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Diplomatic Documents of Switzerland, vol. 7-I, doc. 317
volume linkBern 1979
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Archive | Swiss Federal Archives, Bern | |
Archival classification | CH-BAR#E7350#1000/1104#2* | |
Dossier title | Deutschland (1914–1918) | |
File reference archive | 1 |
dodis.ch/44062 Le Directeur de la Banque Nationale, R. de Haller, au Chef du Département de l’Economie publique, E. Schulthess1
Nous avons eu hier soir la première conférence plénière entre Neutres et Alliés. On m’a informé que les Allemands avaient annoncé une dette directe échue vis-àvis du Gouvernement Suisse de 10 millions de marcs or environ, concernant le service de l’internement et on m’a demandé si c’était exact. Je ne pouvais répondre sur l’heure et ce matin, au moment de vous envoyer un télégramme à cet effet, M. le Ministre Dunant m’a remis copie du télégramme No. 39 du Département
Politique m’avisant que les Allemands doivent à la Caisse d’Etat 7 millions pour l’internement allemand en Suisse et 7 millions pour le service de la représentation des intérêts allemands à l’étranger. J’ai aussitôt donné connaissance de ce retard de 14 millions dans les paiements à la Caisse d’Etat fédérale en priant les Alliés de bien vouloir considérer ce poste spécial et la charge qui en résulte pour notre Trésor.
Les Alliés ont demandé que les Neutres veuillent bien leur communiquer
1) une liste des crédits qu’ils connaissent et à échoir dans les mois prochains;
2) communication des gages et garanties donnés;
3) communication des dates auxquelles les crédits ont été accordés;
4) les Alliés nous ont laissé entendre que les Allemands seraient disposés à séquestrer les actifs de leurs ressortissants chez les Neutres et demandent, comme ils ne peuvent connaître ces actifs sans le concours des banques neutres, que celles-ci les dévoilent;
5) Les Alliés paraissent disposés à faire une distinction entre les crédits officieux et les crédits purement privés, mais ils paraissent jusqu’ici vouloir considérer comme crédits officieux tous ceux pour lesquels la Reichsbank ou le Gouvernement Allemand aurait donné son consentement vis-à-vis du débiteur, c’est-à-dire ceux pour lesquels la Reichsbank aurait promis au débiteur de lui fournir les moyens de remboursement à leurs échéances.
6) Le délégué anglais a déclaré que les Français et les Belges demandent, en ajoutant que cela est légitime, que les réparations qui leur sont dues pour les dommages passent avant le remboursement des crédits consentis par les Neutres, crédits qui ont fourni un appui à l’Allemagne pour prolonger la guerre. J’ai aussitôt protesté contre cette manière de voir. J’ai prié les Alliés de considérer que ces crédits ont été accordés, en ce qui concerne la Suisse, dans le but unique de maintenir la possibilité de travail dans nos usines et ateliers, que nous voyons maintenant ce qu’apporte dans les pays le chômage et que nous Suisses avions dès le début des hostilités déclaré que nous resterions neutres et que nous ferions respecter notre neutralité par tous les moyens, qu’en conséquence nous avions mobilisé nos troupes et gardé nos frontières et que nous nous étions fort bien rendu compte,
pendant ces 4 années de guerre que le chômage forcé aurait amené des troubles intérieurs, qui auraient nécessité l’intervention de nos troupes pour le maintien de
l’ordre, ce qui aurait affaibli la garde de nos frontières; qu’en accordant ces crédits pour maintenir le travail en Suisse, nous n’avions pas fait autre chose que de rester fidèle à notre déclaration de vouloir faire respecter par tous les moyens à notre pouvoir notre neutralité par la garde de nos frontières. Le délégué anglais a alors atténué son expression en disant que par ces crédits, nous avions tenu à conserver nos relations commerciales et qu’il reconnaissait qu’ils n’avaient pas été consentis pour des raisons de sentiment et d’affection vis-à-vis de tel ou tel pays. Le Hollandais a soutenu ma manière de voir en disant: «M. de Haller a parfaitement raison, ce n’est pas non plus pour maintenir des relations commerciales, comme le dit maintenant le délégué anglais, c’est pour vivre que nous avons dû faire ces crédits». Le délégué américain qui présidait, après ces déclarations, a reconnu que les Neutres s’étaient trouvés dans des situations très difficiles et avaient eu à souffrir de la guerre plus que les Américains et que certainement les délégués alliés tiendraient compte de l’exposé fait par les délégués suisse et hollandais dans l’appréciation de cette question des crédits.
En ce qui concerne la priorité en faveur de la France, le délégué suédois, conformément à ce que nous avions décidé entre Neutres, a relevé qu’il ne fallait pas poser cette question de priorité, qu’en fait l’Allemagne ne serait à même de payer ce qu’on lui demanderait que si son commerce extérieur était maintenu, qu’en conséquence, il ne pouvait pas être question d’empêcher les crédits d’être remboursés, car ce serait la ruine du crédit allemand et la baisse successive et continuelle du cours du marc.
Les Allemands ont annoncé un chiffre d’avances faites par la Suisse et remboursables jusqu’en 1923 de 397,8 millions de francs. Comme nos crédits officieux (y compris l’opération d’achat de titres suisses et l’achat de 5 millions de dollars payables en 1920 qui figurent sur la liste allemande), s’élèvent encore au total à 254,7 millions de francs, il y a donc 143,1 millions de crédits privés annoncés par les Allemands.
Nous avons demain une nouvelle réunion des délégués neutres pour discuter les questions posées par les Alliés et examiner jusqu’à quel point nous pourrions y donner suite.
Pour ma part, je considère que nous n’avons pas à donner le détail des gages et garanties que nous tenons. Il est de même inadmissible que nos banques dévoilent les actifs possédés par les Allemands chez elles. Par contre, je ne vois pas en ce qui concerne la Suisse, d’inconvénient à indiquer l’époque à laquelle nos crédits officieux ont été accordés. Quant aux crédits privés, cela est tout simplement impossible.
J’estime aussi que, si les Alliés veulent traiter différemment les crédits officieux et les crédits privés, il faut considérer comme crédits officieux seulement ceux qui ont été accordés sur la demande du Conseil fédéral et qui sont en relations directes ou indirectes avec nos conventions économiques et leurs prolongations. Je ne prendrai du reste aucun engagement avant d’être rentré à Berne pour référer et prendre des instructions. Nous avons une nouvelle réunion plénière vendredi qui sera suivie, je suppose, d’une réunion des Neutres et je partirai de suite pour Berne.
IP.S.I M. le Ministre Dunant me communique à l’instant votre lettre du 8 crt.2
contenant comme annexe des instructions à mon adresse. Comme vous l’aurez appris par ma lettre du 7 avril3, il ne s’agit encore que de questions soulevées,
sans propositions de la part des Alliés. Ceux-ci prévoient d’autres séances quand nous aurons pu en référer à nos gouvernements; dans ces circonstances, j’ai estimé pouvoir éviter ce voyage à M.M. Stucki4 et Kurz5 jusqu’à mon premier retour à Berne.
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Economic and financial negotiations with the Allies (World War I)