Classement thématique série 1848–1945:
VI. LE RAVITAILLEMENT DE LA SUISSE
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 353
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E7350#1000/1104#15* | |
Old classification | CH-BAR E 7350(-)1000/1104 21 | |
Dossier title | Brüssel (1914–1918) | |
File reference archive | 2.1 |
dodis.ch/44564 Le Chargé dAffaires de Suisse à Bruxelles, F. Barbey, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess1
Vous n’ignorez pas que nous touchons à la terminaison de l’apurement des licences d’exportation de charbon auxquelles nous donnait droit notre accord avec la Belgique conclu au mois d’octobre dernier et venu à échéance le 31 décembre 1919.
A diverses reprises j’ai eu, ces derniers mois, l’occasion de vous exposer les raisons multiples qui s’opposaient à la continuation d’envois de charbon belge en Suisse, c’est-à-dire les besoins grandissants et urgents des chemins de fer et de l’industrie belges, en second lieu les engagements pris par la Belgique à l’égard de la France et de l’Italie. Vous savez que la France avait conclu un accord pour 100.000 tonnes par mois avec la Belgique, sur lequel elle n’en a obtenu que la moitié environ, mais comme elle fournit du minerai à la Belgique, elle a là un article de compensation péremptoire. D’autre part, l’Italie qui a également un accord avec la Belgique, contre des compensations importantes, protestait en voyant la Belgique fournir du charbon à la Suisse et n’en pas recevoir elle-même.
Il faut reconnaître que le Gouvernement belge s’est évertué à exécuter loyalement son ancien accord avec nous en apurant peu à peu ses licences et vous aurez constaté que nous avons reçu chaque mois depuis le 1er janvier 1920 du charbon belge, parfois une quantité qui a dépassé 15.000 tonnes.
Voyant approcher le terme de ces apurements, je ne cessais de harceler le Ministre pour l’amener à nous continuer les expéditions. Chaque fois, M. Jaspar me répondait que cela lui était absolument impossible vu l’état actuel, qu’il serait renversé s’il autorisait des exportations à l’étranger alors que la population et l’industrie belge étaient dans le besoin et que s’il autorisait des exportations pour la France et la Hollande, c’est que la première fournissait à la Belgique du minerai, la seconde du poisson.
Il y a 15 jours, M. Jaspar a quitté le Ministère des Affaires économiques pour aller à l’Intérieur et a été remplacé par M. de Wouters d’Oplinter. J’ai profité de ce changement pour reprendre mes démarches. Il y a 10 jours, j’ai présenté une longue note2 au Ministre en lui résumant toute l’affaire et lui exposant les besoins de notre pays et en demandant avec beaucoup d’insistance une continuation des licences. M. de Wouters m’a reçu deux fois, et m’a dit que vu les conséquences économiques et politiques de la question (engagements avec la France et l’Italie) il soumettrait la chose au Conseil des Ministres. Je me suis alors rendu hier chez deux des principaux ministres que je sais intéressés à la question et bien disposés pour nous, le Premier Ministre, M. Delacroix, M. Wouters, Ministre du Travail et du Ravitaillement (M. Hymans, Ministre des Affaires étrangères nous est également acquis), et sans pouvoir encore vous donner une réponse positive, je crois pouvoir vous annoncer que nous obtiendrons pour commencer un modeste contingent, 10.000 tonnes peut-être, qui ira en augmentant, au fur et à mesure que les importations de charbon allemand et la production intérieure du pays augmenteront. Mais, la Belgique entend naturellement obtenir la réciproque si elle nous vient en aide. Je ne sais encore si elle exigera la continuation du crédit financier prévu par l’accord du mois d’octobre 1919 qui pouvait s’élever à 38 millions ce qui est loin d’avoir été utilisé; l’accord prévovait que sa durée était limitée à un an et demi, donc il est encore en vigueur.
