dodis.ch/43132 Der schweizerische Konsul in
Porto,
F. Babel, an den Bundespräsidenten und Vorsteher des Politischen Departementes,
R. Comtesse1
La dynastie des Braganças a cessé de régner: Le peuple portugais n’a plus de maître; le Portugal est enfin maître de ses destinées.
Beaucoup de sang a été versé à Lisbonne, mais est-il possible d’effectuer une révolution et un changement radical d’institutions, sans violences et sans combats, - surtout lorsqu’il s’agit de substituer, d’aniquiler une monarchie archiséculaire défendue par une armée de dignitaires aussi rétrogrades dans leurs idées, qu’inquisitoriaux dans leurs actes?
La République portugaise a nommé son Gouvernement provisoire; ce gouvernement est composé d’hommes de haut caractère, immaculés comme citoyens politiques et privés, expérimentés par des luttes ardues, élevés à l’école moderne, et pour une bonne partie débiteurs de leur savoir à nos bonnes écoles suisses, dont du reste ils ne font que des éloges.
Avec des hommes de cette trempe, et encore avec le désir absolu que manifeste le Pays de sortir finalement de l’apathie et de la rétrogradation auxquelles il s’est vu acculer par la domination cléricale, il est à croire et c’est mon ferme désir, que bientôt un Portugal nouveau aura fait place à l’ancien, balayant dans l’océan qui le baigne les pourritures du régime néfaste qui l’a momentanément ruiné.
J’ai eu l’honneur, Monsieur le Président, de vous adresser le 4 courant la dépêche suivante: «L’ordre n’est pas troublé à Porto, cependant vivons sur volcan». - Aujourd’hui, j’ai également eu l’honneur de vous expédier les deux télégrammes de la teneur suivante: le premier: «République proclamée Lisbonne»; le second: «Sont nommés Président République Théophile Braga. - Vice-Président Alphonse Costa. - A Porto République proclamée sans trouble et sans effusion sang. - Nouveau gouverneur républicain installé en ce moment. - Immense soulagement, énorme enthousiasme».
Je vous confirme, Monsieur le Président, ces trois dépêches, tout en vous faisant savoir qu’il m’a été impossible de fournir au Département politique des informations plus rapides, attendu que les voies ferrées, le télégraphe et le téléphone avec Lisbonne ont été inutilisés et ne fonctionnent plus et pas encore depuis trois jours.
Ici tout est tranquille, pas de bruit, pas la moindre escarmouche; c’est là un bon point pour les républicains qui ont tout prévu afin d’éviter des répressions sanguinaires.
Au cas où de nouveaux ou graves événements viendraient à se produire, j’aurai soin d’en informer immédiatement le Département politique.
Je reste avec le plus profond dévouement, Monsieur le Président, votre très humble serviteur.
P.S. Au moment de fermer ma lettre, une imposante manifestation est là sous les fenêtres du consulat (plus de 20000 personnes) acclamant la Suisse et poussant des vivats frénétiques.