Classement thématique série 1848–1945:
I. RELATIONS BILATÉRALES
I.9. France
I.9.3. Réfugiés
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 1, doc. 93
volume linkBern 1990
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2300#1000/716#689* | |
Old classification | CH-BAR E 2300(-)1000/716 326 | |
Dossier title | Paris, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 3 (1850–1850) |
dodis.ch/41092
J’ai communiqué ce matin à M. le Ministre des Affaires étrangères2 la réponse de M. Wanner aux vagues inculpations dont il est l’objet.3 Cette réponse très digne et les observations qu’il m’a été facile d’y joindre m’ont semblé faire impression sur le Ministre qui, je ne puis assez le répéter, est toujours disposé à accueillir les justifications. Il m’a dit qu’il les transmettrait à son collègue de l’Intérieur, en ajoutant cependant que, d’après le vieux proverbe, il n’y a pas de feu sans fumée.
M. Wanner parlait fort à propos dans sa lettre des luttes qu’il a à soutenir au sujet des émigrants, et à la demande du Ministre, je lui ai cité quelques exemples dont sa loyauté s’est révoltée.
Pendant cet entretien le Ministre recevait une dépêche télégraphique partie de Lyon depuis une heure environ et qui reproduit les mêmes griefs contre Genève: présence de nombreux réfugiés dans cette ville, agitation parmi eux, menées d’Ordinaire et autres réfugiés à Chancy pour agir sur la France et la Savoie. Le Ministre a ajouté qu’à cet égard les nouvelles étaient concordantes; qu’il y avait à Genève plus de cent réfugiés, etc.
J’ai répondu que le gouvernement de Genève n’avait connu la présence d’Ordinaire à Chancy que par son toast et qu’immédiatement il avait ordonné son expulsion, etc.; que les rapports étaient entâchés d’une évidente exagération; que s’il existait des réfugiés français à Genève, ils étaient en très petit nombre, sans importance et contre la volonté du Conseil fédéral; que le toast d’un réfugié inconnu, dans un petit village de la Suisse, était loin d’avoir l’importance de la reproduction simultanée dans tous les journaux ministériels, Pouvoir, Moniteur du soir, Patrie, Pays et Constitutionnel, d’un article d’un journal allemand recueilli avec complaisance par le Moniteur prussien; que le Gouvernement français se donnait ainsi l’apparence de chercher à provoquer contre la Suisse des mesures qui seraient pour lui-même un embarras.
Le Ministre a répliqué que M. Carteret, président du Grand Conseil, avait aussi parlé avec violence à Chancy contre le Gouvernement français; que d’après la dépêche télégraphique reçue à l’instant, Ordinaire et plusieurs autres réfugiés se trouvaient encore à Chancy; que Mazzini et Napoléon Chancel avaient été dans le canton tout dernièrement, que le Gouvernement français était souvent contrarié par les articles de journaux ministériels; que la question du droit d’asile pourrait bien se reproduire; que je devais me rappeler la démarche faite auprès de lui à ce sujet, il y a moins d’un an, par l’Autriche et la Prusse, pour réglementer le droit d’asile avec l’aide d’un cordon militaire; que cette mesure avait été écartée par l’attitude de la France4, toujours disposée à soutenir notre indépendance, mais que nous devions aussi nous prêter à éloigner tout sujet de plaintes; qu’il ne comprenait pas que Genève, surtout dans sa position de ville ouverte et frontière, agît avec aussi peu de mesure, etc.
A mon tour j’ai rappelé les arrêtés rendus par le Conseil fédéral; l’expulsion de tous les chefs allemands et ceux des Français qui avaient abusé de l’hospitalité helvétique; que rien n’établissait l’arrivée de Mazzini à Genève; qu’il aurait dû au reste, pour s’y rendre, traverser l’Allemagne ou la France; que Napoléon Chancel, véritable chevalier d’industrie, était sans influence, à tel point que dans son parti il était généralement considéré comme attaché à la police; que, quoiqu’il ait pris part ostensiblement à l’attentat du 15 mai, la police l’avait laissé libre à Paris jusqu’à la fin de juin.
En terminant le Ministre m’a assuré que tout ce qu’il me disait était dicté par le véritable intérêt qu’il porte à la Suisse, d’où la France désire éloigner toute complication.
Il est sûr que la question toujours pendante de Neuchâtel exige une grande circonspection. La Prusse verrait avec satisfaction que le refroidissement dégénérât en rupture. D’un autre côté, le prince de Schwarzenberg n’est rien moins que bienveillant et Radetzky a toujours les yeux sur Capolago et les autres parties du Tessin où il y a en permanence des réfugiés italiens marquants.
Vous trouverez, Messieurs, dans le Constitutionnel de ce matin, l’article du Moniteur prussien auquel j’ai fait allusion. Sa reproduction le même jour dans les seuls journaux ministériels trahit suffisamment son origine.[PS:
A ma demande s’il était vrai que Bade avait fait alliance avec l’Autriche et que Rastatt recevrait garnison autrichienne, le Ministre a répondu affirmativement.