Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 21, doc. 51
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001E#1972/33#8035* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1972/33 371 | |
Dossier title | Problem Cypern (1958–1960) | |
File reference archive | B.76.1 • Additional component: Griechenland |
dodis.ch/15493
J’ai l’honneur de vous confirmer réception de votre lettre du 3 août2 concernant le rôle que le mouvement du Réarmement moral, à Caux, prétend avoir joué dans les négociations pour trouver une solution du problème de Chypre.
Je savais depuis des semaines que le Réarmement moral revendiquait une part du succès obtenu dans les conférences de Zurich et de Londres, mais j’ignorais les détails tels qu’ils sont racontés dans la note confidentielle3 que vous avez bien voulu me faire parvenir.
J’ai eu, au courant de ces derniers jours, l’occasion de discuter la question que vous venez de me soumettre dans tous ses détails avec M. Georges Pesmazoglou, Ambassadeur de Grèce à Ankara et avec le Ministre Dimitri Bitsios, chargé des affaires de Chypre au Ministère des Affaires étrangères.
M. Bitsios m’a confirmé que M. Rossides, conseiller de l’archevêque Makarios, est connu comme adhérent du Réarmement moral. Il m’a aussi confirmé l’exactitude de la description des événements donnée dans la note confidentielle en ce qui concerne les entretiens de Rossides avec Macmillan et l’influence que
Rossides a pu exercer sur l’attitude de l’archevêque Makarios.
La faiblesse du rapport du Réarmement moral se trouve dans le fait qu’il néglige complètement les rapports entre les Turcs et les Grecs. Si au cours des négociations pour arriver à une solution à Chypre on a pu constater un fait, c’est que les Anglais étaient liés dès le commencement par une promesse de ne pas faire des concessions en faveur de l’élément grec sans l’assentiment préalable des Turcs. L’autre fait connu est celui que si la solution aurait unilatéralement dû dépendre de Londres et d’Athènes, la question de Chypre aurait pu être réglée depuis longtemps.
Le plus grand obstacle d’une entente a toujours été l’animosité entre l’élément turc et grec sur l’île même et l’esprit de guerre froide qui dominait depuis des années les relations entre Ankara et Athènes. Comme M. Pesmazoglou me l’a confirmé, c’est certainement pas le Réarmement moral qui aurait contribué à aplanir les difficultés entre Turcs et Grecs. L’élément décisif qui a provoqué une volte-face du côté turc était la pression des événements qui menaçaient de conduire la Turquie dans un isolement politique complet, chose d’autant plus sérieuse au moment où le gouvernement d’Ankara se trouvait en face d’une crise économique menaçant la paix intérieure. Etant donné cette situation, les Turcs se sont montrés, à la fin de l’année dernière, plus accessibles aux instances de leurs alliés du NATO et surtout du gouvernement de Washington qui a toujours prêché la raison à Ankara. Ainsi le terrain était mûr pour la rencontre entre les deux Ministres des Affaires étrangères à New York, MM. Avéroff et Zorlou, qui, comme M. Avéroff me l’a dit personnellement, s’est développée comme une vraie révélation. Les deux ministres découvrirent qu’ils pouvaient s’entendre à merveille et ainsi ils ont préparé l’esprit de Zurich et de Londres.
La conclusion est que le Réarmement moral a certainement exercé une influence bienfaisante sur l’archevêque Makarios et dans certains cercles de
Londres, mais qu’elle n’était pas décisive – en tout cas d’après l’opinion grecque
– quant à l’esprit des relations entre les deux gouvernements, d’Athènes et d’Ankara. Aussi on est convaincu à Athènes qu’un changement du gouvernement grec, dont on parle maintenant beaucoup en face des intrigues du
Général Grivas, pourrait être néfaste pour la paix à Chypre et pour conduire à une bonne fin les négociations sur la constitution de ce nouvel Etat.