colonel, les nouvelles réflexions que la question de la neutralité, si importante pour nous m’a suggérées, et que je soumets à votre appréciation.5
- 1
- Lettre: E 2/1629.↩
- 2
- Probablement sa lettre à U. Ochsenbein du 24 avril 1854 (E 2/1628).↩
- 3
- Martens, NR II, p. 682.↩
- 4
- Note de Frey-Hérosé: Laisserait Chamonix de côté. L’accès libre au col de Balme, Tête noire? Ligne?... Depuis le Valais sur la crête de la chaîne du Mont-Blanc par le Géant, le Mont-Blanc, col de la Seigne, au col du Bonhomme, de là à la crête de la montagne entre les Praz puis à Ugine, Faverges, au lac d’Annecy en suivant son bord oriental jusqu’à Annecy et en suivant de là le cours du Fier au Rhône.↩
- 5
- Le 23 février 1859, Dufour adresse une seconde lettre à Frey-Hérosé, en guise de post-scriptum à celle du 21, dans laquelle il écrit: Si l’on ne pouvait pas modifier le texte des traités de 1815 aussi profondément que je l’indique, au moins pourrait-on arrêter la ligne de neutralité à Lescheraines, en la prenant jusque là telle qu’elle est indiquée dans l’acte du 20 novembre; mais au lieu de la continuer jusqu’au lac du Bourget, suivre le Chéran et le Fier jusqu’au Rhône. Elle passerait par Alby et Rumilly laissant ces deux bourgs en-dehors de la neutralité, ainsi que le village de Lescheraines qui est sur la rive gauche du Chéran, et elle dégagerait le chemin de fer qui relie Chambéry à Lyon par Aix et Culoz. Ce serait rester en plein dans l’esprit du traité, tout en écartant un danger évident aujourd’hui, mais qui ne pouvait pas même être soupçonné à l’époque de la signature des traités. On aurait en même temps ainsi une ligne mieux définie et mieux tracée. (Non reproduite).↩
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