dodis.ch/47482

La Division des Affaires étrangères du Département politique, au Ministre de Suisse à Londres, W. Thurnheer1

Nous nous permettons de revenir sur notre lettre du 23 octobre2, par laquelle nous appelions votre attention sur une nouvelle parue au cours du même mois dans le «Daily Express», relative entre autres à la désertion de plus de 300 soldats allemands arrivés clandestinement en Suisse. Vous informant que la dépêche en question était dénuée de tout fondement, nous vous faisions part de notre désir de vous voir saisir l’occasion de cette publication pour faire observer à qui de droit l’impression fâcheuse produite en Suisse par ce genre d’articles et nous vous priions en outre de vouloir bien nous tenir au courant du résultat de votre démarche.

En rappelant à votre obligeante attention cette affaire, au sujet de laquelle nous sommes jusqu’ici demeurés sans nouvelles de votre part, nous voudrions, pour votre gouverne, pensant qu’elles seront de nature à vous intéresser, vous donner connaissance des indications que vient de nous faire tenir la Division de Police du Département fédéral de Justice et Police3, à laquelle également nous avions tenu à soumettre la nouvelle incriminée.

La dite Division confirme le démenti que nous vous donnions dans notre lettre du 23 octobre. S’il est vrai, ajoute le service en question, que chaque mois quelques déserteurs allemands franchissent illégalement la frontière suisse, leur nombre est toutefois relativement minime. A teneur des listes que nous avons sous les yeux visant les mois de juillet à novembre de l’année dernière, ce nombre, pour chacun des mois dont il s’agit, à l’exception d’août, où il atteignit 11, n’a pas dépassé 94. Dans ce nombre, on trouve à peine un officier. Les passages clandestins de notre frontière perpétrés par ces déserteurs se répartissent tant sur notre frontière commune avec l’Allemagne que celle qui nous sépare de la France. La Division de Police en outre souligne qu’il est absolument erroné d’affirmer que, chez nous, les déserteurs sont particulièrement bien traités. Ils sont, au contraire, soumis au régime relativement rigoureux appliqué aux internés. En général, ils sont d’abord hospitalisés dans le camp d’internés Lindenhof rattaché au pénitencier de Witzwil et ensuite seulement, après plusieurs mois de bonne conduite, affectés à un camp de travail spécialement aménagé. L’autorité précitée note que les passages illégaux de notre frontière par les déserteurs n’ont nécessité, jusqu’ici, aucune levée spéciale de troupes5.