Un des arguments qui a fait le plus d’impression sur les ministres, c’est le fait que les Chemins de fer fédéraux ont consenti certains sacrifices pour faire décharger à Anvers les charbons américains et anglais qu’ils importaient. Vous vous rappelez, qu’il y a 10 mois, la Hollande s’était émue d’un article, pourtant fort anodin, de notre accord qui spécifiait une certaine préférence donnée à Anvers.3 Or, j’estime que si nous voulons continuer à être aidés par la Belgique pour le charbon, il est absolument indispensable que nous continuions de notre côté – et les Chemins de fer fédéraux ont prouvé que la chose était possible – à lui donner une certaine satisfaction du côté d’Anvers, en y faisant aborder certaines cargaisons de denrées monopolisées. C’est à prendre ou à laisser. Le charbon américain nous revient à un prix fantastique, le charbon belge est meilleur marché, plus rapproché; voulons-nous en obtenir, il faut consentir à donner à la Belgique la satisfaction qu’elle réclame. J’ajoute qu’il me paraît fort aisé, pour éviter toute réclamation de la Hollande, de ne pas faire de cette question d’Anvers l’objet d’un article, (au cas où nous conclurons un nouvel accord, ce dont je ne suis pas sûr) et que je réussirai à faire accepter par la Belgique un engagement d’honneur, sous forme de lettre échangée, dans lequel il sera spécifié qu’au cas où la Belgique enverra du charbon à la Suisse, celle-ci s’efforcera, comme elle l’a déjà fait jusqu’à maintenant, de favoriser le port d’Anvers. Ainsi on évitera toute publication et toute réclamation justifiée de la Hollande. Si celle-ci nous fournissait une matière première indispensable à la vie économique de notre pays, je présume qu’elle pourrait compter sur une compensation analogue de notre part.
Telles sont les premiers renseignements que je suis heureux de pouvoir vous communiquer en attendant de plus amples précisions. Il ne faut pas oublier une chose: c’est que chaque fois que la Belgique nous donne des licences d’exportation de charbon, elle s’attire des réclamations de la France et de l’Italie qui lui reprochent de ne pas tenir ses engagements à leur égard, en leur fournissant les quantités promises par accords solennels, de telle sorte que le Gouvernement belge s’est trouvé plusieurs fois ces derniers temps extrêmement embarrassé.
Au cas où ses bonnes dispositions persisteront, je prévois qu’il sera nécessaire qu’un représentant de la Coopérative des charbons (je préférerais M. Dubois) et un représentant des Chemins de fer fédéraux (M. Konrad, par exemple, qui a très bien su manœuvrer ici jusqu’à présent) vinssent ici pour conclure le nouvel arrangement et les marchés. Je vous tiendrai au courant de tout ce que j’apprendrai de nouveau à ce sujet. Je vous serais extrêmement obligé d’informer les intéressés de ces perspectives nouvelles, plus réjouissantes que les précédentes, et en même temps de me faire parvenir le plus vite possible vos instructions.
J’avais pensé que puisque vous viendrez à Bruxelles pour la Conférence Financière Internationale, il serait tout indiqué que vous discutiez de la chose avec le Ministre des Affaires économiques, mais si les choses se précipitent, il serait peut-être possible d’avoir sans tarder une réponse satisfaisante de la Belgique, ce qui nous permettrait d’éviter une interruption des transports.4
- 1
- Lettre: EVD Zentrale 1914-1918/21-22. Exportation de Charbon belge pour la Suisse. Paraphe: KW.↩
- 2
- Non reproduite.↩
- 3
- Cf. nos 84, 151, 177, 187, 193.↩
- 4
- Par lettre personnelle du 21 juin, le Conseiller fédéral Schulthess répondit: Presqu’en même temps que votre lettre arrivait une demande de l’Italie qui désire également obtenir des promesses de la Suisse quant à l’utilisation des ports d’Italie, spécialement de Gênes. D’autre part, vous savez que la France aussi est très jalouse des relations de transit qui peuvent s’établir entre la Suisse et d’autres pays. Il me semble donc qu’il ne peut être question d’une promesse à donner à la Belgique relativement aux transports par le port d’Anvers. Par contre, il serait peut-être possible de faire passer par ce port belge des quantités importantes de charbon. J’ai discuté la question avec M. le Président Motta, qui partage complètement ma manière de voir. M. Stucki vous entretiendra de vive voix d’une combinaison que nous avons envisagée. Je vous remercie vivement des efforts que vous ne cessez d’accomplir pour améliorer notre ravitaillement en charbon, qui est, et malheureusement restera peut-être longtemps encore, un de nos soucis constants. (EVD KW Zentrale 1914–1918/21+22).↩