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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 26, doc. 113
volume linkZürich/Locarno/Genève 2018
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E-01#1987/78#1354* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)-01/1987/78 371 | |
Dossier title | Beziehungen der Schweiz zu anderen Staaten: Band 1, 1.1.1973 - 31.12.1974; Band 2, 1.1. - 31.12.1975 (1973–1975) | |
File reference archive | B.15.21 • Additional component: Algerien |
dodis.ch/38991 BILAN
M. Bucher a établi récemment, sur ma demande, un tableau2 de toutes les affaires de quelque importance traitées par cette mission avec les autorités algériennes depuis le début de 1973, tableau comprenant une brève mention des démarches entreprises et du résultat.
Ce travail présente un double intérêt: – mieux que n’importe quels entretiens, quelles lectures, il a permis au
stagiaire qu’est M. Bucher d’acquérir une vue étendue sur tous les genres
de démarches qu’une ambassade peut être appelée à faire et sur les moyens
d’intervention utilisés; – il constitue un bilan d’un an et demi d’activité et permet de tirer des
conclusions intéressantes sur nos relations avec l’Algérie.
Sur les quelque soixante affaires d’une certaine importance que cette mission a eu à traiter avec les autorités algériennes pendant cette période, une trentaine environ sont encore en suspens; la majorité d’entre elles n’aboutiront probablement à rien, voire resteront sans la moindre réponse, ce qui est fréquent ici. Les trente affaires closes peuvent être classées en quatre catégories: 1. Démarches entreprises par l’Ambassade sur demande des autorités algériennes:
avec résultat positif: 6 affaires
sans résultat: 1 affaire 2. Initiatives prises par l’Ambassade dans l’intérêt des relations bilatérales:
avec résultat positif: 2 affaires (participation à la Foire d’Alger3 et boursiers
algériens pour le CIEA4)
sans résultat: 5 affaires (offre de films suisses, projet d’accord d’aide en cas
de catastrophe5, visite en Suisse du Ministre de l’industrie et de l’énergie6,
etc.) 3. Assistance humanitaire à l’Algérie:
4 cas d’aide alimentaire et d’aides matérielles à la suite de catastrophes
naturelles (sans parler des activités privées, de «Terredes Hommes»7 par
exemple) 4. Démarches entreprises par l’Ambassade pour la défense d’intérêts suisses:
avec résultat positif: 1 affaire
sans résultat: 9 cas de recouvrement de créances et 5 autres affaires
(contingent supplémentaire de vin, etc.)
On peut conclure de ce bref résumé – qu’une suite positive a été donnée à toutes les demandes d’intervention, à
une exception près, adressées à l’Ambassade par les autorités algériennes; – que la Suisse a pris plusieurs initiatives pour améliorer les relations, mais
que seules deux d’entre elles ont été favorablement accueillies; – que l’assistance humanitaire a été accordée, rapidement et sans aucune
réticence, chaque fois que les circonstances l’ont exigé; – que les démarches entreprises par l’Ambassade pour la défense d’intérêts
suisses se sont toutes heurtées, à une exception près, à une passivité, à un
silence systématique.
Il importe de souligner que ce bilan a été arrêté à la veille du jugement du Tribunal fédéral de juin-juillet 1974 dans l’affaire Khider8. Les autorités algériennes n’avaient donné aucune raison, avant ce jugement, de nous traiter de la sorte; si ce n’est cette animosité non déclarée qu’elles n’ont cessé d’entretenir à notre endroit, que j’ai souvent ressentie et qui remonte à l’époque où le contentieux entre les deux pays était le plus lourd9. L’Algérien – notre pays n’est pas le seul à l’avoir expérimenté – est peu oublieux des torts qu’il estime avoir subis.
Et pourtant, vous le savez, j’ai été abreuvé depuis mon arrivée à Alger10, par des ministres, secrétaires généraux, etc., de paroles extrêmement aimables, relevant tout ce que notre pays avait fait pour l’Algérie alors qu’elle luttait pour son indépendance, et soulignant que l’époque stérile des reproches réciproques était dépassée. À mon avis, si aucune de ces déclarations – dont certaines paraissaient témoigner d’une réelle bonne volonté – ne s’est traduite en actes, c’est essentiellement parce que, en tout haut lieu, (je pense avant tout au Président Boumedienne et à ses plus proches lieutenants, le Ministre des Affaires étrangères notamment11), il n’y a jamais eu de volonté politique bien arrêtée de renouer activement avec la Suisse, ou en tout cas d’intention assez clairement exprimée pour que les échelons inférieurs sachent dans quel sens agir et osent prendre des initiatives.
