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Historique de l'affaire Interhandel selon une notice faite pour Petitpierre, [automne] 1945. E 7800/1/17.
Info Commission Indépendante d'Experts Suisse-Seconde Guerre Mondiale (CIE) (UEK)
Info UEK/CIE/ICE ( deutsch français italiano english):
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-> Dans la fourre  "Internationale Gesellschaft für Chemische Unternehmungen A.G. (IG -Chemie) i.s Sperrung deutschen Vermögenswerte, 1945", Document intitulé "Notice pour le Conseiller fédéral Petitpierre", non-daté [probablement octobre 1945], non-signé, porte la mention "FV."[ de Rahm], 9 pp (photocopies):

-> Sur la fonction d'IG Chemie à sa fondation:

"I.G. Chemie devait, dans l'idée de ses fondateurs, grouper certaines participations étrangères de I.G. Farben et surtout acquérir une influence prépondérante sur l'industrie chimique suisse. Ce dernier objectif n'a cependant pas été atteint, I.G. Farben n'ayant possédé des intérêts prépondérants  que dans la société Durand et Huguenin S.A. à Bâle dont elle céda la majorité des actions en 1939 au groupe Sandoz-Ciba-Geigy." (p. 1)

-> Extrait d'un rapport de l'Office suisse de compensation du 23.10.1939:
"... und bestätigen Ihnen, dass wir auf Grund unserer Untersuchungen zu dem Ergebnis gekommen sind, dass das Verhältnis zwischen der genannten Holdinggesellschaft in Basel (IG Chemie) und der IG Farben AG in Frankfurt a/Main noch enger ist als ein gewöhnliches Beteiligungsverhältnis und nahezu als Identität bezeichnet werden muss.
Durch unsere Untersuchungen sind wir zu dem Ergebnis gekommen, dass die IG Chemie in Basel seinerzeit in der Hauptsache aus folgenden Motiven gegründet worden ist:
1) Um der IG Farben AG in Frankfurt über eine in der Schweiz domizilierte Gesellschaft Zutritt zum schweizerischen Kapitalmarkt zu gewähren.
2) Um auf die in Basel domizilierte schweizerische chemische Industrie (CIBA, Geigy, Sandoz) Einfluss zu nehmen, was aber misslungen ist ...
3) Um unter schweizerischem Deckmantel wesentliche Beteiligungen der IG Farben in Drittländern, speziell den Vereinigten Staaten und Norwegen, zu verwalten." (p. 1)

-> Sur la dépendance d'IG Chemie face à l'IG Farben:
"Il n'est pas douteux que IG Chemie, jusqu'au 29.6.1940, ait dépendu entièrement de IG Farben.
(...)
En 1939, M. G. Keller, administrateur d'IG Chemie, remit au Département une déclaration dans laquelle il concluait au caractère purement suisse de sa société et précisait qu'IG Farben ne s'était réservé aucun droit dans la direction ou dans l'administration. Or, cette affirmation était nettement tendancieuse puisque la maison allemande possédait à l'époque, un droit de préemption sur les participations d'IG Chemie et que M. Schmitz était toujours le président du Conseil de la société. De même, les affidavits signés par MM. Wolfensperger et Mollwo, en 1940, devant le Consul des Etats-Unis à Bâle, taisaient les circonstances qui font de l'Industrie Bank et de Sopadep des holdings dont les actions sont contrôlée par la banque Sturzenegger et Cie. Cela prouve qu'il convient d'acueillir avec réserve les déclarations des dirigeants d'I.G. Chemie et des sociétés affiliées.
(...) Des extraits des déclarations du Conseil d'Administration et des rapports des assemblées générales de IG Chemie, il résulte que depuis 1936, cette société a cherché en raison des difficultés apportées aux transferts financiers entre la Suisse et l'Allemagne, à amener IG Farben à renoncer ou tout au moins à modifier le contrat qui liait les deux maisons. I.G. Farben s'y refusa constamment jusqu'en 1939 où elle accepta de transformer l'option en un droit de préemption.
Le 29.6.1940, date de l'assemblée générale de IG Chemie, le contrat fut abrogé; IG Farben ayant donné son consentement préalable. En même temps, M. H. Schmitz démissionna du Conseil d'Administration de IG Chemie dont il était le président depuis 1929. De plus, IG Chemie procéda à l'annulation des 25 millions d'actions ordinaires libérées à 50% qu'elle avait acquises d'IG Farben en Allemagne.
Cette séparation, si nette, d'IG Farben en 1940, donne l'impression de quelque chose de voulu et il faut se demander si le mobile n'en est pas la crainte de voir les Etats-Unis prendre des mesures pour faire cesser l'influence ennemie sur l'une des plus grandes sociétés chimiques américianes, la General Aniline and Film Corporation." (pp. 2-3)

