Abgedruckt in
Diplomatische Dokumente der Schweiz, Bd. 20, Dok. 144
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
Mehr… |▼▶Aufbewahrungsort
Archiv | Schweizerisches Bundesarchiv, Bern | |
▼ ▶ Signatur | CH-BAR#E2300#1000/716#1099* | |
Alte Signatur | CH-BAR E 2300(-)1000/716 471 | |
Dossiertitel | Tunis, Politische Berichte und Briefe, Militärberichte, Band 2 (1957–1958) |
dodis.ch/12043 Le Chargé d’Affaires a. i. de Suisse à Tunis, L. Guillaume, au Chef du Département politique, M. Petitpierre1 DÉCLARATION À PROPOS DES RELATIONS TUNISO-SUISSES
PAR UNE PERSONNALITÉ NÉODESTOURIENNE
Le Président de la Ville de Tunis, M. Ali Belhaouane, m’a rendu récemment la visite de courtoisie que je lui avais faite quelque temps auparavant, comme le veut la coutume ici lorsqu’un maire de la ville est nouvellement nommé. Les vues qu’il a exprimées à cette occasion, bien qu’elles ne soient pas nouvelles, m’ont paru cependant mériter de retenir un instant l’attention en raison de la personnalité néo-destourienne de premier plan qui les a énoncées. En effet, M. Belhaouane qui est un des compagnons de lutte de M. Bourguiba de la première heure, en est resté un des intimes très écoutés.
J’ai l’honneur de vous faire part ci-après de l’essentiel des propos tenus:
En premier lieu, le Président de la Ville de Tunis a renouvelé, en usant de paroles les plus aimables, les remerciements des autorités tunisiennes pour l’accueil qui a été réservé chez nous au Chef d’Etat tunisien2. Cet accueil fut très favorablement ressenti dans toute la population tunisienne. Le Président Bourguiba, qui est revenu de Suisse avec un sentiment de haute estime pour notre pays, a formé le vœu dans son entourage, que des relations plus étroites devaient être cultivées avec la Confédération helvétique. Pendant les quelques semaines qui suivirent son retour, m’a notamment confié M. Belhaouane, le Président de la République «n’a fait que de parler de la Suisse». Enchaînant, mon interlocuteur a bien voulu encore dire que les milieux tunisiens appréciaient les efforts que cette Légation poursuit en vue de développer les rapports entre les deux pays: arrivée de touristes suisses, envoi d’experts, octroi de bourses dans le domaine agricole et autres secteurs, facilités aux étudiants, organisation de cours de moniteurs, sans parler du voyage du Président, ni de l’action du Comité international de la Croix-Rouge qui distribue actuellement pour 32 millions de francs français de secours, étaient autant de témoignages concrets des bonnes dispositions des autorités fédérales à l’endroit de ce jeune Etat qui cherche à prendre son essor dans le cadre de son indépendance retrouvée3.
En offrant son appui amical et très sincère, M. Belhaouane déclara qu’il était, pour sa part, à la disposition entière de tous les ressortissants suisses habitant Tunis pour faciliter leurs contacts avec la nouvelle administration tunisienne. Il désirerait, dit-il, que réellement nos compatriotes se sentent entièrement chez eux et en sécurité, non seulement comme des hôtes, mais – selon la formula arabe – «comme des frères».
Reprenant une idée souvent exprimée dans les milieux tunisiens, et par le Président Bourguiba lui-même, le maire de Tunis relève que la Suisse constitue pour ainsi dire un exemple unique dans le monde. Ce qu’on admire chez nous, c’est notre conscience, notre amour du travail bien fait, nos qualités d’honnêteté, notre indéfectible attachement à la liberté. Il sait, dit-il, que géographiquement nous occupons un petit espace, mais que sur le plan des valeurs morales, sociales et humanitaires, nous sommes le grand pays qui apporte bien au-delà de ses frontières son action médiatrice et d’entraide effective.
