Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.3. Réfugiés
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 136
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#J1.20#1000/1311#2* | |
Old classification | CH-BAR J 1.20(-)1000/1311 1 | |
Dossier title | Briefwechsel mit Barmann, schweizerischer Gesandter in Paris (1849–1855) |
dodis.ch/41135
Je viens vous rendre compte avec un peu plus de détails de l’entretien que je vous ai annoncé avoir eu hier avec le Prince-Président.2 J’ai commencé par l’entretenir de l’embranchement en chemin de fer jusqu’à Salins, comme étant dans l’intérêt de la Suisse et spécialement des cantons occidentaux. J’ai signé hier le traité, m’a-t-il dit, et je désire beaucoup que le chemin puisse être continué jusqu’à Mulhouse, avec le concours de la ville de Bâle.
Divers motifs m’engageaient à ne pas débuter par la politique.
Passant à la question des réfugiés, j’ai dit que la Suisse croyait avoir rempli loyalement et amplement tous ses devoirs internationaux et de bon voisinage. Le Président me répondit qu’on disait le Conseil fédéral mal disposé. Cette réflexion m’amena naturellement à lui rappeler toutes les mesures prises par le Conseil fédéral, depuis l’internement3 jusqu’à l’envoi de MM. Kern et Trog.4 C’est alors qu’il me témoigna sa satisfaction du choix de M. Kern, où il voyait une garantie de bonne exécution. Je lui dis que la désignation d’hommes aussi considérables témoignerait, autant que les autres mesures, des dispositions conciliantes du Conseil fédéral.
J’abordai ensuite le point le plus délicat, celui de la note du 24 janvier.5 Je lui expliquai d’une manière que me parut faire impression les exigences exagérées de cette note. Je ne la connais pas, me dit-il, j’en parlerai à Turgot. Je ne veux point attaquer l’indépendance de la Suisse ni l’humilier. Je suis Suisse. Je ne demande qu’à ce que les réfugiés dangereux soient éloignés de la Suisse, dans l’intérêt de la tranquillité de la France.
Je lui déclarai que le Gouvernement fédéral n’entendait protéger aucune menée, ni abriter aucun complot dirigés contre la France; qu’il l’avait prouvé par des faits et les dépenses notables supportées dans ce but; qu’il examinerait certainement avec le désir d’y faire droit, toutes les réclamations individuelles qui lui seraient présentées.
Il me répéta ne désirer autre chose que le renvoi des réfugiés dangereux pour la France.
Il me parla ensuite des juifs. Je lui dis que le traité ne leur était pas applicable et que, par égard à la demande du Ministre de France, il avait été sursis à l’exécution.
Et la question de Neuchâtel, reprit-il. La Prusse insiste avec force à ce sujet. Je répondis que c’était une prétention personnelle du Roi, que le ministère y portait peu d’intérêt, le pays encore moins; que la Suisse était heureuse de la disparition d’une anomalie qui permettait à la Prusse d’y intriguer à volonté; que la Suisse était fatiguée d’intervenir à Neuchâtel pour y soutenir le régime prussien; que c’était un fait accompli sur lequel elle ne pouvait revenir.
Malheureusement, répliqua-t-il, les traités de Vienne parlent de Neuchâtel. Je fis observer qu’ils parlaient aussi de Cracovie; j’aurais dû ajouter et de la Belgique.
Après quelques réflexions générales, je pris congé, non sans avoir insisté sur une réponse plus explicite, mais le Président me répondit qu’il voulait en parler à Turgot.
Je ne dois pas omettre d’ajouter que j’ai cherché à le mettre en garde contre les vues particulières que l’Autriche poursuit en Suisse. Les circonstances ont bien changé, me dit-il. Voyez en Italie, les libéraux sont bien les amis de la France, mais nous ne pouvons envisager comme tels les Mazziniens avec leur propagande.
Je déclinai toute comparaison avec ceux-ci, attendu que les Suisses, même les plus avancés, ne font point de propagande et ne cherchent que le maintien de la neutralité et de l’indépendance de la Suisse.
En somme, et quoique j’eusse désiré quelque chose de plus explicite, je suis satisfait, surtout du ton parfaitement calme et amical qui tranche avec d’autres entretiens dont j’ai eu à vous rendre compte.6
Ces sortes de conversations sont très délicates, vous savez qu’elles sont toutes confidentielles. J’ai cru qu’il y avait utilité à engager celle-ci et j’espère qu’elle aura, au moins, servi à dissiper d’injustes préventions sans entraver votre liberté d’action, ni compromettre aucun intérêt.7
- 1
- J.I.20.↩
- 2
- Cf. le rapport du 12 février 1852, non reproduit.↩
- 3
- Cf. No 50, note 6, et No 108, note 5.↩
- 4
- Cf. No 135, note 4.↩
- 5
- Cf. No 134, note l.↩
- 6
- Cf. No 135, .↩
- 7
- Cf. la note du Ministre de France à Berne, J. R. de Salignac-Fénelon, au Conseil fédéral du 6 mars 1852 (E 21/57, publiée Ê?aniRdG 1852, p. 22–26) et la réponse du Conseil fédéral du 27 mars iS52(E 21/57, publiée dans^àG 1852, p. 26–35). Dans son rapport de gestion de 1852, le Conseil fédéral écrit: «Après ces négociations, on apprendra à la grande tranquillité et satisfaction des deux Etats que pendant toute l’année la Légation de France ne se trouva pas dans le cas de formuler une seule demande d’expulsion ou d’internement de tel ou tel réfugié». (RdG 1852, p. 35).↩
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