Ce bilan de nos relations avec les autorités algériennes de janvier 1973 à juin 1974 est si maigre qu’il ne pourra guère s’amenuiser encore à la suite du jugement du Tribunal fédéral. C’est tout au plus si le Gouvernement algérien aura maintenant une raison, qu’il ne manquera pas d’évoquer, de ne pas donner suites à nos démarches. Mais comme il n’y donnait pratiquement jamais suite auparavant…
Est-il raisonnable, dans de telles conditions, de maintenir à Alger une mission de ce gabarit?
Pour le moment, je le pense encore. Car, aux raisons que nous avions il y a deux ans d’entretenir une telle mission s’en sont ajoutées plusieurs, depuis octobre 1973, depuis la «guerre du pétrole»12: importance accrue du potentiel de l’Algérie, productrice d’énergies de haute qualité et d’accès aisé, mais également gros acheteur de biens d’équipement; accession de l’Algérie à l’avantscène arabe et à la tête du Tiers-Monde; intransigeance et arrogance accrues du Gouvernement algérien, qui augmentent singulièrement la «nuisance value» de ses actes vindicatifs.
J’ajoute que, de toute façon, il y a toujours eu et il y aura toujours pour cette mission, en dehors des affaires exigeant le concours des autorités algériennes, objets du présent bilan, bon nombre d’autres activités qui n’ont cessé d’être payantes et continueront à l’être. Ce sont notamment, à part l’observation politique qu’exigent les développements intervenus depuis octobre 1973, l’appui aux firmes suisses qui s’intéressent de plus en plus à l’Algérie nouvelle mais n’entendent pas s’y aventurer sans plus ample information; ou encore l’appui aux membres de la colonie, pour la plupart des techniciens qui contribuent par la qualité hautement appréciée de leur travail à maintenir l’image de notre pays. Il me paraît probable que nos relations avec l’Algérie, sur ces plans industriel, commercial ou d’apport de know-how, ne souffriront pas ou peu de la détérioration des relations politiques due au jugement du Tribunal fédéral. Pas plus, par exemple, que ce genre de relations n’ont souffert entre les Etats-Unis et l’Algérie, même à l’époque des attaques les plus violentes de la presse algérienne contre la politique américaine. Les Etats-Unis, connaissant le pragmatisme algérien, ont toujours su faire sur ces plans-là des «gestes» qui, sans confiner à une basse platitude, ont permis de maintenir un certain dialogue et faciliteront sans aucun doute, le moment venu, le rétablissement des relations diplomatiques13.
- 1
- Notice: CH-BAR#E2001E-01#1987/78#1354* (B.15.21). La notice a été transmise par E. Vallotton à P.-Y. Simonin qui la transmet à P. Graber.↩
- 2
- Non retrouvé. Sur les relations entre la Suisse et l’Algérie, cf. la notice de J.-J. Indermühle du 27 janvier 1975, dodis.ch/38998.↩
- 3
- Cf. doss. CH-BAR#E2200.73#1995/191#188* (551.55).↩
- 4
- Cf. doss. CH-BAR#E2005A#1985/101#877* (t.581-002) et CH-BAR#E2200.73#1995/191#224* (771.23).↩
- 5
- Cf. le PVCF No 1238 du 10 août 1973, dodis.ch/38578 et doss. CH-BAR#E2200.73#1995/191#234* (773.0).↩
- 7
- Cf. doss. CH-BAR#E2200.73#1995/191#231* (772.4).↩
- 8
- Sur les arrêts rendus les 14 juin et 1er juillet 1974 par le Tribunal fédéral dans l’affaire de la République algérienne démocratique et populaire contre la Banque commerciale arabe S. A. et Z. Mardam Bey, cf. doss. CH-BAR#E2001E-01#1987/78#259* (A.45.22.Uch). Cf. aussi la notice de P. Luciri du 9 avril 1975, dodis.ch/38999.↩
- 9
- Cf. la notice de M. Jaccard à W. Spühler du 2 avril 1969, dodis.ch/33984.↩
- 10
- Cf. le rapport de fin de mission de J.-D. Grandjean à P. Graber du 19 janvier 1973, doss. comme note 1.↩
- 11
- A. Bouteflika. Cf. le rapport de E. Vallotton à P. Graber du 8 août 1973, dodis.ch/38997.↩
- 12
- Sur la crise pétrolière, cf. DDS, vol. 26, doc. 49, dodis.ch/39686, note 4.↩
- 13
- Les États-Unis d’Amérique ont confié à la Suisse la protection de leurs intérêts en Algérie dès le 9 juin 1967, cf. la liste du Département politique du 1er janvier 1974, dodis.ch/34481. Cf. aussi doss. CH-BAR#E2200.73#1995/191#248* (822.0) et CH-BAR#E2200.73#1995/191#249* (822.0).↩
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