-> Sur la participation de IG Chemie à la Aniline and Film Corporation (Gaf):

"La principale participation d'IG Chemie est la société américiaine General Aniline and Film Corporation (Gaf) qui a été elle-même fondée presqu'en mème temps qu'IG Chemie et Industrie Bank par IG Farben." ( p. 3)

"Dès sa création, 75% des actions ordinaires "A" de la Gaf sont dans le portefeuille d'IG Chemie et 20% auprès de Greutert et Cie. IG Farben possédait une option sur les actions qu'émettait la Gaf. Cette option fût exercée pour le compte d'IG Farben, par la Banque Greutert et Cie qui en 1934 céda à Osmon AG, à Shaffhouse, toutes ses actions Gaf. Osmon dont toutes les actions sont chez IG Chemie recéda à cette dernière 50% des titres que lui avait remis Greutert et Cie.
Deux sociétés hollandaises, également du groupe IG Farben, possédaient aussi des actions Gaf (70% des actions ordinaires "B"). Dix jours avant l'invasion de la Hollande, le 30.4.1940, ces titres qui se trouvaient en Amérique, furent transférés à IG Chemie. Sur la base de photocopies de documents, cette dernière chercha à rendre vraissemblable que la vente se fit en septembre 1939 déjà.
Cette opération est assez troublante si l'on songe que M. Schmitz, Président du Conseil d'IG Chemie, était un membre influent au Reichstag et pouvait, en cette qualité, avoir eu vent des événements militaires qui se préparaient. (...)
Il convient encore d'ajouter que Gaf détient environ 36% du capital versé d'IG Chemie." (p. 4)

-> Sur le groupe qui détient les 100'000 actions privilégiées de IG Farben (en 1945) et qui la contròle et sur l'histoire de Sturzenegger et Cie:
"En définitive, c'est la banque Sturzenegger et Cie à Bâle (qui en 1939 succéda à Greutert et Cie) qui contrôle ce paquet de 100'000 actions privilégiées avec l'appui de Carlo Mollwo qui fut en son temps employé de la Metallgesellschaft à Francfort.
M. Hans Sturzenegger reprit, au décès de M. Greutert en 1939, l'établissement fondé par ce dernier dont il est le seul associé indéfiniment responsable. Sturzenegger et Cie est commanditée par l'Industrie Bank pour un montant de 4, 2 millions et a reçu de IG Chemie un prêt qui atteignit 3, 5 millions et qui est actuellement de 1, 5 million.
Du graphique annexé à cette notice [voir photocopie], il résulte que IG Chemie, Sturzenegger et Cie et les sociétés affiliées sont interdépendantes et se financent l'une l'autre. Plusieurs employés de Sturzenegger et Cie sont actionnaires des divers holdings dont ils ont acquis les titres grâce à des avances des sociétés elles-mêmes." (p. 5)

-> Sur l'histoire de Greutert et Cie et ses liens avec IG Farben pour le financement d'IG Chemie, de l'Industrie Bank et la Gaf:
"Greutert et Cie fut fondée en 1920 avec l'appui de la Metallgesellschaft à Francfort. En 1929, elle passe de l'influence de la Metallgesellschaft sous celle de l'IG Farben qui, par son entremise, crée IG Chemie, Industrie Bank et Gaf. Greutert et Cie exerce pour I.G. Farben l'option que le trust allemand possédait sur les actions émises par la société américaine après sa fondation." (p. 5)

-> Sur l'état de l'affaire en 1945:

