Très confidentiel Paris, 15 avril 1856
L’accueil peu encourageant que M. de Manteuffel avait reçu dans ses ouvertures concernant Neuchâtel, prêtait à croire qu’il ne les hasarderait pas devant le Congrès;2 il a cependant commis cette maladresse qui, à mon sens, est aussi une inconséquence.
En offrant dans le protocole du 24 mai 18523 aux quatre puissances co-signataires le temps de se concerter sur l’opportunité et la forme des négociations à entamer, le Roi de Prusse s’est lié les mains, il ne devait d’ailleurs pas s’attendre que le rôle qu’il a joué avant et pendant la dernière guerre lui concilierait les sympathies de la majorité du Congrès; moins encore devait-il espérer recueillir lui seul un avantage territorial.
Quoi qu’il en soit, en ministre docile, M. de Manteuffel a formulé hier sa demande, en insistant pour que le traité de Vienne reçoive son application immédiate. Il a été appuyé mais assez faiblement par les Russes. Les représentants de la France et de l’Angleterre se sont très nettement opposés à ce que le Congrès s’occupât de cette affaire; ceux de la Turquie et de la Sardaigne ont abondé dans ce sens. La question se trouve ainsi indéfiniment ajournée.
De très bons arguments ont été déduits en faveur de la Suisse.
Tout ceci m’a été communiqué très confidentiellement.
Cette démarche du Roi de Prusse dans des circonstances aussi défavorables à ses intérêts, en laisse prévoir d’autres quand le moment sera plus propice, par exemple au mariage de son neveu avec la princesse royale d’Angleterre.4 Aussi faut-il déplorer qu’au lieu de serrer leurs rangs, les républicains de Neuchâtel fournissent aux royalistes, en se divisant, des chances d’arriver au pouvoir, et qu’ils exposent le pays à des collisions dont on ne manquerait pas de se faire une arme dangereuse.
Le Congrès aura encore une séance demain, probablement la dernière.
Quant à l’Italie, il n’y a que de vagues et lointaines espérances.
[PS chiffré]
Walewski a été très vif et s’est presque fâché. J’attribue ce changement favorable aux instructions de l’Empereur.
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DDS
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