Classement thématique série 1848–1945:
II. LES RELATIONS BILATERALES ET LA VIE DES ETATS
II.15. Italie
II.15.6 Le traité d’arbitrage
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 8, doc. 348
volume linkBern 1988
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E1004.1#1000/9#11976* | |
Dossier title | Beschlussprotokoll(-e) 12.08.-12.08.1924 (1924–1924) |
dodis.ch/44990 CONSEIL FÉDÉRAL
Procès-verbal de la séance du 12 août 19241 1780. Traité d’arbitrage entre la Suisse et l’Italie
Procès-verbal de la séance du 12 août 19241
Le traité d’arbitrage entre la Suisse et l’Italie, conclu pour cinq ans le 23 novembre 19042, a été renouvelé deux fois. Il est expiré le 16 novembre 1914. Une convention d’arbitrage, conclue le 4 mars 19153 sur la base du traité de 1904, qui n’a été ratifiée ni par l’un ni par l’autre des deux Etats, a été en 1919 considérée, d’un commun accord, comme non avenue. Au printemps 19214, la Légation de Suisse à Rome avait été chargée de faire des ouvertures en vue de la conclusion d’un nouveau traité d’arbitrage italo-suisse, qui devait tenir compte des progrès réalisés dans le domaine du règlement pacifique des litiges internationaux. A cette époque, la démarche n’a rencontré que fort peu d’écho auprès du Ministère italien des Affaires étrangères. Il en a été de même, en 1922 et en 1923, des tentatives faites, tant à Berne qu’à Rome, en vue d’amener le Gouvernement italien à entrer en négociations à ce sujet.
Au cours de ces derniers mois, le Chef du Département politique a eu l’occasion d’attirer à diverses reprises l’attention du Ministre d’Italie à Berne sur cette importante question. Ces démarches ont si bien éveillé l’intérêt du Gouvernement italien que, le 4 juillet, le Secrétaire général du Ministère italien des Affaires étrangères se déclarait prêt à entrer en négociations immédiates5 en vue de la conclusion d’un traité de conciliation et de règlement judiciaire et que, le 19 juillet, il remettait à M. Wagnière un projet de traité6 conçu dans le sens le plus libéral.
A teneur de ce projet, tous les différends, quelle qu’en fût la nature, auxquels une solution n’aurait pu être trouvée par la voie diplomatique, seraient déférés à une commission de conciliation et, au cas où un règlement ne serait pas accepté, à la Cour permanente de Justice internationale.
L’application de la procédure de conciliation à tous les litiges pouvant surgir entre les deux Etats n’appelle aucune objection de notre part. Une stipulation semblable figure d’ailleurs déjà dans divers traités signés par la Suisse, en particulier, dans le traité d’arbitrage et de conciliation entre la Suisse et la Hongrie du 18 juin 1924.7
Le principe de l’arbitrage ou du règlement judiciaire obligatoire et inconditionnel, contenu dans le projet italien, mérite, en revanche, un sérieux examen. Bien que, en 1883, l’idée en eût été proposée par la Suisse, au cours des négociations d’un traité d’arbitrage avec les Etats-Unis8, le Conseil fédéral refusa, en 1915, d’accéder à la proposition italienne de l’introduire dans la convention qui fut négociée à cette époque. Dans le message adressé aux Chambres fédérales au sujet des traités internationaux d’arbitrage, le 11 décembre 19199, le Conseil fédéral envisageait que, si des Etats en exprimaient le désir, il ne ferait plus de difficultés pour soumettre à l’arbitrage tous les différends, de quelque nature qu’ils fussent. Certaines circonstances pourraient néanmoins justifier qu’il révisât aujourd’hui cette opinion. L’article 32 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale, signé à Genève le 16 décembre 1920, ne soumet au règlement judiciaire que les différends d’ordre juridique ayant pour objet «a) l’interprétation d’un traité, b) tout point de droit international, c) la réalité de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation d’un engagement international, d) la nature ou l’étendue de la réparation due pour la rupture d’un engagement international». Même dans ces limites, quatorze seulement sur quarante-cinq Etats ont estimé, jusqu’ici, pouvoir accepter le principe du règlement judiciaire obligatoire sous réserve de réciprocité. Aucun des traités signés par la Suisse n’a étendu le champ d’arbitrage ou du règlement judiciaire au-delà de ces bornes. Le récent traité avec le Brésil10 contient, il est vrai, le principe de l’arbitrage obligatoire pour tous les litiges, juridiques ou non, mais avec le correctif de l’importante réserve des droits constitutionnels.