"Toutefois, de l'ensemble des circonstances, il se dégage une forte présomption que I.G. Chemie ne soit pas, même après ce qui s'est passé le 29.6.1940, une société suisse au sens économique du terme.
Les Américains attachent à cette affaire une valeur exceptionnelle, ce que prouvent les exposés récents du sénateur Kilgore et de M. Orvis Schmidt. L'importance qu'ils y voient provient d'une part de la puissance mondiale prise par le trust IG Farben, et, de l'autre, du fait que la General Aniline and Film Corporation est une des grandes entreprises chimiques américaines. Il est clair que tout faux pas dans cette affaire aurait pour la Suisse des répercutions fâcheuses sur les relations avec les Alliés et les Amériacins tout particulièrement. Il convient donc, je crois, d'agir avec la plus grande prudence et de soumettre les avoirs de IG Chemie au blocage en se basant sur l'article 9, alinéa 3, de l'arrêté du Conseil fédéral du 27.4.1945 qui prévoit que dans les cas douteux. l'Office suisse de compensation peut soumettre au blocage, comme mesure conservatoire les paiements et les valeurs.
En ce faisant, il serait bon, à mon avis, d'attirer expressément l'attention des autorités américaines sur le caractère conservatoire de la mesure prise pour ne pas entraver et rendre même impossible toute démarche d'IG Chemie tendant à rentrer en possession de sa participation à la Gaf. A cette occasion, il pourrait même être laissé entendre aux Américains que malgré nos recherches approfondies, nous n'avons découvert aucun document qui permette de dire qu'IG Chemie n'est qu'un paravent derrière lequel se cache IG Farben et que nous attendons d'eux, s'ils persistent à traiter la holding bâloise comme une maison ennemie, qu'ils nous en apportent la preuve. Les recherches qui ont dû être faites au siège d'IG Farben à Francfort devraient le permettre." (pp. 6-7)

-> Appréciation de l'Office suisse de compensation, en 1941, sur IG Chemie et ses liens avec IG Farben:
"Je relève en terminant que le 24.4.1941, soit postérieurement à l'abrogation du contrat liant IG Farben à IG Chemie, l'Office suisse de compensation s'exprimait ainsi:
"Letztere Gesellschaft (IG Chemie) behauptet zwar neuerdings des bestimmtesten, dass die bisherigen Bindungen mit I.G. Farbenindustrie heute nicht meht bestünden. Dieses schliesst aber nicht aus, dass an Stelle der direkten Einflussnahme, die unter den heutigen Verhältnissen nicht mehr wünschenswert schiess, eine indirekte getreten ist. Wir haben jedenfalls gute Gründe zu der Vermutung, dass die IG Farbenindustrie auch jetzt noch eigentliche Beherrscherin der IG Chemie ist."
L'Union suisse du Commerce et de l'Industrie partage aussi le point de vue du Département politique, ainsi qu'il ressort d'une lettre du 17.7.1942." (p. 7)
En octobre 1945, le Département de l'Economie publique partage l'avis du Département politique: dans une notice du 15.10.1945, on peut lire: " Die Feststellungen der Verrechnungsstelle vermögen die Zweifel des Politischen Departements an der wirklichen und endgültigen Loslösung der I. G. Chemie vom deutschen Einfluss nicht [Hotz a souligné ce mot et écrit dans la marge: bei uns auch nicht !] zu beseitigen. Dazu kommt das aussenpolitische Moment, dass die Amerikaner die I. G. Chemie als typischen Fall der Tarnung [Hotz a souligné ces trois mots et écrit dans la marge: richtig !] deutscher Interessen betrachten und die Anerkennung der Gesellschaft als schweizerisch und nicht unter die Sperre fallend nicht verstehen würden, woraus sehr unliebsame Konsequenzen für unsere Beziehungen zu den Alliierten zu gewärtigen wären. " (notice du DFEP du 15.10.1945, E 7800/1 /17).
[photocopie]
Dans une lettre du 2.11.1945 adressée à F. Iselin, le Chef du DPF, Petitpierre confirme que les doutes sur la rupture des liens entre IG Chemie et la société allemande " étaient entièrement justifiés. Il est, en effet, prouvé que des citoyens suisses ont fait une fausse déclaration en juillet 1945 relativement à des actions de l'I-G. Chemie inscrites à leur nom et qu'ils ont pris l'engagement, pour eux et pour leurs descendants, de céder dans un délai de trente ans à l'I.G. Farben. " (lettre du 2.11.1945, E 7800/1 /17).[photocopie]
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