Language: French
2.12.1857 (Wednesday)
Le Conseil fédéral au Ministre des Affaires étrangères du Brésil, d’Olinda
Letter (L)
Intervention pour libérer les colons suisses des contrats qui les lient à la Maison Vergueiro.

Classement thématique série 1848–1945:
V. ÉMIGRATION
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Printed in

Jean-Charles Biaudet et al. (ed.)

Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 292

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Bern 1990

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dodis.ch/41291
Le Conseil fédéral au Ministre des Affaires étrangères du Brésil, d’Olinda1

Quoique rémigration ne soit pas jusqu’à ce moment au nombre des objets qui relèvent directement de sa compétence, le pouvoir central de la Confédération suisse a été amené par la force des circonstances à s’en occuper à réitérées fois et depuis quelques temps surtout, il a dû y vouer une attention soutenue.

En effet, les proportions toujours plus larges que prend l’émigration, les dangers et les embûches auxquels les émigrants sont exposés depuis les premières démarches que font les agents pour les engager par des offres brillantes jusqu’à leur installation dans leur nouvelle patrie, où les plus imprudents se trouvent amèrement déçus et où les mieux avisés même trouvent ordinairement la désillusion, nous ont dicté quelques mesures de prévoyance et de précaution soit en Suisse soit aux ports d’embarquement et de débarquement. Les rapports qui s’établissent avec des pays étrangers par des colonies où les Suisses se constituent en groupes font naître des devoirs que nul autre que le pouvoir central ne pourrait remplir. C’est pourquoi nous avons suivi avec un intérêt toujours croissant les phases diverses de l’émigration au Brésil.

Si nous avons été émus au récit des souffrances de nos concitoyens, nous avons été consolés par la loyauté du Gouvernement de S.M. l’Empereur dont le dénouement des conflits d’Ubatuba est une preuve éclatante.

Lorsque de nouveaux conflits surgirent dans les colonies Vergueiro, le langage tenu par l’organe du gouvernement dans la séance du 22 juillet, au Sénat, nous rassura pleinement et nous attendîmes avec confiance l’issue des démarches faites par notre Consul général et surtout de sa note du 8 juin passé.2

Cependant plusieurs mois se sont écoulés et le résultat se fait encore attendre et les voix intéressées, nombreuses et puissantes retentissent dans les plus hauts dicastères et s’efforcent de couvrir le cri d’alarme poussé par des malheureux et de jeter le soupçon sur celle qui par devoir s’est fait entendre en leur faveur.

Sans être ébranlés dans la foi que nous avons au Gouvernement de l’Empereur nous ne pouvons persévérer dans un silence qui pourrait être mal interprété.

La note précitée de notre Consul général vous retrace d’une manière saisissante la position faite à de malheureux colons par suite de l’inexécution d’un contrat qui, exécuté à la lettre, mettait déjà tant de chances du côté du propriétaire. Il se peut, ce que nous ne savons pas, qu’il y ait quelque inexactitude sur quelque point de détail dans les relations qui ont été données, mais la vérité de l’ensemble et même des détails concluants est acquise depuis que les propriétaires et leurs défenseurs ont été entendus au tribunal de la publicité; 3,4 années de travail n’ont abouti qu’à augmenter de passé 100 mille francs des dettes qui à l’installation dans la colonie dépassaient déjà les 200 mille. Ce résultat en dit plus que tout autre raisonnement.

En vain objecterait-on qu’il y a parmi les colons des paresseux et des mauvais sujets. C’est possible, mais ce ne sera toujours que l’exception qui en tout pays accompagne la règle.

En vain aussi l’on citerait les intérêts dus aux communes suisses pour les sommes avancées, puisque sauf quelques colons bernois les autres colons ne doivent point d’intérêts.

Nous demandons en conséquence l’intervention puissante du Gouvernement de S. M. l’Empereur, afin que les colons suisses engagés par Messieurs Vergueiro et Cie soient délivrés de leur esclavage et transportés, si cela leur convient, sur des terres de l’Etat.

Nous avons dû nous persuader que tout autre pouvoir que celui de l’administration de l’Etat serait impuissant, car comment renvoyer au pouvoir judiciaire de pauvres individus qui n’ont aucun moyen de soutenir un procès, qui ne pourraient ni s’expliquer ni se défendre; qui trouveraient peut-être quelques fois leurs adversaires dans leurs juges, qui ne trouveraient nulle part un appui et qui, comme ils l’ont déjà éprouvé, ne retireraient d’autres conséquences de toutes leurs démarches si non d’empirer leur déplorable position? D’ailleurs comment le pouvoir judiciaire pourrait-il remédier aux vices inhérents au contrat? Comment pourrait-il rendre soutenable une position qui ne l’est plus?

Les cantons ont déjà dû prendre quelques mesures pour empêcher jusqu’à nouvel ordre l’émigration; il est probable qu’elles seront généralisées si un prompt remède n’intervient.

Nous avons pleine confiance que le Gouvernement de S. M. l’Empereur avisera, car nous avons confiance dans ses lumières, dans sa sagesse et dans son humanité.

1
Lettre (Copie): E 2200 Rio de Janeiro 83.
2
No 282.