Les quatre catégories de litiges d’ordre juridique énumérées à l’article 36 du Statut de la Cour embrassent, en réalité, presque tous les différends qui peuvent normalement surgir entre des Etats. Toutefois, les rares contestations qui échappent à l’appréciation du droit – et qui ne peuvent, dès lors, être tranchées que par la seule équité – risquent de porter précisément sur des questions que, dans les conditions actuelles du droit international, il pourrait y avoir des raisons de soustraire à une décision arbitrale ou judiciaire.
Ces objections mises en lumière, il faut se demander s’il n’est pas de l’intérêt bien entendu de la Suisse d’accepter la proposition que le Gouvernement italien formule dans un esprit évidemment très amical. La Suisse ne regretterait-elle pas, le jour où pourraient s’altérer ses excellentes dispositions, que des scrupules essentiellement juridiques aient fait écarter la possibilité d’un règlement judiciaire des différends de toutes sortes qui peuvent si facilement surgir dans les relations avec un grand voisin, chez qui se sont parfois fait jour certaines tendances nationalistes un peu inquiétantes?
Ainsi que le Conseil fédéral le faisait valoir dans son message de 1919, «tout bien considéré, ne sont-ce pas justement les Etats matériellement faibles qui doivent bénéficier de l’arbitrage? S’ils peuvent y avoir recours, ne seront-ils pas dans une situation plus favorable que s’ils n’avaient, pour sauvegarder leurs droits ou s’opposer à des prétentions injustifiées, d’autres moyens que les négociations diplomatiques ou les mesures de défense qu’ils peuvent prendre eux-mêmes? La force d’un petit Etat, c’est avant tout son bon droit. Et ce droit, l’arbitrage sera, quels que soient les inconvénients qu’il peut avoir, de nature à lui assurer une protection plus efficace que toute autre politique quelconque.»
Pour que ce but fût atteint, il conviendrait pourtant que le traité de conciliation et de règlement judiciaire que la Suisse pourrait conclure fût tel que son exécution soit pour ainsi dire automatique et ne puisse être tenue en échec par la nécessité de régler des points essentiels dans un moment de tension.
En ce qui concerne le règlement judiciaire, le Statut et le Règlement de la Cour permanente de Justice internationale offrent les garanties nécessaires. Les négociations devront donc surtout porter sur l’organisation et le fonctionnement de la Commission de conciliation. Dans le bref commentaire qui accompagne le projet italien, le Ministère italien marque l’intention d’adopter «une organisation plus rapide et plus efficace que ne le serait une commission de conciliation permanente.»
Le texte du projet lui-même est trop sommaire pour que l’on puisse se faire une idée précise de ses vues à ce sujet; mais il semble que, sans en faire une condition sine qua non des négociations, la Suisse serait bien inspirée en insistant, au contraire, pour qu’un organisme soit constitué à l’avance, de telle sorte qu’il pût être saisi des différends qui viendraient à surgir avant qu’ils aient altéré les relations entre les deux pays.
Le projet italien devrait, en outre, être développé sur divers points de détail pour répondre pleinement à son but et se trouver en harmonie avec les autres traités du même ordre que la Suisse a récemment conclus ou est en train de négocier. Un contre-projet, calqué sur ces autres traités, a été établi à cet effet et pourrait utilement servir de base de discussion.
Conformément à la proposition du Département politique, il est décidé:
1) d’accepter l’offre du Gouvernement italien de négocier un traité de conciliation et de règlement judiciaire sur la base du principe du règlement judiciaire obligatoire et inconditionnel;
2) d’insister pour que ce traité institue une Commission préalable de conciliation;
3) d'autoriser la communication du contre-projet au Ministère italien des Affaires étrangères, pour servir de base de discussion.11
- 1
- E 1004 1/292. Etaient absents: E. C'huard, E. Schulthess, H. H'àberlin.↩
- 2
- RO, Tome 1905 21, pp. 680-682 et DDS 5, no 49.↩
- 3
- Cf. E 22/1909.↩
- 4
- Il s’agit de la lettre du 3 mai 1921, non reproduite, cf. E 2001 (C) 7/5.↩
- 6
- Non reproduit, cf. E 2001 (C) 7/5.↩
- 7
- RO, 1925 Tome 41, pp. 325–330.↩
- 8
- Cf. E 2/589 et E 22/1918.↩
- 9
- FF, 1919, vol. V, pp. 809–826.↩
- 10
- Cf. 297.↩
- 11
- Sur la négociation et la conclusion de ce traité, le 20 septembre 1924, cf. Message du Conseil fédéral du 28 octobre, in: FF, 1924, vol. III, pp. 693–705. Le traité est entré en vigueur le 29 janvier 1925, cf. RO, 1925, Tome 41, pp. 183–190.↩
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