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Documenti Diplomatici Svizzeri, vol. 21, doc. 7
volume linkZürich/Locarno/Genève 2007
Dettagli… |▼▶Collocazione
| Archivio | Archivio federale svizzero, Berna | |
▼ ▶ Segnatura | CH-BAR#E2800#1967/59#1177* | |
| Vecchia segnatura | CH-BAR E 2800(-)1967/59 96 | |
| Titolo dossier | Zehnder Alfred (1948–1961) | |
| Riferimento archivio | 44.133 |
dodis.ch/14420
Bolchoï) me donne l’occasion de vous faire un rapport sur les relations culturelles de l’URSS avec l’étranger. Je ne comprendrai sous ce terme que les pays non-communistes.
Chaque trimestre, depuis un an, j’envoie à la Division des Organisations internationales une liste des manifestations culturelles étrangères à Moscou
(récitals, concerts, expositions, missions scientifiques et techniques etc.) ainsi que des manifestations soviétiques à l’étranger2. Cette liste vous convaincrait qu’il n’est aujourd’hui pour ainsi dire aucun pays qui n’entretienne des relations dans ce domaine avec l’URSS.
J’aimerais relever de suite que ces manifestations ne rentrent jamais dans le cadre d’un accord culturel. Tous les pays occidentaux ont en effet évité, après les expériences médiocres de l’après-guerre, de se lier de façon rigide et pour un temps prolongé dans un domaine aussi délicat. Ce que, sous le nom d’accords culturels, la France et les USA ont signé ces derniers mois avec l’URSS sont en réalité de simples programmes généraux d’échanges, établis pour un ou deux ans seulement, et dont chaque point devra faire l’objet d’un accord ultérieur plus précis. Si je souligne ce point, c’est pour montrer que le slogan «pas de relations sans accord culturel» n’a plus cours aujourd’hui. L’attitude traditionnellement négative que l’on a dans notre pays à l’égard des accords culturels n’a donc aucune importance ici. S’entendre sur un programme général est d’ailleurs tout sauf indispensable puisque, à ma connaissance, seuls la France et les USA ont recours à ce procédé. Voilà pour l’aspect technique du problème.
L’on répète fréquemment que le fait de venir en URSS pour des motifs d’ordre culturel porte préjudice à l’intéressé qui voudrait se rendre ensuite aux
USA. Cet argument n’a plus de portée aujourd’hui où les USA eux-mêmes ont établi avec l’URSS des relations culturelles étendues. Le Directeur de l’Opéra,
M. Hirsch, vient de me confirmer ce point. Selon lui, les Américains ne font plus de difficultés en pareils cas. Son corps de ballets ou tout autre groupement artistique français pourrait se rendre aux USA à son retour d’URSS. Au surplus, les soupçons politiques que l’on pouvait avoir envers ceux qui – par la faute de l’état actuel de nos relations avec l’URSS – n’avaient pas d’autre moyen de se faire connaître ici que de s’y introduire par le canal de la société Suisse-URSS, n’auront plus aucun fondement le jour où ces relations se feront avec le consentement des autorités fédérales, voire avec leur appui.
L’URSS attache une importance aux échanges culturels que l’on a peine à réaliser chez nous. Des mobiles politiques ne suffisent pas à expliquer ce phénomène. Les dirigeants de ce pays ne sont pas si naïfs que d’espérer rallier ainsi des partisans politiques. Par ailleurs la venue ici d’un étranger représente un danger certain pour l’éducation orthodoxe du public soviétique. En réalité l’URSS désire simplement se faire connaître. Elle souffre d’un curieux complexe d’infériorité et éprouve vivement le besoin de montrer au monde de quoi elle est capable aujourd’hui. Je conviens que l’extension faite actuellement au terme «culture» peut conférer un aspect politique à certaines manifestations
– mais il serait facile d’éliminer ces dernières de nos échanges.
Les relations culturelles sont de deux espèces. Il y a les manifestations de masse, assez spectaculaires, mais qui ne créent aucun contact direct entre étrangers et Soviétiques (manifestations sportives, concerts, tournées théâtrales,
films, etc.). Il y a aussi les échanges qui se font à l’insu de la presse et du public, mais permettent de se familiariser avec la pensée et les méthodes de travail d’autrui, telles les missions techniques et scientifiques, etc.
Si l’on tient pour impossible l’établissement de relations culturelles relevant de la première catégorie étant donné l’état actuel de l’opinion suisse
(et encore, une très large partie de cette opinion serait, j’en suis certain, heureuse de participer à de tels échanges, surtout le jour où elle cesserait d’être frappée d’ostracisme) ne pourrait-on pas commencer discrètement par la seconde?
Ici, n’importe quel échange culturel est important. La curiosité pour tout ce qui vient de l’étranger est immense. L’on a peine à s’imaginer les foules que déplace la moindre exposition étrangère. L’écho est toujours considérable.
L’Occident a selon moi tout intérêt d’encourager le dégel de l’opinion, la libération de l’intelligence qui cherche si désespérément à se frayer un chemin.
Il faut assister aux ovations du public lors des concerts du pianiste américain
Van Cliburn de l’orchestre philharmonique de Philadelphie ou ces jours-ci aux représentations des ballets de l’Opérade Paris pour comprendre cette curiosité, inassouvie encore, des Soviétiques et leur prédisposition à accueillir favorablement toutes les manifestations culturelles venant de l’étranger. Des artistes et des savants suisses seraient applaudis à l’égal des autres, sinon davantage car, je dois le répéter, ce peuple éprouve une réelle sympathie pour notre pays. La condition est toutefois que nous présentions des manifestations (et je pense surtout aux domaines musical et scientifique) d’un niveau très élevé, car le public ici est remarquablement cultivé; la comparaison qu’il aura fatalement tendance à faire ne doit pas être défavorable à notre pays et il n’aime pas être traité comme un public de province.
Les relations culturelles sont actuellement le seul moyen dont l’Occident dispose pour pouvoir donner de lui-même une image au public soviétique qui ne soit pas déformée. Pour l’intelligentsia, les étudiants ou encore l’homme de la rue, ces manifestations auxquelles il assiste ou dont il entend parler sont les seuls éléments lui permettant de se représenter l’Occident. Tant que nous continuerons à boycotter l’URSS, le Soviétique, faute d’éléments, ne pourra tout simplement pas faire figurer la Suisse dans son tableau – sinon précisément avec les éléments tendancieux que lui apportent nos communistes et leur propagande. Nous sommes en train de perdre ici le capital que la Suisse culturelle s’est accumulé pendant des années.
Pour nous qui, conformément à notre politique, entendons entretenir des relations normales avec tous les pays, établir des rapports culturels avec l’URSS ne représente aucune démarche insolite – infiniment moins insolite en tout cas que de la part des USA ou d’un quelconque membre du Pacte atlantique.
C’est même une démarche absolument normale, les relations culturelles faisant partie intégrante aujourd’hui des relations internationales.
J’ajoute enfin que cette normalisation faciliterait grandement ma tâche ici dans tous les autres domaines. Il suffit de signaler le nombre d’intellectuels soviétiques que connaissent certains de mes collègues grâce aux relations culturelles qui existent entre l’URSS et leur pays.
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Relazioni culturali Russia (Generale)


