Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 20, doc. 127
volume linkZürich/Locarno/Genève 2004
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern |
Old classification | CH-BAR E 2001(E)1970/217 438 |
dodis.ch/11173 Le Ministre de Suisse à Buenos Aires, M. Fumasoli, au Secrétaire général du Département politique, R. Kohli1
Faisant suite à mon rapport du 10 de ce mois2, j’ai l’honneur de vous remettre sous ce pli quelques extraits de la presse argentine du 9 août3, relatifs à la Note qui m’a été remise le 8 par le Ministre des Affaires étrangères4. Il faut admettre que tous les journaux de la Capitale (nous en avons vu une douzaine) ont publié le texte de la Note sous des titres divers. La plupart disent: «La Note suisse de protestation a été repoussée». Un journal, «El Clarin», connu pour ses idées libérales, intitule bêtement son article: «Les Gouvernements étrangers ne peuvent pas réclamer pour les intérêts de leurs nationaux». Aucun journal important n’a publié un commentaire proprement dit au sujet de la réponse argentine. L’hebdomadaire de gauche, probablement payé par les Communistes, «Propositos», a publié dans son numéro du 7 de ce mois, un article intitulé: «Toutes les forces nationales contre la bande des délinquants». Il se borne à des commentaires généraux contre les capitalistes étrangers. «NoticiasGráficas» du 9 août, qualifient notre protestation d’injustifiée et insolite, tout en disant que «c’est à cause de l’ignorance totale qu’on a en Europe de l’Amérique, qu’un Gouvernement étranger présente une réclamation inadmissible contre une mesure qui dépend de la souveraineté d’un pays», etc.
Un seul journal, l’«Argentinisches Tageblatt», propriété de fils de Suisses et organe de presse réellement très bien fait, a défendu le point de vue suisse dans l’affaire en question et l’attitude de la délégation suisse à Rome.
Le chef d’une maison de commerce argentine m’a envoyé une lettre5 aigredouce pour me transmettre le texte d’une lettre ouverte qu’il adresse à «The New York Times» et dans laquelle il part en guerre contre les comptes numérotés dans les banques suisses, pour dire que les fonds volés par Perón, Hitler et Mussolini vont grossir les avoirs des banquiers suisses…
Ces commentaires, bien que conformes à la manière de voir de tous les Argentins, me paraissent sans grande importance, mais je regrette que la Suisse seule soit sur la sellette, alors que la Belgique est plus intéressée que nous à la CADE6. Ce qui est dommage c’est que les sociétés elles-mêmes et avant tout la CADE, n’aient pas défendu plus fortement leur position dans des communiqués de presse; qu’elles n’aient pas monté en épingle la honte que représente pour l’Argentine l’attitude de la Municipalité de Buenos Aires en 1936, etc. etc. Depuis longtemps je dis aux hommes de la CADE que leur société a une telle horrible réputation ici, chez l’homme de la rue, qu’il est indispensable qu’elle se défende car, en fin de compte, lorsqu’un Etat étranger (nous par exemple) défend les intérêts de la CADE, il passe, à tort bien sûr, aux yeux de l’homme de la rue, pour le défenseur de bandits qui ont dépouillé le peuple argentin. La CADE doit se défendre contre une telle réputation car elle influence et conditionne en quelque sorte tout le problème. Vous m’avez déjà dit une fois qu’il ne s’agit pas pour nous de défendre la CADE mais seulement les intérêts suisses dans cette entreprise. Cela est facile à dire, mais ici nous passons aux yeux de beaucoup d’Argentins, pour des gens qui défendent une entreprise pourrie qui a offensé tout le peuple argentin. Que cela soit grotesque… nous le savons, mais à mon avis la CADE aurait dû se défendre contre une semblable accusation, puisque celle-ci ne retombe pas seulement sur elle, mais aussi sur ceux qui interviennent pour elle, en causant ainsi un grave préjudice à d’autres intérêts. Les capitalistes suisses intéressés à la CADE devraient aussi souligner le fait qu’ils n’ont jamais participé à la direction de la CADE, problème qui ne les concerne pas. Nous qui voyons sur place (je parle au nom de plusieurs compatriotes) quelle est la réaction de l’homme de la rue, nous sentons combien il serait heureux que la Suisse ne fût pas mêlée aux «agissements» de 1936. Si les compagnies, disons la CADE surtout, car c’est elle qui est frappée en premier lieu, prenait enfin le taureau par les cornes et se défendait sur le plan moral, sa situation et la nôtre seraient bien meilleures, vis-à-vis de l’opinion publique. Cela résulte aussi du fait que le Gouvernement, dans son décret du 23 juillet7, s’est bien gardé de toucher aux fameux actes de corruption de 1936; il sait qu’il vaut mieux pour lui de ne pas mentionner ces faits, mais il sait en même temps que si toute l’opinion publique argentine est avec lui, cela est dû non pas aux motifs juridiques invoqués dans le décret, mais précisément à la gigantesque exploitation que les partis, les Autorités, etc. ont fait des événements de 1936. Il conviendrait donc d’attaquer le Gouvernement sur le terrain moral qui est aussi faible que le terrain juridique sur lequel il s’est mis; mais c’est la CADE qui doit faire cela et pas les Autorités suisses et belges.
- 1
- Lettre: E 2001(E)1970/217/438.↩
- 2
- Cf. la lettre de M. Fumasoli à R. Kohli du 10 août 1957, non reproduite.↩
- 3
- Non reproduits.↩
- 4
- Cf. la note du Ministère argentin des Affaires étrangères à l’Ambassadede Suisse à Buenos Aires du 8 août 1957, non reproduite.↩
- 5
- Non retrouvée.↩
- 6
- Sur les problèmes concernant la Compañia Argentina de Electricidad (CADE), cf. les DDS, vol. 20, doc. 12 et doc. 57.↩
- 7
- Il s’agit du décret gouvernemental argentin du 23 juillet 1957 qui annule les concessions accordées en 1936 à la Compañia Argentina de Electricidad (CADE) et à la Compañia Italo-Argentina de Electricidad (CIA). Pour plus d’informations, cf. la lettre de M. Fumasoli à R. Kohli du 3 août 1957, non reproduite.↩