A plus d’un égard, poursuit ce leader arabe, on peut mettre en comparaison nos deux pays: si, dit-il notamment, la Suisse occupe au carrefour des pays européens une place de choix, il en est de même, entre le Moyen-Orient et l’Occident, de la Tunisie, lieu de rencontre de tant de peuples à travers l’histoire. Un dialogue entre deux pays de moyenne importance, occupant cependant une telle situation peut être profitable non seulement à leurs intérêts, mais surtout à l’idéal qui est profondément le leur: la paix dans le monde.
Le Président Belhaouane m’explique encore qu’il a entretenu pendant ses longues années d’exil dans bien des pays du monde, des relations étroites avec les principaux porte-parole des partis nationalistes afro-asiatiques. Il n’est pas le seul Tunisien à l’avoir fait. Grâce à ces anciennes relations, la Tunisie s’est assurée aujourd’hui une large et précieuse audience auprès de ces pays. C’est à travers ces lignes de force politiques assez particulières que la Tunisie compte exercer, auprès des pays arabes et asiatiques, son influence pacifique et son rôle d’intermédiaire tendant à contribuer pour sa part au rapprochement des peuples ainsi qu’à la sauvegarde de la paix. Chaque fois que l’occasion s’est présentée, me dit encore M. Belhaouane, celui-ci s’est employé à démentir une idée qui est assez répandue parmi les porte-parole des partis nationalistes en cause au sujet de la Suisse. Selon certains d’entre eux, les Suisses qui viennent s’installer dans les anciennes colonies françaises ou britanniques ne seraient que des colonialistes en quelque sorte «déguisés». Mon interlocuteur, pour sa part, sait pertinemment que les ressortissants suisses qui s’établissent à l’étranger le font à titre individuel et dans un esprit qui est loin d’être celui dont s’inspirent les peuples colonialistes. Il souhaite donc que nombreux soient les Suisses qui voudront bien venir s’installer dans la jeune République. Il offre d’ores et déjà un avenir intéressant à des techniciens suisses désireux de se mettre au service de l’administration de la Ville de Tunis.
Tout au long de cet entretien, M. Belhaouane a montré un esprit ouvert et très sincèrement désireux de marquer tout le prix qu’il attache à voir des contacts s’établir et se développer entre ces «deux nations-sœurs». Aussi me suis-je gardé naturellement de saisir l’occasion de cet entretien pour lui faire remarquer que, tant de bonne volonté de sa part n’empêcherait malheureusement pas certains revers de médaille, dont pâtit la majorité des membres de notre colonie par suite du changement de régime. Il n’est que trop vrai que les lenteurs d’une administration encore bien inexpérimentée pèsent parfois lourdement sur l’activité de la population, sans parler des conséquences du marasme économique ni de l’attitude parfois choquante des Tunisiens à l’endroit de leurs anciens protecteurs. Je l’ai néanmoins assuré que j’avais été sensible à ses déclarations et à ses assurances, et que certainement l’avenir apporterait à la Tunisie la prospérité que mérite sa population. Déjà on peut constater qu’un nombre réjouissant de Suisses viennent ces derniers temps, à titres divers, s’établir dans le pays, et ainsi apporter leur modeste part dans l’édification de la jeune République4. Je n’ai pas manqué encore d’ajouter qu’en règle générale, mes compatriotes avaient rencontré jusqu’ici auprès des autorités tunisiennes de la bienveillance, ce qui ne laisse pas de faciliter leurs contacts avec les nouveaux milieux dirigeants de la Tunisie.
- 1
- E 2300(-)-/9001/471.↩
- 2
- Sur la visite privée effectuée par H. Bourguiba en Suisse entre fin août et début septembre 1957, cf. le Verhandlungsprotokoll des Bundesrates, 20. und 26. August 1957, E 1003 1970/ 344/2/ R 3107.↩
- 3
- Au sujet des relations économiques entre la Suisse et la Tunisie, cf. la proposition du DFEP au Conseil fédéral du 6 novembre 1957, acceptée lors de la séance du 15 novembre 1957, PVCF No 2128, E 1004.1(-)-/1/607 (dodis.ch/12736).↩