Classement thématique série 1848–1945:
VII. LA NAVIGATION FLUVIALE ET LES TRANSPORTS INTERNATIONAUX
Également: Exposé sur l’aménagement du Rhin entre Huningue et Strasbourg et sur le projet d’un canal navigable et de l’usine hydro-électrique de Kembs. Annexe de 31.8.1919
Printed in
Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-II, doc. 137
volume linkBern 1984
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
▼ ▶ Archival classification | CH-BAR#E2001B#1000/1514#101* | |
Old classification | CH-BAR E 2001(B)1000/1514 8 | |
Dossier title | Nutzbarmachung des Rheins zwischen Basel und Strassburg (1918–1920) | |
File reference archive | C.13.22.2.2 |
dodis.ch/44348
Pendant mon récent séjour en Alsace, je suis allé rendre visite, à Strasbourg, à M. Alexandre Millerand, Commissaire Général de la République, qui est installé dans l’ancien palais des Statthalter. J’ai été fort bien reçu et nous avons traité plusieurs questions helvético-alsaciennes actuellement pendantes.
En ce qui concerne l’utilisation des chemins de fer badois, pour vos transports, M. Millerand m’a confirmé ce que m’avait dit M. Loucheur, à savoir que le Gouvernement français était d’accord, à titre de mesure temporaire, et tant que durera la crise des transports qui va encore en s’accentuant. Du reste, à mon retour à Paris, j’ai trouvé à ce sujet une note2 conforme du Ministère des Affaires étrangères et j’en ai télégraphié le contenu au Département de l’Economie publique; c’est donc une affaire réglée.
M. Millerand m’a signalé l’intérêt qu’il y aurait à accorder plus facilement des passeports aux nombreux Alsaciens-Lorrains que leurs affaires appellent fréquemment à Bâle; je lui ai répondu qu’à Berne, d’où je venais directement, on étudiait une simplification du régime actuel et que de plus grandes facilités seraient vraisemblablement prises à brève échéance par le Gouvernement fédéral.
La question de la représentation consulaire suisse en Alsace et en Lorraine a également été traitée; je prépare à cet égard un rapport spécial qui partira par le prochain courrier.
Mais la partie saillante de la conversation fut celle relative à la navigation fluviale. M. Millerand me parut parfaitement documenté et connaître à fond tout ce qui a été écrit en Suisse sur le Rhin. Il ne m’a point caché que l’attitude de M. Gelpke lui semblait parfaitement exagérée et que ses sentiments ultra-germanophiles n’étaient point de nature à lui concilier les sympathies de ceux qui sont devenus maintenant les dirigeants à Strasbourg. Comme je faisais valoir que nous étions préoccupés en Suisse des projets français concernant la construction du canal latéral, M. Millerand s’est exclamé: «Mais je vous assure que l’on se fait chez vous une idée tout à fait fausse de nos intentions; tout d’abord, laissez-moi vous dire que nos ingénieurs spécialistes ont nettement établi l’impossibilité matérielle de naviguer normalement sur le Haut-Rhin pendant plusieurs mois de l’année; le niveau du Rhin baisse chaque année et je vous prédis que d’ici un demi-siècle il y aura, à Istein, une chute d’eau pouvant faire concurrence à celle de Neuhausen. Personne n’a jamais eu l’arrière-pensée de jouer une niche aux Suisses; bien au contraire, nous prévoyons que le régime conventionnel sera applicable au canal; vous n’avez qu’à lire le rapport que je vous remets (voir annexe) de mon ingénieur-directeur de la navigation, M. Cottin, et vous remarquerez qu’à l’avant-dernière page de son travail, il conclut à ce que:
1. le canal sera considéré comme faisant partie du Rhin conventionnel et il n’y sera pas prélevé de taxes;
2. l’écluse sera construite dans des conditions de longueur et de largeur permettant aux plus grands bateaux de remonter. J’ajoute», c’est toujours M. Millerand qui parle, «que c’est dans l’esprit du Traité de Paix, et c’est du reste inscrit aux clauses concernant d’autres fleuves, que les canaux latéraux doivent avoir le même caractère de navigation internationale que les fleuves eux-mêmes dans le régime desquels ils se trouvent. Remarquez d’ailleurs une chose, c’est que ce projet fut approuvé en 1909 par la commission centrale de Mannheim et je ne sache pas que la Suisse ait, à ce moment-là, fait entendre la moindre observation. Avezvous lu l’article intitulé «Das Rheinproblem» dans le No 315 du 13 juillet 1919 des «Basler Nachrichten»? Je vous en recommande beaucoup la lecture.»
Telles sont, M.le Conseiller fédéral, résumées aussi fidèlement que possible, les déclarations que m’a faites M. Millerand sur un ton amical. Tenant à ce que je voie ses chefs de service, il a eu l’amabilité de m’inviter à déjeuner avec eux pour le lendemain et j’ai pu m’entretenir avec le Dr. Bucher (l’éminence grise), avec M. Cottin susnommé, avec M. Berninger, Directeur commercial et avec M. Pierre Schweissguth, Directeur des Finances. Tous ces Messieurs ont été unanimes dans leurs assurances très catégoriques: «Nous avons besoin de la Suisse et avons le vrai désir de nous montrer ses amis, faites-nous donc confiance et laissez-nous construire la seule route navigable reconnue pratique par nos ingénieurs. Si, d’après le Traité de Paix, toute l’eau du Rhin longeant l’Alsace est française, il n’en est pas moins reconnu par nous qu’il s’agit d’un fleuve à navigation internationale et qu’un canal latéral subira le régime du Rhin conventionnel.»
Par lettre C. 13/22/1.109 du 28 octobre, vous m’avez envoyé le projet d’une note à remettre au Ministère des Affaires étrangères pour demander des explications au sujet de l’usine de Kembs; je suis votre fidèle représentant et tiens à m’acquitter consciencieusement de vos instructions; toutefois, je ne vous cacherai pas que je trouve le texte de cette note un peu trop sec, après tout ce que m’a dit M. Millerand. Notre droit est indiscutable, c’est certain; mais comme cette note parviendra certainement à la connaissance du Haut-Commissaire, j’ai le sentiment qu’il serait opportun d’en revoir le texte, de l’arrondir, pour ne pas nous aliéner les dispositions bienveillantes de M. Millerand.
Avant de terminer, permettez-moi de soumettre à votre appréciation une suggestion: Le moment ne serait-il pas venu d’envoyer M. Collet «causer» avec M. Cottin; il me semble qu’une conversation entre deux spécialistes ne pourrait qu’être utile actuellement.
- 1
- Lettre: E 2001 (B) 14/8.↩
- 2
- Par cette note, le Ministre des Affaires étrangères de la République française faisait connaître à la Légation de Suisse que l’administration française n’a pas d’objection à l’acheminement sur la Suisse, à titre provisoire, par les ports de la Rive droite du Rhin et par les chemins de fer badois des charbons de la Sarre. Il est entendu que la Suisse se chargerait entièrement du transport à partir du moment où le charbon serait débarqué. (E 2200 Paris 1/1551).↩
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